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Développement et formation

Dans le document compétences La gestion des (Page 113-118)

Chapitre 4 – Développer les compétences

1. Développement et formation

Il suffit presque de poser la première question pour y répondre : développement des compétences et formation traditionnelle ne relèvent pas du même esprit, et ceci particulièrement dans notre pays, où l’orien-tation scolaire et professionnelle se fait par le biais de sélections successi-ves, sélections fondées sur la réussite dans des disciplines abstraites, les mathématiques en particulier. Il se constitue ainsi des élites et l’apparte-nance à ces élites représente une garantie de carrière qui donne proba-blement moins de poids à l’acquisition ultérieure de compétences, y compris des compétences relationnelles qui ont, par ailleurs, joué peu de rôle dans les sélections antérieures. En outre, à l’autre extrémité de l’échelle des qualifications, l’enseignement professionnel se fait presque

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entièrement par une formation initiale de type scolaire et il est difficile ensuite aux jeunes ainsi formés de trouver un emploi sans avoir eu l’occasion de faire leurs preuves sur le terrain. On peut opposer ce sys-tème à la formation professionnelle en Allemagne où 1 500 écoles pro-fessionnelles fonctionnent avec une organisation double, alternant la formation scolaire et l’expérience directe. Certes, la formation continue ou formation des adultes joue un rôle important en France, mais tou-jours dans le même esprit qui consiste à satisfaire les besoins immédiats de l’emploi, et pas à se placer dans une perspective de développement des compétences individuelles.

Par opposition, et même si leur objectif général – rendre les individus aptes à remplir les missions de l’entreprise –, semble être identique dans les deux cas, le développement des compétences est un concept diffé-rent. Et ceci pour quatre raisons (Wood, 1994) :

1) Le développement des compétences n’est pas une nouvelle techni-que pédagogitechni-que qui serait, comme c’est le cas dans la plupart des acti-vités de formation traditionnelle, imposée par la hiérarchie en vue de faire acquérir des qualifications utiles. En d’autres termes, il ne suppose pas une relation d’autorité entre ceux qui savent et ceux qui apprennent, encore moins entre ceux qui définissent les besoins de formation et ceux qui s’y soumettent. C’est une attitude que doit adopter avant tout celui qui veut développer ses compétences, attitude qui doit être partagée et reconnue comme telle par la hiérarchie de l’entreprise.

De ce point de vue, le développement des compétences ne peut pas faire l’objet de manuels pédagogiques et n’est pas une activité de forma-tion placée sous l’autorité d’un responsable. C’est la volonté de chercher même à préciser ses possibilités de développement, et de tenter, soi-même, de trouver les moyens qui favoriseront ce développement – même si cet effort doit se faire en contact avec les responsables de la gestion des ressources humaines dans l’entreprise. En outre, besoins et moyens varient selon les organisations ; de ce fait, les objectifs et les expériences formatrices varieront également et il ne peut pas y avoir de plan de développement « omnibus ».

Il faut souligner que la nouvelle orientation impliquée par le dévelop-pement des compétences correspond bien à l’évolution actuelle des entreprises dans la mesure où elles sont contraintes à des changements plus rapides et plus profonds que par le passé. L’initiative laissée à

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chacun pour organiser son développement personnel coïncide également avec la manière dont les individus cherchent actuellement à gérer eux-mêmes leurs carrières – même s’ils doivent le faire en tenant compte des besoins et des évolutions prévisibles du marché. Ceux-ci acceptent beaucoup moins facilement la présence d’une autorité tutélaire qui décide de ce qu’ils doivent apprendre, sans leur laisser d’autonomie. De ce point de vue, le développement des compétences fait partie des ini-tiatives qui visent l’accroissement de la participation individuelle aux décisions collectives, comme, par exemple, la constitution de groupes autonomes et la création de cercles de qualité.

2) Les relations entre activités de travail et de production d’une part et développement des compétences d’autre part, ne sont pas celles qui existent entre travail et formation traditionnelle. On peut dire que le développement des compétences représente une nouvelle étape dans l’histoire de la formation (Wood, 1994). Une première étape a vu la for-mation se séparer des activités de production et de service. Il s’agissait alors, essentiellement, d’une formation initiale, qu’elle soit faite avant l’entrée dans l’entrepris ou qu’elle représente un élément clé de l’inté-gration des nouveaux embauchés qui devaient apprendre, une fois pour toutes, les produits et les services, les structures, les méthodes, la culture de l’entreprise. En d’autres termes, la formation précédait le travail proprement dit.

Cette perspective relativement statique s’est révélée inadaptée lorsque la productivité est devenue un problème central du fait de la rapidité du progrès technique, du coût de l’emploi et des difficultés économiques.

La deuxième étape a ceci d’original que la formation y est destinée non plus aux personnes à intégrer dans l’entreprise, mais à celles qui sont déjà en place, avec l’objectif de les rendre plus efficaces. D’où la concep-tion d’une formaconcep-tion qui consiste à acquérir les compétences que n’avaient conféré ni la formation initiale ni la formation donnée par l’organisation en début de carrière. En d’autres termes, la formation ne précède plus le travail, elle l’accompagne.

Plus récemment, face à une crise économique plus dure et à la concur-rence de pays en voie de développement rapide, le recrutement s’est ralenti, les licenciements se sont multipliés et les ressources en compé-tences, celles que l’organisation possède déjà ou qu’elle est susceptible de développer au sein de son personnel en place ont pris une impor-tance accrue. D’où l’effort actuel des entreprises pour connaître avec

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précision leurs ressources potentielles en compétences, et pour mieux comprendre comment ces compétences peuvent être développées.

D’où aussi le souci non seulement de former mais, plus fondamentale-ment, de créer des conditions favorables à l’acquisition des compé-tences. Le développement des compétences se fait en réponse à ces nouvelles préoccupations dans la mesure où il s’agit à la fois de déceler les compétences existantes et d’en développer d’autres à la faveur des expériences spécifiques à l’organisation. Acquérir de nouvelles compé-tences n’est donc plus une activité antérieure au travail ou qui se déroule à côté du travail. Elle se réalise au cours même du travail et par son intermédiaire.

Les compétences ne sont donc pas des qualités innées que l’expérience ne fait que développer. Elles ne s’enseignent pas non plus au sens où il y aurait simple passage de savoirs du maître à l’élève. Elles sont le fruit d’une expérience recherchée et exploitée activement par celui qui y par-ticipe, expérience qui permet l’intégration réussie des connaissances et des savoir-faire afin de construire des compétences inédites.

3) Dans ces conditions, un plan de développement ne peut donc pas être organisé de manière systématique, comme c’est le cas pour la formation traditionnelle où l’analyse des besoins précède la recherche des méthodes propres à les satisfaire. Le développement des compétences et la gestion des parcours de carrière ne sont qu’une même activité, dans la mesure où les décisions de mobilité ne sont plus prises uniquement en fonction des capacités de l’individu à remplir de nouvelles fonctions, mais également pour lui ménager de nouvelles expériences qui lui per-mettront de développer des compétences utiles. Ce développement actif des compétences permet à chacun d’en contrôler l’acquisition, et de gagner ainsi la confiance en soi qui résulte de l’expérience directe des compétences mises en œuvre.

La substitution du terme « développement » au terme « formation » n’est donc pas de pure forme. La gestion des compétences ne peut pas passer par la création de plans généraux de formation. Et elle s’appuie sur une idée fondamentale : c’est la mobilité en cours de carrière qui apporte des occasions de développement individuel en ménageant des occasions d’apprendre. De ce point de vue, introduire le concept et les actions de développement des compétences dans une entreprise suppose donc un renouvellement des attitudes vis-à-vis du rôle, des modalités et des moyens de la formation.

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4) Cette attitude active et participante qui fait l’originalité du dévelop-pement des compétences se concrétise par la priorité donnée au fait

« d’apprendre à apprendre » (Baldwin et Pagett, 1994). De quoi s’agit-il ? Les fonctions qualifiées de « knowledge work », expression qu’on peut traduire par « travail exigeant une compétence » sont de plus en plus nombreuses dans le monde du travail actuel. D’où l’importance d’une méta-compétence, qu’Argyris (1991) nomme « apprentissage à double boucle ». Il s’agit essentiellement de savoir tirer parti de ses expériences en adoptant une attitude critique par rapport à la manière dont on per-çoit et résout les problèmes, en étant capable d’analyser son propre comportement, d’identifier les sources de problèmes éventuels et, enfin, de savoir profiter activement de ces observations.

La liste des méta-compétences n’est pas close. Notamment, Schein (1989) souligne l’importance des compétences de coordination, et Morgan (1988), de la capacité à gérer les situations ambiguës. D’une manière plus systématique, Kolb et al. (1985) décrivent les change-ments qui affectent actuellement les organisations. Les structures hié-rarchiques caractérisées par des chaînes de commande strictes et une autorité formelle associée à chaque niveau de responsabilité disparais-sent et font place à des réseaux caractérisés par la flexibilité et l’inter-dépendance des équipes. D’où l’importance de quatre méta-compétences, au niveau comportemental (prendre des initiatives dans des conditions de risque et d’incertitude) ; au niveau perceptif (être capable de rassembler et de traiter systématiquement des informa-tions), au niveau affectif (se mettre à la place des autres et résoudre les conflits inter-personnels), au niveau symbolique (conceptualiser l’organisation en tant que système). Qui plus est, l’autorité est rempla-cée par l’influence, influence qui s’exerce aussi bien au niveau des subordonnés que des collègues et des supérieurs.

Si on veut résumer ces différentes analyses, il faut retenir que l’évolution actuelle des organisations, sans rendre obsolètes les compétences tradi-tionnelles, impose l’acquisition de nouvelles compétences – d’où l’importance, à tous les niveaux, de la capacité à apprendre, à le faire en permanence et de manière autonome, y compris en cherchant à mieux se connaître soi-même.

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