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Développement et application de méthodologies d’accompagnement des acteurs pour

2. Activités de recherche au sein de l’UMR LAE

2.4. Développement et application de méthodologies d’accompagnement des acteurs pour

territoire

Dans ce quatrième domaine d’activité l’objectif est de développer des méthodologies participatives83

permettant aux acteurs d’un territoire d’analyser, concevoir et évaluer des options de changement dans l’organisation territoriale des formes d’agriculture et la gestion des habitats semi-naturels qui leur permettraient d’atteindre leurs objectifs en termes de gestion du nexus Food – Non Food – Natural Resources. Les méthodologies participatives que je développerai seront basées sur l’utilisation des résultats des trois premiers domaines d’activités présentés ci-avant. Le développement et la mise en œuvre de ces méthodologies seront donc probablement réalisés à plus long terme.

2.4.1. Méthodologies de conception de territoires agroécologiques

Le développement de ces méthodologies sera réalisé dans la continuité de mes travaux sur les méthodologies participatives de conception et évaluation de (i) territoires agricoles permettant de réduire les crises de gestion quantitative de l’eau (Murgue et al. 2015, 2016), (ii) de système culture-élevage à l’échelle d’un territoire ou d’un collectif d’agriculteurs (Moraine, et al. 2014, 2016, 2017 ;

Moraine, Duru and Therond 2016 ; Martin et al., 2016) et (iii) de transitions agroécologiques à l’échelle

du territoire (Duru, Therond and Fares 2015). Ces méthodologies transdisciplinaires sont structurées en trois grandes phases :

(i) une phase de diagnostic et de co-modélisation de la situation actuelle via la plateforme MAELIA,

(ii) une phase de conception d’options de changement voire d’alternatives de systèmes agricoles (ex. systèmes de culture ou d’élevage), d’interactions entre ces systèmes agricoles (ex. échanges entre exploitations spécialisées en grande culture et élevage) ou de modalités de gestion des ressources naturelles (ex. gestion du paysage), voire des modalités d’une transition agroécologique à l’échelle locale (Duru, Therond and Fares

2015),

(iii) une phase d’évaluation et co-analyse intégrées des effets des différentes options ou alternatives de changement (le plus souvent en relatif des résultats de l’évaluation de la situation courante) via l’utilisation de la plateforme MAELIA.

Ces méthodologies sont par essence itératives. Si les objectifs fixés ne sont pas atteints en phase (iii) de nouveaux cycles de conception-évaluation peuvent être relancés (Murgue et al. 2015, Moraine, Duru and Therond 2015 ; Duru, Therond and Fares 2015 ; Cumming et al. 2013).

Alors même que les travaux sur l’analyse de la multifonctionnalité des paysages et la cartographie des SE revendiquent souvent un objectif d’aide à la décision, Mastrangelo et al. (2014, 2015) et Nahuelhual et al. (2015) montrent que très peu d’entre eux prennent en compte les attentes et propositions de changement des acteurs concernés. Mastrangelo et al. (2014, 2015) insistent sur la nécessité de développer des approches transdisciplinaires ou « socially-relevant process-based » (Cf. section 2.1.3). Comme expliqué précédemment, ce type de processus doit s’attacher à prendre en compte les spécificités des contextes écologique et socio-économique, les différents niveaux d’organisation et domaines en jeu et les échelles auxquelles les informations doivent être produites pour être

83 Ici « méthodologie participative » correspond à un ensemble de méthodes et procédures d’interactions entre individus articulées de manière à structurer une démarche dans laquelle les chercheurs collaborent avec les acteurs afin d’identifier des solutions possibles à la résolution du ou des problèmes auxquels sont confrontés les acteurs.

opérationnelles pour les gestionnaires (Therond et al. 2014, 2017a ; Mastrangelo et al. 2014 ; Nahuelhual et al. 2015 ; Cumming et al. 2013 ; Scholes et al. 2013 ; Wu 2013 ; Sayers 2013 ; Seppelt et al. 2011). Comme montré dans mes travaux (voir aussi Reed 2008), la forte implication des acteurs dans le processus de conception assure la prise en compte des connaissances locales sur les spécificités du système étudié, des contraintes propres à chaque activité et situation d’action, de la faisabilité et l’acceptabilité technico-économiques, sociales et institutionnelles des changements envisagés (Duru, Therond and Fares 2015 ; Cumming et al. 2013 ; Seppelt et al. 2011). Elle favorise la production de connaissances pertinentes, crédibles et légitimes (Duru, Therond and Fares, 2015 ; Murgue et al. 2015 ; Moraine, Duru and Therond, 2015 ; Nassauer and Opdam 2008). Nous avons montré, et il est maintenant reconnu, que les différents types d’acteurs impliqués dans le processus de conception sont en capacité de concevoir une gamme d’options de changement dans différents domaines et à différents niveaux d’organisation qui prennent en compte ces connaissances, contraintes et objectifs et les conditions institutionnelles et modes de gouvernance qui conditionnent leur développement (Murgue et al. 2015, Moraine et al. 2016, 2017 ; Schippers et al. 2015). Dans cette logique, Cumming et al. (2013) insistent sur le fait que travailler avec les acteurs permet « to identify

and test a diversity of contextually relevant social, ecological, and social-ecological solutions ».

2.4.2. Des méthodologies de co-conception basées sur les productions des

autres domaines d’activité

Le cadre conceptuel et méthodologique développé dans le premier domaine d’activité permettra de structurer les phases de diagnostic et de conception en termes d’enjeux et de critères d’évaluation (impacts environnementaux, SE, performances socio-économiques). Comme nous l’avons montré dans les travaux sur les systèmes culture-élevage territorialisé (section 3.5), dans ce type de méthodologies transdisciplinaires, l’utilisation de cadres conceptuels pour guider et structurer le processus de spécification du problème (problem specification/framing) est souvent nécessaire. En effet, le plus souvent au démarrage du processus « le problème » à traiter reste à définir. Il est question de « wicked or ill-defined problem ». Autrement dit, la définition du système concerné, des enjeux, des objectifs fixés et des critères de réussite est en soit un enjeu et relève d’un processus « chemin faisant ». C’est tout particulièrement le cas lorsque l’on s’intéresse à une question de type transition agroécologique à l’échelle du territoire (ex. Duru, Therond and Fares 2015 ; Moraine, Duru and Therond

2016 ; Sayer et al. 2013).

Les adaptations de la plateforme MAELIA réalisées dans le deuxième domaine d’activité seront utilisées pour conduire l’évaluation de la situation actuelle et des situations conçues par les acteurs. Concernant la conception de territoires (agricoles), Wu (2013), Cumming et al. (2013), Parrott and Meyer (2012) et Parrott (2011) insistent sur l’importance des outils de modélisation intégrée pour formaliser et évaluer les options de changement conçues avec les acteurs et ainsi permettre de tester les hypothèses qu’ils ont formulées. Ils notent qu’un des grands enjeux pour ces modèles est d’être en capacité de simuler les phénomènes ou propriétés émergents à différents niveaux d’organisation des multiples interactions (y.c. rétroactions) au sein et entre les différents niveaux d’organisation. Comme Parrott (2011) et Grimm et al. (2005), mes travaux (Duru, Therond and Fares 2015) relèvent que les modèles multi-agent sont très adaptés pour simuler ces phénomènes émergents. Grimm et al. (2005) les qualifient ainsi de « bottom-up models ».

Les travaux de modélisation et évaluation intégrées de paysages agricoles conduits en laboratoire (troisième domaine d’activité) fourniront des connaissances aux chercheurs utiles à l’accompagnement des acteurs dans la conception d’options ou d’alternatives de changement dans le fonctionnement du nexus Food – Non Food – Natural Resources. Ainsi, considérant les difficultés pour les acteurs à concevoir des changements d’ampleur (Cumming et al. 2013), je propose d’utiliser les sorties de modèles sur des solutions de rupture, générées en laboratoire, pour alimenter et stimuler les propositions des acteurs. L’objectif ici est d’ouvrir l’espace des possibles envisagés et favoriser l’émergence d’options de changement plus ambitieuses tout en restant réalistes du point de vue des acteurs (Voinov and Bousquet 2010).

2.4.3. Des méthodologies pour analyser les interactions entre critères

d’évaluation

Les méthodologies participatives de diagnostic-conception-évaluation de territoires agricoles que je développerai pourront s’appuyer sur les propositions récentes de nombreux auteurs en termes de méthodologie de conception de systèmes agricoles et paysages permettant de développer les SE (Mitchell et al. 2016 ; Mastrangelo et al. 2014 ; Rapidel et al. 2015 ; Shippers et al. 2015 ; Wood et al. 2015 ; Gaba et al. 2014c ; Jackson et al. 2012). Beaucoup d’entre eux mettent le focus sur (i) la sélection à priori d’un jeu d’objectifs prioritaires (ex. SE) et critères associés à différents niveaux d’organisation, (ii) l’analyse des interactions entre ces critères et l’identification des antagonismes et synergies, (iii) la construction de compromis sociaux (choix de SE prioritaires) considérant ces antagonismes, (iv) la conception de systèmes dont il est fait l’hypothèse qu’ils permettront d’atteindre les objectifs fixés puis (v) leur évaluation. Dans ces approches, l’identification des leviers d’actions, antagonismes et synergies, boucles de rétroaction qui les déterminent sont des informations clefs pour des gestionnaires d’espaces (Birkhofer et al. 2015, Brunner et al. 2015 ; Mastrangelo et al. 2014 ; Bennett et al. 2009, 2015 ; Sayer et al. 2013, Cumming et al. 2013). Là encore, les sorties des simulations conduites dans le cadre du troisième domaine d’activités sur ces interactions fourniront des connaissances utilisables par les chercheurs pour alimenter les réflexions et travaux de conception des acteurs.

2.4.4. Stratégie de recherche

Une des grandes particularités des méthodologies que je propose de développer à terme est de se donner comme objectif d’analyser, représenter et communiquer sur les antagonismes ou synergies entre impacts environnementaux, SE et performances socio-économiques à différents niveaux d’organisation ; au fil du processus de modélisation/diagnostic-conception-évaluation. Plus précisément, l’enjeu sera d’accompagner les acteurs à concevoir des options de composition et configuration de leur territoire agricole qui permettent d’atteindre les objectifs fixés au nexus Food – Non Food – Natural Resources aux niveaux des systèmes de culture et de production agricole, du paysage, du territoire (ex. objectifs socio-économiques, impacts, SE, résilience) et à l’échelle globale (ex. régulation du climat, importations et exportations) et qui respectent leurs contraintes d’actions individuelles et collectives (Duru, Therond and Fares, 2015). Notons que dans ce type de processus participatif, Wu (2013) insiste sur le fait que « we need to consider designed landscapes as experiments,

and treat ‘‘design’’ as part of the process of doing landscape sustainability science - creating, testing, and evaluating hypotheses ».

Pour ce qui concerne les méthodes d’analyse multicritère, c.-à-d. de prise en compte, manipulation et représentation de différents critères, nécessaires pour communiquer aux acteurs et échanger sur les résultats d’évaluation intégrée produits par MAELIA, je m’appuierai plus particulièrement sur les compétences de Christian Bockstaller d’AGISEM qui est spécialiste des méthodes d’agrégation de critères avec ou sans compensation entre ces critères (ex. Bockstaller et al. 2017).

Du point de vue théorique, ce quatrième domaine du projet, vise à intégrer les productions des travaux de recherche interdisciplinaire des trois premiers domaines84 et les connaissances, valeurs et attentes des acteurs. Positionné dans le cadre de la « lanscape sustainability science » (section 1.1), il vise à permettre de produire des connaissances actionnables, c.-à-d. pertinentes, crédible et légitime (Cash et al. 2003 ; Bilan section 2.3.3), qui permettent « the co-production, communication and application of knowledge to spur sustainable development solutions » (Irwin et al. 2018). La combinaison de l’interdisciplinarité et la participation avec la modélisation et simulation intégrées des systèmes complexes permettront de mettre en œuvre une « integration and implementation

sciences » (Bammer 2005 ; Bilan tesection 3.3.2).

D’un point de vue opérationnel, les résultats opérationnels de ce domaine viseront à soutenir un « stewardship » des systèmes socio-écologiques à l’échelle locale i.e. « an active shaping of

trajectories of change in coupled social–ecological systems » ; « an action-oriented initiative that uses

the principles of sustainability science to shape societal and environmental pathways » (Stuart Chapin

III et al. 2011). Un des grands challenges sera alors de participer à la conception de changements à visée proactive85 réellement implémentés sur le terrain, et de rupture lorsque c’est nécessaire pour atteindre des objectifs de durabilité de l’échelle locale à l’échelle globale (ibid.).

Du point de vue des moyens, les collaborations avec les Réserves de Biosphère, la CRAGE et les partenaires techniques dans le cadre de projets de R&D (ex. partenaires du projet Pot-AGE, PROTERR, DIversIMPACTS, ARVALIS, Terres Inovia) devraient me fournir les opportunités et terrains d’étude pour tester et appliquer ces méthodologies transdisciplinaires de conception.