• Aucun résultat trouvé

Développement de nouveaux outils pour l’étude de l’invasion

1.1. Aspects techniques

Le ciblage de gènes chez les Plasmodium de rongeurs a d’abord été mis au point chez P. berghei (R. Ménard et al. 1997), et a permis d’identifier les fonctions de différentes protéines à différents stades du cycle de vie du parasite. La génération de lignées de parasites exprimant la GFP chez P. berghei (Natarajan et al. 2001; Franke-Fayard et al. 2004) a permis d’ouvrir les champs de compréhension des processus biologiques fondamentaux du parasite. Au cours des quinze dernières années, de nombreuses études ont utilisé ces parasites pour comprendre les mécanismes d’invasion utilisés par

Plasmodium dans le foie, aux stades sanguins ou chez le moustique (Frischknecht et al.

2004; Jerome P. Vanderberg and Frevert 2004; Vlachou et al. 2004; Franke-Fayard et al. 2005; Ute Frevert et al. 2005). Le ciblage de gènes chez P. yoelii a également été développé en 2001 (M. M. Mota, Thathy, et al. 2001), avec la production de souches exprimant la GFP tout au long du cycle de développement du parasite.

Afin de faciliter nos études de l’invasion de Plasmodium, nous avons généré de nouveaux parasites transgéniques exprimant la GFP à un haut niveau d’expression à tous

89 les stades du cycle, en particulier chez les sporozoïtes. Pour cela, nous avons développé une nouvelle stratégie, nommée GOMO (« Gene Out Marker Out »), qui consiste en une procédure de sélection rapide pour générer des parasites de Plasmodium recombinants sans marqueur de résistance aux drogues de sélection (Article 1, Figure 1). La stratégie combine une double sélection positive/négative et le tri des parasites rendus fluorescents par cytomètrie en flux. Cette stratégie permet de minimiser le nombre de souris utilisées pour la transgénèse.

Grâce à la stratégie GOMO, nous avons pu générer différentes lignées transgéniques chez P. berghei et P. yoelii. Tout d’abord, en ciblant le gène p230p, un gène facultatif souvent utilisé comme locus d’intégration chez P. berghei, nous avons produit de nouvelles souches de référence exprimant la GFP, PbGFP et PyGFP. Ces nouvelles souches, dont nous avons vérifié le développement normal tout au long du cycle de vie du parasite, sont désormais utilisées en routine au laboratoire comme parasites contrôles. Par ailleurs, nous avons produit plusieurs knockout de gènes impliqués dans la migration ou l’invasion des sporozoïtes: parasites Δplp1 chez P. yoelii et P. berghei, Δmaebl chez P.

yoelii, parasites Δp52Δp36 chez P. berghei et P. yoelii. Tous ces parasites expriment la

GFP à tous les stades du cycle de vie du parasite, ce qui facilite le suivi des infections, notamment chez le moustique ou encore dans les cultures celluliares, où nous pouvons quantifier les taux d’infection des cellules par cytométrie en flux. Un avantage de la stratégie GOMO est de produire des mutants sans marqueur de résistance aux drogues de sélection. Cela nous a permis de réaliser des modifications génétiques supplémetaires dans ces lignées : étiquetage de protéines de rhoptries, mais également complémentation génétique des mutants Δp52Δp36.

L’étiquetage des protéines de rhoptries RON2, RON4 et RAP2/3 chez P. yoelii nous a permis de visualiser les rhoptries des sporozoïtes et étudier leur sécrétion. Nous avons ainsi montré que RON2-mCherry et RON4-mCherry ne sont plus détectées après invasion productive. RON2 et RON4 sont des protéines du col des rhoptries, probablement associées à la formation de la MJ. Nos résultats suggèrent donc une sécrétion massive des rhoptries des sporozoïtes lors de la formation de la jonction et de la vacuole. Jusqu’à présent, nous n’avons pas pu visualiser l’événement d’entrée lui-même, mais les parasites exprimant RON2-mCherry et RON4-mCherry seront des outils précieux pour développer des approches d’imagerie en temps réel de l’entrée. RAP2/3 est localisée dans le bulbe des rhoptries, et nos données suggèrent sa sécrétion lors de la formation de la vacuole parasitophore, où RAP2/3-mCherry est détectée de manière transitoire. Ces marqueurs nous ont permis de démontrer que la sécrétion des rhoptries est spécifiquement observée

90 lors de l’invasion productive dans les HepG2/CD81, et pas en l’absence de CD81 chez P.

yoelii (Risco-Castillo et al. 2014).

GOMO est une stratégie qui permet d’obtenir des parasites génétiquement modifiés exprimant un marqueur de fluorescence, sans gène de résistance, de façon rapide et en limitant le nombre de souris nécessaires pour la production des mutants. Afin d’améliorer encore cette stratégie, nous avons décidé de la combiner avec la technologie CRISPR/Cas, utilisant une endonucléase bactérienne (coupant l’ADN à un endroit précis) appelée Cas9, guider vers des sites spécifiques du génome cible grâce à de petits ARNs non codants. La stratégie CRISPR/Cas devrait nous permettre de générer des parasites transgéniques encore plus rapidement, en insérant directement une cassette de fluorescence en remplacement d’un gène d’intérêt, ciblé grâce à CRISPR/Cas.

1.2. Nouvelles données sur les cinétiques d’infection des

sporozoïtes

Grâce à la nouvelle lignée fluorescente PyGFP, et en utilisant deux lignées hépatocytaires permissives (HepG2/CD81) ou non (lignée parentale HepG2) (Silvie et al. 2006), nous avons pour caractérisé les mécanismes cellulaires et moléculaires de la traversée cellulaire et de l’invasion productive, en utilisant un test au rhodamine-dextran comme marqueur de l’activité de transmigration. Les cinétiques de traversée cellulaire des parasites PyGFP sont identiques quel que soit le type cellulaire utilisé (HepG2 versus HepG2/CD81), ce qui confirme que CD81 n’intervient pas lors de la traversée des cellules. L’analyse par FACS des cinétiques d’invasion dans les HepG2/CD81 montre un délai de 30-60 minutes avant l’activation de l’invasion productive. Ce délai est observé indépendamment de la traversée cellulaire, et pourrait correspondre au temps d’activation nécessaire au parasite lors de la migration de la peau jusqu’au foie.

En comparant les cinétiques d’invasion des sporozoïtes GFP dans les HepG2 par rapport aux cellules HepG2/CD81, nous avons mis en évidence la formation de vacuoles transitoire durant la traversée cellulaire. Les sporozoïtes de Plasmodium peuvent envahir les cellules soit en formant une vacuole transitoire pendant la traversée, soit établir une vacuole parasitophore dans lequel ils vont se développer pour former des formes exo-érythrocytaires.

L’entrée des sporozoïtes dans les vacuoles non réplicatives se produit indépendamment de CD81 et sans décharge des rhoptries, tandis que la formation de PV nécessite la présence de CD81 à la surface de la cellule hôte (pour PyGFP), et

91 s’accompagne de la sécrétion des protéines de rhoptries (Silvie et al. 2003; Risco-Castillo et al. 2014). De plus, nos données montrent que la formation de TV se produit sans remodelage de la membrane de la vacuole, qui présente une composition similaire à la membrane plasmique de la cellule. En revanche, la formation de la PV est associée à une exclusion des protéines membranaires de l’hôte, probablement par partition moléculaire au moment de l’invasion au niveau de la jonction mobile, comme décrit précédemment chez

Toxoplasma (Charron and Sibley 2004).