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4.4 Ouverture à d’autres protéines

4.4.2 Détection de fluorescence

Nous avons décidé d’évaluer la résistance de différentes couches moléculaires à l’adsorption non spécifique des protéines choisies en déposant des échantillons de ces protéines à la surface des couches moléculaires et en mesurant quelle proportion de protéines déposées pouvait être ôtée de la surface par lavage. Afin de réaliser une étude en parallèle des différentes protéines déposées en quantité variable, nous avons décidé de détecter la présence de ces protéines à la surface des couches par fluorescence. Cette étude a été menée sur des couches moléculaires de chaînes décy- lées ou obtenues par greffage de molécules PEG550 (H(EG)nOMe avec <n>≈12) et C5(EG)16OMe.

La fluorescence est un processus de luminescence permettant à une molécule (appelée fluorophore) de passer d’un état électronique excité à un état d’énergie plus basse, par émission de lumière. Afin de pouvoir détecter nos protéines, il est nécessaire que celles-ci soient marquées par un fluorophore.

L’utilisation du silicium cristallin comme substrat est défavorable pour les études par fluorescence. En effet, en considérant les intensités des champs électriques d’ex-

citation et d’émission du fluorophore, on peut estimer une diminution d’un facteur 10 du facteur de sensibilité F de la fluorescence pour un émetteur situé à la surface du silicium (F ≈ 0,04) par rapport au même fluorophore situé à la surface du verre (F ≈ 0,4) [136]. Ce facteur de sensibilité est défini comme le produit de l’intensité du champ excitateur et du champ émis pour le fluorophore considéré, normalisé par la valeur de ce produit lorsque le fluorophore est dans l’espace libre. L’atténuation constatée (F < 1) au voisinage d’une surface est due à l’effet de "canalisation" de l’émission associé à l’indice optique du substrat. Cet effet est grand pour le silicium dont l’indice de réfraction est élevé.

Toutefois, pour pouvoir bénéficier de la chimie de surface contrôlée développée sur silicium, il est possible d’utiliser une couche mince de silicium amorphe hydrogéné ou un alliage silicium-carbone amorphe [58; 60; 136; 145].

L’utilisation du silicium amorphe carboné permet de diminuer l’indice optique du substrat. Plus le taux de carbone est élevé, plus l’indice de réfraction diminue. En effet, l’atome de carbone étant plus petit que l’atome de silicium, la liaison Si-C est plus courte que la liaison Si-Si. Ceci entraîne une augmentation des interactions entre les atomes, donc une augmentation de l’énergie du gap optique Eg qui conduit à une diminution de l’indice optique.

La géométrie de couche mince permet aussi de jouer sur des effets d’interférences pour augmenter la valeur de F lorsque le substrat est réfléchissant [146–148]. Ceci conduit à chercher le substrat le plus réfléchissant possible aux longueurs d’ondes d’absorption et d’émission des fluorophores utilisés. Les meilleurs rendements de ré- flexion à une longueur d’onde donnée ne sont pas obtenus par des miroirs métalliques, mais par des miroirs diélectriques dits "miroirs de Bragg" [149].

Un miroir de Bragg, conçu pour une longueur d’onde λBragg donnée, consiste en une alternance de couches d’indice élevé et faible, d’épaisseurs choisies telles que le déphasage induit par le passage dans une couche sous une incidence normale vaille π/2 (figure 4.10). Ainsi l’épaisseur ei d’une couche i d’indice ni est choisie d’après

l’équation 4.1 telle que :

ei× ni× 2π λBragg = π 2 → ei = λBragg 4ni (4.1) Lors de la réflexion entre une couche d’indice faible et une couche d’indice élevé, le rayon lumineux subit un déphasage de π. Comme lors de son trajet aller-retour dans le miroir le rayon subit, pour chaque couche, un déphasage de π (π/2 aller ; π/2 retour), il suffit de commencer le miroir par une couche d’indice fort pour que tous les rayons qui ressortent du miroir soient réfléchis en phase. Pour un nombre suffisant de couches, le coefficient de réflexion est très proche de 1. Mais dans ce cas, tous les rayons sont réfléchis par la structure avec un déphasage de π, c’est à dire en opposition de phase avec leur rayon incident, ce qui annule le champ électromagnétique sur la surface. On préfère donc, comme représenté sur la figure 4.10, commencer le miroir par une couche d’indice faible (couche de SiO2 dans le cas présent) de façon à ce

que les rayons réfléchis par la structure (sauf celui réfléchi à l’interface air/SiO2) interfèrent constructivement avec le faisceau incident.

Figure 4.10 – Architecture du miroir de Bragg, qui reflète la structure des lames "Amplislide", utilisé comme réflecteur pour amplifier le signal de fluorescence.

Dans le domaine des biocapteurs plusieurs équipes (CEA, Genewave) ont cherché à optimiser la fluorescence en utilisant des miroirs de Bragg, essentiellement basés sur une alternance de couches SiO2 / TiO2 (nSiO2 = 1,48 / nT iO2 = 1,94) [146; 148].

Dans notre étude nous allons utiliser les miroirs de Bragg de la société Genewave (lames "Amplislide") qui correspondent à une lame de verre sur laquelle 8 couches alternées SiO2/TiO2 ont été déposées. La longueur d’onde choisie est λBragg = 612

nm, ce qui correspond à une valeur moyenne des longueurs d’ondes d’absorption et d’émission pour les fluorophores cyanine 3 (Cy3) et cyanine 5 (Cy5).

Afin d’utiliser la lame "Amplislide" de Genewave dans nos expériences et d’utili- ser une chimie de surface contrôlée, nous avons décidé de recouvrir cette lame d’une très fine couche (5 nm) de silicium amorphe carboné à 20% (a-Si0.8C0.2 :H). L’épais- seur de la couche rajoutée induit un déphasage pour les rayons lumineux de 0.3 radian [136], très faible par rapport à π, déphasage caractéristique d’une interférence destructive. La perte d’intensité due à l’ajout de cette fine couche de a-Si0.8C0.2 :H est de l’ordre de 2% [136] par rapport à un miroir de Bragg non modifié. Ceci nous permet d’utiliser cette architecture pour bénéficier d’une chimie contrôlée et d’un gain optique maximal.