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Détermination des conditions rhéologiques opérant lors de l’évaluation sensorielle d’un produit

PARTIE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1. Détermination des conditions rhéologiques opérant lors de l’évaluation sensorielle d’un produit

Sherman (1970) a souligné qu’avant qu’une corrélation puisse être faite entre mesures

rhéologiques et évaluations sensorielles, le gradient de cisaillement appliqué doit être connu.

Bien que cela puisse sembler évident, le comportement d’un produit non-newtonien à un

gradient de cisaillement en particulier ne garantit pas son comportement à un autre gradient de

cisaillement.

Partie 1 – Etude bibliographique Chapitre 3 – Relations entre perceptions sensorielles et

paramètres instrumentaux

Dans une autre étude, (Sherman, 1972) pensait que le consommateur utilisait un gradient de

cisaillement constant, en appliquant une crème ou une lotion. Et en utilisant la définition du

taux de cisaillement (

,

avec V la vitesse de la main du consommateur durant

l’application et d l’épaisseur de la couche de produit sur la surface de la peau), un rapide

calcul de gradient de cisaillement peut être effectué, en approximant la vitesse d’application

sur la peau et l’épaisseur de la couche de produit. Cependant, les sujets ne sont généralement

pas très reproductibles. De plus, Barry et Meyer (1973) démontrèrent que la vitesse

d’application augmentait lorsque la mobilité du produit augmentait (et par conséquent le

gradient de cisaillement augmentait), et que l’épaisseur de la couche de produit sur la peau

augmentait lorsque la dureté du produit augmentait (et par conséquent le gradient de

cisaillement diminuait).

Barry et Grace (1972) ont développé une technique permettant de déterminer précisément le

gradient de cisaillement créé lors de l’application d’une lotion ou d’une crème sur la peau, en

s’affranchissant des suppositions pouvant être incorrectes de la vitesse d’application et de

l’épaisseur du produit sur la peau. Un panel de 10 sujets a été sollicité pour évaluer la

consistance (en termes de dureté, épaisseur, etc.) d’huiles newtoniennes de différentes

viscosités, durant leur étalement. Les sujets ont ensuite testé 16 émulsions rhéofluidifiantes,

spécialement choisies pour couvrir une large gamme de consistances observées pour des

produits cosmétiques pour la peau. L’objectif était de déterminer quelle huile newtonienne se

rapprochait le plus de chaque émulsion pendant l’étalement. Les courbes d’écoulement des

huiles newtoniennes et des émulsions ont ensuite été tracées. Les conditions de cisaillement

créées lors de l’application d’un produit cosmétique sur la peau sont situées

approximativement à l’intersection des courbes d’écoulement de l’échantillon testé et du

fluide newtonien jugé par le panel de même consistance. La Figure 19 montre un exemple de

courbes obtenues. Le rectangle sur le graphe indique les conditions rhéologiques

approximatives créées lors de l’application du produit sur la peau.

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paramètres instrumentaux

Figure 19. Courbes d’écoulement obtenues pour un fluide newtonien S, et une crème

rhéofluidifiante, en mesurant la contrainte σ correspondante à chaque gradient de cisaillement

V, immédiatement et 20 secondes après l’application du gradient (la durée de 20 secondes

correspondant au temps moyen d’application sur la peau)

Une courbe maîtresse σ=f( ) a été générée, représentant les conditions rhéologiques de

cisaillement créées lors de l’application de produits rhéofluidifiants de différentes

consistances, déterminées par cette technique. Elle est représentée sur la Figure 20.

Figure 20. Courbe maîtresse des conditions rhéologiques ayant lieu lors de l’application de

crèmes (1-5) ou laits (12-16) sur la peau

La courbe maîtresse est quasiment verticale aux faibles gradients de cisaillement (300-500 s

-1

), indiquant que des matériaux plus consistants seront évalués par les consommateurs à un

gradient de cisaillement relativement constant. L’étalement de produits plus fluides s’effectue

à des gradients de cisaillement plus élevés et à de plus faibles contraintes.

σ (Pa)

Log

γ&

L o g σ Valeurs initiales Après 20 s (×10² s-1)

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paramètres instrumentaux

La courbe maîtresse permet donc de reproduire au cours d’études instrumentales les mêmes

conditions de cisaillement que celles créées lors de l’application d’un produit sur la peau. En

effet, il suffit de tracer la courbe d’écoulement du produit à tester sur la courbe maîtresse, et

l’intersection des deux courbes déterminera les conditions rhéologiques à utiliser. Cette étude

est donc une première étape de corrélation de propriétés instrumentales avec des données

sensorielles.

Certains auteurs (Brummer & Godersky, 1999; Wittern et al., 2001) ont revu l’étude effectuée

par Barry et Grace (1972), car lorsqu’un produit cosmétique est appliqué sur la peau,

différentes conditions rhéologiques surviennent au cours de son application, étant donné que

l’épaisseur du produit diminue au fur et à mesure de sa pénétration dans la peau. Selon ces

auteurs, la perception sensorielle au cours l’étalement est reliée aux propriétés d’écoulement

du produit soumis à différentes contraintes, et n’est pas uniquement corrélée à la viscosité

stationnaire à un gradient de cisaillement fixe. Selon eux, la sensation perçue lors de

l’étalement du produit sur la peau est en réalité divisée en deux parties : l’une étant la

sensation primaire, et l’autre la sensation secondaire, chacune corrélée avec des paramètres

rhéologiques différents. La sensation tactile primaire (film épais) correspond aux sensations

éprouvées au début de l’application, tandis que la sensation tactile secondaire (film fin) décrit

les sensations à la fin de l’application, lorsque le produit a presque complètement pénétré dans

la peau.

Or, pour évaluer la sensation tactile primaire par des mesures rhéologiques, ils ont montré

qu’une courbe de viscosité dynamique était nécessaire. Dans leur étude réalisée sur des

lotions H/E, la sensation primaire sur la peau a été corrélée avec la contrainte de cisaillement

correspondant au début de l’écoulement, notée σ

seuil

, et la valeur de viscosité associée,

correspondant à un maximum sur la courbe, notée η

max

. Le seuil de l’écoulement a été

déterminé à l’aide d’un balayage en contraintes, réalisé avec un rhéomètre dynamique à

contrainte imposée, tandis que les produits ont été évalués vis-à-vis de la sensation initiale

qu’ils procuraient sur la peau au début de l’application, notés sur une échelle allant de 1 à 5

(très satisfait à insatisfait). Cette échelle est de type hédonique et englobe une multitude de

paramètres. La corrélation des résultats sensoriels avec les valeurs de contrainte critique et de

viscosité maximale donne la « fenêtre des paramètres rhéologiques donnant une sensation

primaire optimale ». Les limites de cette fenêtre sont données par les valeurs rhéologiques

seuil

, η

max

) des lotions légèrement supérieures et inférieures aux valeurs rhéologiques des

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paramètres instrumentaux

courbes d’écoulement obtenues pour différentes lotions, et la fenêtre des conditions

rhéologiques procurant une sensation primaire optimale (rectangle).

Figure 21. Courbes de viscosité en fonction de la contrainte pour des lotions H/E évaluées

sensoriellement comme agréables (C et D) et comme désagréables (A et G) (Brummer &

Godersky, 1999)

Ainsi, une lotion H/E procurant une sensation optimale sur la peau aura ses paramètres

rhéologiques conformes à toutes les limites de la fenêtre présentée Figure 21. Cette étude,

également effectuée sur des crèmes de type E/H, a montré qu’une gamme de viscosités et de

contraintes seuils peut être déterminée pour différents types d’émulsions (E/H, H/E, E/H/E) et

différents types de produits (laits, crèmes, gels, etc.), pouvant être corrélée à l’évaluation

sensorielle de la sensation primaire sur la peau faite par un panel.

Quant à la sensation secondaire, celle-ci a été corrélée avec la viscosité stationnaire

correspondant au gradient de cisaillement à la fin de l’application du produit sur la peau,

comme l’avait déjà montré Barry et Grace dans leur étude (Barry & Grace, 1972). A la fin de

l’application du produit, le gradient de cisaillement était approximativement égal à 5000 s

-1

pour les lotions H/E et 500 s

-1

pour les crèmes E/H de l’étude.

Ainsi, ces différents auteurs (Barry & Grace, 1972; Brummer & Godersky, 1999; Wittern et

al., 2001) ont montré qu’il était possible d’obtenir les différentes conditions rhéologiques

opérant lors de l’application d’un produit cosmétique sur la peau. Ces études constituent une

première tentative de corrélation entre perceptions sensorielles et paramètres instrumentaux,

bien que la perception sensorielle ait été évaluée sur une échelle hédonique, caractérisant la

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paramètres instrumentaux

2. Corrélations entre propriétés sensorielles et paramètres