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Chapitre 1 Introduction 1

F) Les approches thérapeutiques actuelles 21

1) Développement d’un vaccin contre la tularémie 21

a) La souche LVS

Les premières recherches autour d’un vaccin contre la tularémie remontent aux années 1930 et furent conduites par le chercheur américain Lee Foshay. A l’époque, Foshay entreprit d’inactiver des cellules bactériennes de F. tularensis par traitements thermique et chimique afin de créer un vaccin constitué de bactéries entières inactivées. L’efficacité du vaccin de Foshay s’avéra limitée lorsqu’il fut testé sur des primates non-humains, ne protégeant les animaux que contre de faibles doses infectieuses de la souche virulente F. tularensis Schu S4. Chez l’homme cependant, ce vaccin eut un effet protecteur plus encourageant mais provoqua aussi des réactions locales importantes [6].

A quelques années d’intervalle, les Soviétiques menèrent, eux aussi, des recherches sur des vaccins potentiels. Contrairement aux tentatives américaines, les Soviétiques concentrèrent leurs efforts sur l’élaboration d’un vaccin vivant atténué à partir de souches de F. tularensis subsp. holarctica. Les travaux menés par Gaiskii et El’bert conduisirent en 1942, à la production de la souche « Moscou » atténuée par passage sur du sérum immun anti-

F. tularensis. Cette souche, ayant d’abord montré une protection satisfaisante sur des

volontaires exposés à des souches virulentes, servit ensuite à vacciner plusieurs milliers de personnes avant d’être perdue [48]. Pendant cette période, les mêmes chercheurs mirent au point au moins deux nouvelles souches, nommées n°15 et Ondatra IV, atténuées par passage successifs sur un milieu artificiel. De nouveaux essais cliniques conduits avec ces deux souches administrées en injection sous-cutanée, permirent de confirmer leur caractère inoffensif et protecteur. Entre 1946 et 1960, on estime que plus de 60 millions de personnes ont été vaccinées par l’une de ces souches en ex-URSS, ce qui aurait participé activement à la diminution de l’incidence de la tularémie dans cette région. Par ailleurs, la souche n° 15 est toujours disponible pour la vaccination en Russie et dans les pays de l’ex-Union Soviétique dans les zones où la tularémie est endémique [48, 49].

En 1956, la souche n°15 ainsi qu’une autre, dérivée aussi de F. tularensis subsp. holarctica, nommée n°155, furent importées de l’Institut Gamaleia (Institut d’Epidémiologie et de Microbiologie) de Moscou vers l’Institut de l’armée américaine pour les recherches médicales sur les maladies infectieuses (USAMRIID) de Fort Detrick. Une fois mises en culture, ces deux souches s’avérèrent être un mélange donnant deux types de colonie sur milieu solide : bleues

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ou grises. Chaque variant fut isolé et testé chez la souris et le cochon d’Inde pour ses propriétés immunogènes et protectrices contre une infection par la souche virulente Schu S4. Ayant montré une meilleure efficacité chez l’animal, la souche « bleue » fut alors atténuée de nouveau par 5 passages successifs chez la souris et fut rebaptisée Live Vaccine Strain (LVS) [6, 49, 50].

Chez l’animal, cette souche vaccinale, bien que dérivée de la sous-espèce holarctica, se montra efficace pour protéger contre une infection pulmonaire par la souche virulente de Type A Schu S4 [6].

La même étude fut réalisée chez l’homme où seulement 3 des 18 personnes vaccinées exposées à des aérosols bactériens montrèrent des signes d’infection contre 8 sur 10 dans le groupe contrôle, permettant de conclure à une protection significative engendrée par l’immunisation avec la souche LVS. Une autre étude démontra qu’un an après une vaccination par LVS, seules des personnes exposées à de fortes doses infectieuses (environ 20 000 bactéries) par aérosols contractèrent une maladie, les symptômes étant tout de même moins importants que pour les individus non-vaccinés. Ces études ont appuyé la décision de la Food and Drug Administration américaine (FDA), qui en 1960, autorisa l’utilisation de la souche LVS comme vaccin, mais uniquement pour les employés de laboratoire manipulant des souches de F. tularensis, considérées comme « personnes à risque ». Une étude rétrospective a par ailleurs été réalisée en 1977 sur l’incidence de la tularémie acquise en laboratoire. Cette étude compara la période de 1950 à 1959 où la vaccination n’était pas encore mise en place, et celle de 1960 à 1969 où de nombreux employés étaient vaccinés. Entre ces deux périodes, l’incidence de la forme typhoïde de la tularémie est passée de 5,7 à 0,27 cas pour 1000 employés. En revanche, aucune influence du vaccin n’a été montrée sur l’incidence de la forme ulcéro-ganglionnaire. Toutefois, les signes cliniques de cette dernière sont apparus plus modérés post-vaccination [6, 50, 51].

Malgré les preuves de son efficacité, le vaccin LVS n’a jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché ni aux Etats-Unis, ni en Europe. Le principal frein pour les autorités est probablement l’absence de caractérisation précise des mécanismes d’atténuation et de protection. De plus, lorsqu’elle est administrée par voie intrapéritonéale (i.p.), la souche LVS est aussi virulente que la souche non-atténuée chez la souris, avec une dose létale très faible d’environ 10 bactéries, contre 107 en injection sous-cutanée. Pour ces différentes raisons, soulevant des questionnements quant au risque de contracter une maladie suite à une vaccination par la souche LVS, d’autres pistes sont envisagées pour élaborer un vaccin contre la tularémie [50] [6, 50].

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b) La recherche de nouveaux vaccins contre la tularémie

Deux grandes familles de vaccins sont envisagées pour lutter contre la tularémie : les vaccins vivants atténuées, comme la souche LVS, et les vaccins sous-unitaires.

Ces derniers, constitués de composants isolés de la bactérie et non de la cellule entière, offrent de nombreux avantages comparés aux vaccins vivants. Ils sont plus faciles à stocker et à transporter, et ne comportent pas d’espèce vivante. Le risque de contracter une pathologie infectieuse, existant avec les vaccins vivants, ne se pose donc pas.

Plusieurs études ont été conduites pour l’élaboration d’un vaccin contre la tularémie comportant des composés antigéniques spécifiques de F. tularensis, tels que des protéines, des lipoprotéines, ou encore des polysaccharides. Ces vaccins potentiels ont montré une protection très relative malgré une immunogénicité significative (voir revues [49, 52, 53]). En revanche, plus récemment, plusieurs équipes ont montré qu’une immunisation avec un mélange de plusieurs composants de F. tularensis, comme une fraction de la membrane externe, pouvait offrir une meilleure protection contre une exposition à des souches virulentes [54, 55]. Ces recherches laissent donc entrevoir la possibilité d’un vaccin sous- unitaire contre la tularémie.

Bien que les vaccins vivants atténués présentent des inconvénients majeurs cités plus haut, leur efficacité a néanmoins déjà été démontrée dans le cadre de la tularémie, mais aussi dans le cas d’autres maladies infectieuses, notamment la tuberculose avec le vaccin BCG. Cependant, une plus grande exigence est requise aujourd’hui pour le développement de vaccins vivants, notamment en caractérisant plus précisément l’origine de l’atténuation, en identifiant les mutations sur les gènes essentiels à sa virulence. Dans le cadre de la tularémie, de nombreux mutants ont été créés à partir des différentes sous-espèces de F. tularensis et testés chez l’animal. Tandis que les dérivés de F. novicida ne semblent offrir aucune protection croisée contre les souches virulentes, certains mutants de la sous-espèce tularensis ont montré une capacité de protection significative. Toutefois, le caractère extrêmement virulent de cette sous-espèce comporte un risque non négligeable quant à son utilisation en tant que vaccin [52, 53]. Les souches de type B semblent donc être des candidats plus sérieux. Les avancées de ces dernières années sur l’étude du génome de F. tularensis devraient contribuer à l’identification de gènes cibles d’atténuation et de ce fait, à l’élaboration d’un vaccin vivant atténué mieux caractérisé que l’actuelle souche LVS.

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