• Aucun résultat trouvé

enfants atteints d’infection bactérienne sévère : enquête confidentielle rétrospective en population

3.4 Déterminants de la qualité des soins

Partie II – Chapitre 2

soins suboptimaux était de 33% pour ceux administrés par les médecins généralistes, de 30% pour ceux administrés par des médecins urgentistes adultes, de 24% pour ceux administrés par des médecins au sein d’un service de pédiatrie, de 10% pour ceux administrés par des médecins d’urgences pédiatriques et de 7% pour ceux administrés par un médecin du SAMU (p < 0,001). Le pourcentage de sous-évaluation de la gravité était de 30% (17/56) pour les médecins généralistes, de 9% (4/45) pour les médecins des urgences pédiatriques et de 0% (0/11) pour les médecins du SAMU (p = 0,001). La proportion de retard à l’antibiothérapie était de 50% pour les médecins généralistes (10/20), de 20% (14/70) pour les médecins des urgences pédiatriques et de 0% (0/17) pour les médecins du SAMU (p = 0,02). Les proportions de soins suboptimaux ne différaient pas significativement selon les médecins impliqués pour les autres types de soins (posologie de l’antibiothérapie et posologie et délai du remplissage).

En analyse bivariée, les enfants de moins de 1 an avaient un risque accru de recevoir des soins suboptimaux en comparaison aux enfants de plus de 1 an (Tableau 12, page 175) et le fait d’avoir reçu un soin par un médecin des urgences pédiatriques ou un médecin du SAMU était associé à un risque moindre de soin suboptimal en comparaison au médecin généraliste (respectivement, OR = 0,23 ; IC 95%, 0,13-0,42 ; et OR = 0,15, IC 95%, 0,05-0,40) (Tableau

12, page 175). Nous n’avons pas mis en évidence d’association entre le risque de soins

suboptimal et le diagnostic final (méningite versus autres), ni la présence de signes de gravité à la première consultation médicale. L’optimalité des soins variait de façon significative selon les enfants (nous avons donc observé un « effet enfant » avec le modèle vide, p < 0,001). Après ajustement, l’association persistait entre l’optimalité des soins et l’âge de l’enfant (dichotomisé en 4 classes ou transformé en polynôme) d’une part et la qualification des médecins d’autre part (Tableau 12, page 175). La variance du modèle vide était de 1,56, celle

Partie II – Chapitre 2

niveau 1 expliquait donc 2% de la variance et celles de niveau 2 expliquaient 21% de la variance.

4. Discussion

4.1 Principaux résultats

Cette étude nous a permis de montrer que les soins suboptimaux étaient associés de façon indépendante et avec un gradient de risque linéaire à un risque accru de décès avec un ORa de 1,65 (IC 95%, 1,07-2,54). Certains types de soins suboptimaux étaient associés au décès de façon significative comme le remplissage vasculaire insuffisant. Une tendance statistique (p compris entre 0,08 et 0,1) apparaissait entre un retard au remplissage vasculaire ou une sous- évaluation de la gravité par le médecin et la survenue d’un décès. Certaines caractéristiques des patients étaient également indépendamment associées à un risque accru de décès comme le jeune âge ou le fait d’avoir un diagnostic autre qu’une méningite (purpura fulminans notamment). Enfin, les soins suboptimaux étaient plus fréquents chez le jeune enfant de moins d’un an et lorsque que les soins étaient effectués par un autre médecin qu’un médecin exerçant au sein d’un service d’urgences pédiatriques ou du SAMU.

4.2 Validité interne

Sélection de la population

Avec un recrutement en population, nous avons minimisé le risque de biais de sélection et nous avons pu vérifier l’exhaustivité des décès grâce aux données du CépiDC (voir chapitre sources de données) et recouper 2 sources de données pour identifier les enfants non décédés atteints d’IBS et admis en réanimation. Cependant, il se peut que, de façon exceptionnelle et non systématisée, certains enfants domiciliés dans les 2 départements de l’étude aient été admis dans une autre réanimation pédiatrique limitrophe (CHU d’Angers par exemple). Nous

Partie II – Chapitre 2

n’avons pas inclus les enfants atteints d’IBS (au sens de la définition internationale) qui avaient survécu mais qui n’avaient pas été admis en réanimation. Nous pourrions émettre l’hypothèse que les enfants admis en réanimation étaient plus susceptibles d’avoir reçu des soins suboptimaux potentiellement responsables de leur dégradation clinique et que nous ayons ainsi surévalué la fréquence des soins suboptimaux. Un tel biais de sélection aurait comme conséquence une sous-évaluation de l’association retrouvée entre soins optimaux et décès.

Evaluation de l’optimalité

La mesure de l’optimalité était assurée par 2 experts indépendants et à l’aveugle du diagnostic et de l’issue pour renforcer leur objectivité. La robustesse de cette mesure est confirmée par un bon coefficient d’accord entre les experts. Cependant, tous les dossiers expertisés étaient ceux d’enfants admis en réanimation donc avec une infection particulièrement sévère. Les experts n’étaient pas à l’aveugle de l’admission en réanimation, ce qui a pu rendre leur jugement plus « sévère », c’est-à-dire qu’ils ont pu conclure plus souvent à des soins suboptimaux.

Evaluation des déterminants et des conséquences

Nous avons pris en compte la non-indépendance des soins pour un même enfant en utilisant un modèle multiniveau pour étudier les déterminants des soins suboptimaux. Cependant, nous n’avons pu utiliser de modèle multiniveau pour évaluer la relation entre les soins suboptimaux et le décès car ce modèle permet d’expliquer des variables de niveau 1 (soins) avec des variables de niveau 2 (enfants) mais pas l’inverse.(201) Nous avons vérifié l’hypothèse de gradient linéaire de risque pour les variables quantitatives et utilisé des polynômes

Partie II – Chapitre 2

ajustement sur les facteurs confondants potentiels identifiés par le DAG. Ces facteurs confondants étaient l’âge des enfants, les antécédents et le phénotype clinique approximé par le diagnostic final et la gravité initiale de la maladie (elle-même approximée par une première consultation assurée par le SAMU). Cependant, la mesure de certaines variables a pu être limitée du fait du caractère rétrospectif de notre étude et certaines variables pouvant être impliquées dans la relation entre soins suboptimaux et décès n’ont pas été mesurées. L’utilisation d’un parcours de soin comportant une première consultation par le SAMU comme indicateur de gravité est probablement une évaluation objective et fiable étant donné que la fonction de ces unités médicales mobiles en France est de prendre en charge les patients en détresse vitale. Cependant, la présence de signes de gravité lors de la première consultation médicale était une mesure moins robuste de la sévérité intrinsèque du fait du caractère rétrospectif de notre étude. Par exemple, les données concernant les signes vitaux, qui sont des éléments clés de l’évaluation d’un enfant fébrile,(204) étaient parfois manquantes, pouvant ainsi amener à une classification erronée de la gravité initiale utilisée pour les analyses statistiques. Ce manque de données concernant les signes vitaux a également pu rendre l’évaluation de la gravité difficile pour les experts. En effet, ceux-ci ne pouvaient évaluer la mauvaise interprétation de ces symptômes seulement lorsqu’ils étaient présents car il était impossible de savoir a posteriori si l’absence de renseignement des signes vitaux était le fait d’une absence de mesure de ces signes par les médecins ou d’un manque de transcription de l’information dans le dossier. Certaines variables connues pour leur rôle dans la physiopathologie et la gravité des IBS n’ont pas été mesurées comme l’existence de certains facteurs de virulence ou de certains polymorphismes génétiques de susceptibilité aux infections.(205,206) Cependant, ces variables interviennent en amont du phénotype clinique et sont reliées aux soins suboptimaux et au décès par l’intermédiaire de celui-ci et de la réponse au traitement. Avec une évaluation précise du phénotype clinique, il ne serait donc

Partie II – Chapitre 2

suboptimaux et décès. Le graphe que nous avons construit ne tient pas compte de « l’effet temps ». En effet, un soin suboptimal donné à un temps t peut avoir une influence sur la gravité à un temps t+1 qui elle-même peut avoir une influence sur la qualité des soins reçus par la suite (cf. Figure 15, page 176). De plus, le nombre total de soins peut avoir une influence sur le risque de suboptimalité des soins et reflète également l’évolution naturelle de la maladie (plus l’évolution est lente et plus les occasions de soins sont nombreuses). Un modèle structural marginal* aurait permis de prendre en compte ces variations d’exposition et les facteurs de confusion potentiels (notamment de la sévérité). Le modèle structural marginal aurait alors consisté à étudier la relation entre les soins suboptimaux et le décès en affectant à chaque enfant (i) à un temps donné (t) un poids égal à l’inverse de la probabilité de recevoir son propre niveau d’exposition (aux soins suboptimaux) conditionnellement aux valeurs observées pour cet enfant pour les variables confondantes (dans le cas présent pour la variable S de la Figure 15).(207,208) Cependant, notre niveau de précision n’était pas suffisant pour définir la sévérité, paramètre qui ne peut bénéficier d’une évaluation objective qu’au moment d’une consultation médicale. De plus, l’échelle de temps n’est pas homogène pour tous les enfants ce qui rend ce modèle difficilement utilisable.

Enfin, nous avons défini l’issue des enfants de façon binaire (survie versus décès), alors qu’il est probable que la population des enfants survivants soit hétérogène avec des enfants ayant développé des séquelles dans les suites de leur IBS (amputation après un purpura fulminans, déficit neurologique ou surdité après une méningite). Il se peut donc qu’une analyse polytomique avec 3 issues (ou binaire composite) aurait permis une analyse plus fine des associations entre soins suboptimaux et issue défavorable.(209)

Partie II – Chapitre 2

résultats de notre étude difficilement généralisable. En France, les vaccinations conjuguées anti Haemophilus influenzae, Neisseria meningitidis C et Streptococcus pneumoniae à 7 puis 13 valences ont été recommandées pour tous les enfants à partir de 1992, 2009, 2002 et 2009, respectivement. Les infections invasives dues à H. influenzae avaient déjà presque totalement disparu à l’époque de l’étude. Les cas rapportés d’infections invasives (méningite et bactériémie) à pneumocoque chez les enfants de moins de 2 ans ont diminué depuis la généralisation de la vaccination avec des incidences à 29 pour 100 000 en 2001, 25 pour 100 000 en 2004 et 18 pour 100 000 en 2012. Cependant aucun changement significatif n’a été observé pour les plus de 2 ans.(210) La couverture vaccinale (c’est-à-dire le pourcentage d’enfants vaccinés parmi ceux concernés par l’indication vaccinale) contre le méningocoque C est trop faible en France pour permettre une diminution des infections invasives à méningocoque C depuis la période de l’étude.(211)

Des nouvelles recommandations

De nouvelles recommandations ont été publiées concernant la prise en charge des IBS et ont peut-être contribué à une diminution de la fréquence des soins suboptimaux.(16,186) Une étude observationnelle multicentrique internationale évaluant les prises en charge aux urgences et/ou en soins intensifs de 1794 adultes en sepsis sévère ou en choc septique a montré que le respect de ces recommandations était associé à un moindre risque de décès avec une réduction de l’odds ratio ajusté sur les facteurs confondants de 36% lorsque toutes les recommandations pour les 3 premières heures de prise en charge étaient respectées.(212) Cependant l’ensemble de ces recommandations n’était respecté que dans 19% des cas 10 ans après la première campagne « surviving sepsis ». Nous n’avons pas non plus observé de diminution de la fréquence des soins suboptimaux au cours des 5 années complètes de l’étude, cela indique que la simple diffusion de recommandations n’est pas suffisante pour changer les

Partie II – Chapitre 2