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Détermination de la morphologie de la boehmite

Hartridge-Roughton

III.1.3.1 Détermination de la morphologie de la boehmite

III.1.3.1.1 Comparaison des particules primaires

Les boehmites obtenues avec les deux dispositifs de précipitation ont été analysées par diffraction des rayons X (DRX) sur poudre à l’IFPEN. Les diffractogrammes sont présentés sur la Figure III - 5, ainsi que le diffractogramme d’une boehmite commerciale bien cristallisée, le Pural 400, commercialisée par SASOL, qui servira de référence dans cette étude.

On constate tout d’abord que les produits que nous avons synthétisés sont bien de la boehmite (et non des polymorphes) : les raies correspondent à celles de la boehmite bien cristallisée Pural 400. Le décalage observé est caractéristique d’un grossissement de la maille dû à un phénomène d’hydratation.

Figure III - 5 : Diffractogrammes des boehmites obtenues avec les dispositifs double-jets (30 min d’ajout) et Hartridge-Roughton, et diffractogramme du Pural 400 (SASOL)

Les dimensions et , i.e. la taille des cristallites selon les directions [020] et [120], ont été déterminées à l’aide de la formule de Scherrer (Tableau III - 7). Ces dimensions correspondent respectivement à l’épaisseur et à une diagonale de la cristallite (Figure I - 4). 0 50 100 150 200 250 0 10 20 30 40 50 60 70 In te ns it é (U. A.) 2θ ( ) HR Doubles-jets 30 min Pural 400 020 021 130 150 151 132 002 131 022 080 200 220 171

119 On remarque que la particule primaire obtenue avec le pré-mélangeur est légèrement plus grande que celle obtenue avec le dispositif double-jets, mais ces tailles sont tout de même proches, compte-tenu des incertitudes liées à l’analyse.

Tableau III - 7 : Dimensions des cristallites de boehmite déterminées par la formule de Scherrer

(nm) (nm)

Double-jets (ajout 30 min) 2,2 2,9

HR 2,8 3,2

Erreur de répétabilité : ± 0,5 nm

L’équivalence des dimensions de cristallite primaire est remarquable. En effet, les conditions de formation des cristallites primaires sont très différentes en termes de sursaturation, avec les deux dispositifs (détaillé par la suite). Or, la sursaturation joue directement sur la cinétique de nucléation. On aurait ainsi pu s’attendre à avoir des différences plus nettes dans les dimensions de cristallites primaires.

Ces résultats concernant la taille des cristallites sont intéressants, puisqu’à taille similaire, d’éventuelles différences de texture sur les alumines ne pourront pas être attribuées aux cristallites primaires mais uniquement à leur état d’agrégation.

III.1.3.1.2 Détermination de la morphologie par décomposition des diagrammes RX

Une caractérisation fine de la morphologie et des dimensions de la cristallite de boehmite est nécessaire afin de mieux comprendre les mécanismes d’agrégation, d’une part par couplage avec d’autres méthodes de caractérisation, telles que le SAXS, mais également dans l’optique de modéliser correctement les processus. Cette analyse a été réalisée en collaboration avec Pierre GRAS (LGC, CIRIMAT) (2014). L’échantillon de boehmite précipitée avec le dispositif de pré-mélange, en conditions standard a été retenu mais on peut supposer que la morphologie et taille des cristallites de boehmite sont identiques pour les deux dispositifs de précipitation (double-jets et pré-mélangeur), en conditions standard, puisque nous avons vu que les diffractogrammes des boehmites obtenues sont similaires.

Décomposition du diagramme

La mesure de diffraction des rayons X (DRX) sur la poudre de boehmite a été réalisée avec le diffractomètre Bruker D8 Advance du laboratoire CIRIMAT, sur une gamme de de 0 à 120°. Cet appareil est équipé d’un détecteur ultra-rapide LynxEye de rayon 300 mm et avec une ouverture de 2,73°. La source de rayonnement est un tube de rayons X scellé de céramique SIEMENS à anticathode de cuivre ( = 1,54056 Å, = 1,54433 Å, = 0,5), d’une puissance de 40 kV x 40 mA. Un filtre de

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suppression de rayonnement nickel est utilisé pour atténuer le rayonnement à 0,5 %. La divergence est réduite pour nos acquisitions par des fentes de divergence réglées à 0,5° et par des fentes de Soller à 2,5°. Les acquisitions sont réalisées avec un pas de 0,02° et un temps d’acquisition par pas de 1920 s sur un échantillon plan en rotation.

La méthode de Le Bail (2005) a été utilisée afin de décomposer l’ensemble du diagramme. Dans un premier temps, les paramètres de maille sont déterminés par indexation automatique des réflexions. Ces dernières sont obtenues à partir de bases de données (fichier CIF). Cette indexation a été réalisée avec le logiciel Jana2006 (Petříček,

et al. 2014). Il est remarquable de noter que les paramètres de maille orthorhombique,

maille classiquement rencontrée dans le cas de la boehmite, n’ont pas permis de parfaitement s’accorder avec le diffractogramme. D’autres types de maille ont été testés, et la maille triclinique est celle permettant de s’accorder au mieux au diffractogramme. Cette observation sera discutée en détail dans la suite de cette partie.

La décomposition du profil selon Le Bail consiste à déterminer le facteur de structure de la réflexion , dont le module intervient directement dans l’expression de l’intensité des réflexions :

| | (3 - 2)

avec :

- : facteur d’échelle commun à toutes les réflexions, - : multiplicité de la réflexion ( ),

-

: facteur de Lorentz et facteur géométrique en géométrie

Bragg-Brentano,

-

: facteur de polarisation (représente l’action du

monochromateur sur le faisceau X avec l’angle de la réflexion de Bragg utilisé sur le monochromateur). rend compte de la possibilité de polarisation du faisceau incident = 0,5 pour un rayonnement classique,

- : facteur d’orientation préférentielle.

Le facteur de structure est une variable d’affinement dans la méthode Le Bail.

Le résultat du profil simulé des données expérimentales par la méthode de Le Bail est présenté sur la Figure III - 6. On observe un très bon ajustement des profils expérimentaux et simulés. Un modèle à partir d’une maille triclinique permet donc de bien représenter l’arrangement des atomes des boehmites synthétisées dans ce projet.

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Figure III - 6 : Profils observés et simulés par la méthode de Le Bail à partir d’un système triclinique pour la poudre de boehmite obtenue avec le dispositif de pré-mélange

Par comparaison, un profil simulé a été réalisé à partir des paramètres utilisés par Bokhimi et al. (2001), qui considéraient un affinement avec un système orthorhombique (Figure III - 7). On voit que l’ajustement sur l’ensemble du profil expérimental donne de moins bons résultats qu’avec un système triclinique.

Figure III - 7 : Profils observés et simulés par la méthode de Le Bail à partir d’un système orthorhombique pour la poudre de boehmite obtenue avec le dispositif de pré-mélange

Les paramètres de la maille triclinique et orthorhombique ajustés aux données expérimentales sont présentées dans le Tableau III - 8. L’angle de la maille triclinique est celui présentant le plus d’écart avec maille de référence orthorhombique.

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Tableau III - 8 : Paramètres de maille orthorhombique et triclinique (d’après l’ajustement du modèle sur les données expérimentales)

Maille

Orthorhombique 2,85 12,39 3,71 90,0 90,0 90,0 Triclinique 3,01 13,00 3,79 85,9 88,4 92,8

Détermination de la taille des cristallites selon les plans

Après cette analyse, le logiciel Jana2006 associe à chaque plan les valeurs de et relatives à la relation de Williamson et Hall (1953) :

(3 - 3)

avec :

- : angle de Bragg au sommet de la raie,

- : largeur de raie intrinsèque sans contribution instrumentale, - : constante proche de 1 (en générale prise à 0,94),

- : taille moyenne des cristallites dans la direction perpendiculaire aux plans

( ) (Å),

- : déformation relative de la raie due aux micro-contraintes.

Pour chaque famille de plans, une régression linéaire de la fonction permettant de déterminer l’ordonnée à l’origine

ainsi que la pente

. Connaissant la valeur de , la dimension peut ainsi être déterminée.

Résultats du modèle

Les dimensions de la cristallite élémentaire sont reportées dans le Tableau III - 9. L’erreur sur les contraintes isotropes (terme ) est estimée à 20%.

Tableau III - 9 : Dimensions de la cristallite de boehmite synthétisé par pré-mélangeur en

conditions standard Plans (nm) (0 1 0) 1,4 ± 0,3 (0 0 1) 3,6 ± 0,7 (1 0 0) 3,7 ± 0,7 (1 2 0) 2,2 ± 0,4 (1 0 1) 4,1 ± 0,8 (1 1 1) 3,0 ± 0,6 (0 2 1) 2,1 ± 0,4 (1 1 0) 2,6 ± 0,5

123 La modélisation 3D des cristallites a été réalisée à l’aide du logiciel WinXMorph. Les données d’entrée sont les plans et les distances précédemment déterminées à partir du diffractogramme expérimental, permettant ainsi la reconstruction de l’objet.

La représentation 3D de la morphologie de la cristallite de boehmite à partir des données expérimentales est représentée sur la Figure III - 8. La cristallite se présente sous forme de plaquette comprenant plusieurs facettes. Celles-ci sont plus nombreuses que ce que Chiche avait déterminé (Figure I - 4).

Figure III - 8 : Représentation 3D de la cristallite de boehmite obtenue avec le dispositif de pré- mélange

Par ailleurs, une morphologie prédictive, basée sur le modèle de Bravais-Friedel- Donnay-Harker (Bravais 1866; Friedel 1907; Donnay et Harker 1937) tenant compte de la symétrie (orthorhombique) et les paramètres de maille de la référence, permet une modélisation de l’objet (Figure III - 9). On constate que la morphologie issue des données expérimentales est très similaire à la morphologie prédictive, ce qui conforte la morphologie déterminée.

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Nous avons utilisé ici la méthode de Le Bail pour la détermination de la morphologie de la particule. Une analyse des harmoniques sphériques a été tentée mais n’a pas pu être aboutie du fait de la basse résolution des pics de diffraction.

Remarque : nous avons précédemment vu que la maille triclinique s’accordait mieux avec nos données expérimentales que la maille orthorhombique, maille élémentaire de la boehmite cristalline. Une hypothèse pour expliquer cette différence observée est la suivante : la Figure III - 10 montre qu’une seule maille cristalline compose l’épaisseur de la plaquette de boehmite, dans notre cas. On peut supposer, dans un modèle simplifié, un effet de la pression hydrostatique, ou des effets de solvatation, sur la plaquette, et donc directement sur la maille. La tension de surface serait suffisamment importante pour déformer l’objet qui veut alors tendre vers une forme de plus basse symétrie, afin de minimiser l’énergie. Ceci entraînerait donc une déformation de la maille.

Figure III - 10 : Représentation de la structure de la boehmite suivant l’axe (010) (épaisseur de la cristallite) (modèle prédictif, maille orthorhombique)