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Détection d'anticorps anti‐HLA chez des patients vierges de tout évènement immunisant conventionnel 

transplantations d'organe 3.1 Les antigènes HLA 

4.4  Détection d'anticorps anti‐HLA chez des patients vierges de tout évènement immunisant conventionnel 

L’utilisation de techniques de détection sensibles comme le Luminex® Single Antigen a permis de mettre en évidence des anticorps anti-HLA - parfois à un titre élevé - chez des individus n’ayant jamais eu aucun évènement immunisant classique vis-à-vis du HLA, typiquement des hommes jamais transplantés ni transfusés. Cette observation soulève deux questions:

58 2) leur signification pathogénique dans le contexte de la transplantation, c'est-à-dire leur capacité à induire, au même titre que les anticorps anti-HLA conventionnels, des lésions de rejet humoral.

Origine des anticorps anti‐HLA d'étiologie indéterminée 

Les premières observations d'anticorps anti-HLA qualifiés de naturels remontent aux années 1970, à l'ère de la lymphocytotoxicité : des IgM anti-HLA étaient détectées chez des donneurs de sang, avec une fréquence allant jusqu'à 1% (182,183). Cependant, peu de travaux ont confirmé par la suite ces résultats en utilisant les techniques de lymphocytotoxicité. Ce n’est que dans les années 2000 que, avec l'émergence des techniques sensibles de Luminex®, l'existence d'anticorps anti-HLA, cette fois-ci d'isotype IgG, a été démontrée chez des sujets sans antécédent d'événement immunisant conventionnel (184).

L’hypothèse la plus probable pour expliquer la présence de tels anticorps est l’existence d’une réactivité croisée entre des épitopes HLA et des épitopes de micro-organismes, de protéines alimentaires ou d’allergènes. C’est surtout vis-à-vis d’agents infectieux que des analogies avec les molécules du HLA ont été retrouvées, en mettant en évidence le plus souvent une inhibition des réactions de lymphocytotoxicité par les molécules bactériennes : la protéine M1 du streptocoque (185), certains lipopolysaccharides de E. coli et de Salmonella (186), des antigènes de Klebsiella pneumoniae (187), Shigella (188) et Yersinia (189). Concernant les virus, des polypeptides du virus de l’herpès humain (souches 5 et 7) ont plus de 80% d’homologie avec la séquence amino-acidique QISQRKL commune aux molécules HLA B*4011, B*4801, B*4803, B*8101, et Cw*1702 (184).

Une autre origine possible de ces anticorps est l'existence d'autoanticorps anti-HLA-E ayant une réactivité croisées avec des molécules HLA de classe Ia. En effet, les molécules HLA de classe Ia classiques (HLA-A, B et C) partagent plusieurs séquences peptidiques avec la molécule HLA-E, une molécule communément exprimée, peu polymorphe, appartenant aux molécules HLA-Ib (190). Ravindranath et coll. ont émis l’hypothèse que des autoanticorps naturels produits contre des séquences peptidiques de la molécule HLA-E pourraient réagir contre certaines molécules HLA de classe I classiques (190). L’étude consistait à tester la présence d’anticorps anti-HLA-E et d'anticorps anti-HLA-Ia dans le sérum de volontaires sains masculins. Les auteurs ont utilisé des billes Luminex® recouvertes de molécules HLA-E recombinantes dénaturées ou de molécules HLA-Ia : 66% des sérums ayant des IgG anti- HLA-E présentaient également un niveau élevé d’IgG anti-HLA-Ia. A l'opposé, 70% des sujets qui n’avaient pas d’anticorps anti-HLA-E dans le sérum n'avaient pas d’anticorps anti

HLA-Ia non plus. Les MFI moyennes des deux types d'anticorps étaient corrélées. De plus, les réactivités anti-HLA-E et anti-HLA-Ia des sérums étaient inhibées par les séquences peptidiques (117AYDGKDY123 et 137DTAAQIS143) communes à la chaine lourde de la molécule HLA-E et à certains allèles de molécules HLA-Ia. Les auteurs ont conclu que des autoanticorps dirigés contre la chaîne lourde de la molécule HLA-E pouvaient être responsables d’une réactivité croisée vis-à-vis d'antigènes HLA-Ia dans le sérum d’individus sans antécédent d’évènement immunisant. Cette étude suggère donc un mécanisme original source d’une alloréactivité naturelle, mais qui n'expliquerait au mieux que l'existence des anticorps anti-HLA de classe I.

Enfin, plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse d’un mimétisme moléculaire entre protéines animales alimentaires et molécules HLA pour expliquer la présence d’anticorps anti-HLA naturels. La possibilité d’une synthèse d’IgG, d’IgA et/ou d’IgE spécifiques en réponse à une ingestion de protéines animales est connue (191) et permettrait d’évoquer un tel mécanisme. Cependant, dans l’étude détaillée de Ravindranath et coll. (190), l’absence d’anticorps anti- HLA-Ia chez 112 donneurs de sang consommateurs de viande et la présence d’anticorps chez des sujets végétaliens suggéraient que les protéines animales alimentaires n’étaient pas à l’origine des anticorps anti HLA-Ia.

Caractéristiques des anticorps anti‐HLA d'étiologie indéterminée 

Dans une étude mexicaine, 424 hommes volontaires sains donneurs de sang, donc sans antécédent, ont été testés en Luminex® pour la recherche d’anticorps anti-HLA (184). La fréquence de ces anticorps était très élevée et dépendait du seuil de positivité choisi pour l’intensité moyenne de fluorescence (MFI) des anticorps : 83% des sujets étaient porteurs d’anticorps anti-HLA classe I et/ou II pour un seuil de MFI à 500, 63% pour un seuil à 1000 et 12% pour un seuil à 5000. La détection de ces anticorps était robuste et reproductible. Deux tiers des patients avaient plus de 2 spécificités antigéniques identifiées.

Par ailleurs, les auteurs décrivaient une distribution inhabituelle des spécificités alléliques, neuf spécificités alléliques de classe I ou II étant retrouvées de façon répétée chez plus de 10% des patients. Ainsi par exemple, 18,9% des donneurs de sang étaient porteurs d’anticorps contre A*3002 et plus de 10% contre A*3101, B76, B*8201 et Cw*1701. En recherchant les épitopes contre lesquels ces anticorps étaient dirigés, 16 nouveaux épitopes ont été identifiés qui ne l’avaient jamais été lors d’analyses précédentes de sérums allo-immuns. Ces observations confortent l’hypothèse d’une cross-réactivité avec des antigènes environnementaux. Le terme naturel ne convient d’ailleurs probablement pas à ces anticorps

60 qui sont des IgG et ont donc probablement fait l’objet d’une réponse vis-à-vis d’un antigène précis, faisant intervenir une réaction de centre germinatif et une aide T spécifique.

Pathogénicité des anticorps anti‐HLA d'étiologie indéterminée 

Il n’existe pas actuellement de donnée sur la pathogénicité de tels anticorps en transplantation rénale, notamment sur leur association avec le risque de rejet humoral. Pour ces raisons, nous avons conduit une étude présentée en Annexe 2 sur les caractéristiques cliniques, immunologiques et histologiques de 41 premières transplantations rénales réalisées chez des patients masculins, jamais transfusés et porteurs de DSA d'étiologie indéterminée le jour de la greffe. Nous avons montré chez que la présence de DSA de signification indéterminée le jour de la greffe était associé à un risque de rejet aigu humoral clinique ou infraclinique de 14,6% la première année. Sur le plan immunologique, le nombre de DSA par patient était compris entre 1 et 5, et leur MFI était modérée : 1424 ± 1689, mais pouvant aller jusqu'à plus de 8000. Dans tous les cas, le CDCXM était négatif mais le FCXM était positif dans 47% des cas. Il s’agit là d’un résultat important dans la mesure où il a été proposé que ces anticorps soient dirigés contre des antigènes cryptiques rendus accessibles lors de la procédure de fixation de l'antigène HLA sur les billes. Cette observation confirme qu'au contraire ils sont bien dirigés – en tous cas fréquemment – contre des antigènes HLA membranaires sous forme native, comme évoqué par El Awar et coll. dans une autre étude (192). Cette positivité du crossmatch en cytométrie confirme le caractère pathogène de ces anticorps et leur association à un risque augmenté de rejet humoral (129). Néanmoins l'évolution à un an de ces transplantations réalisées en présence de DSA d'étiologie indéterminée est favorable, avec 100% de survie du greffon, une bonne fonction rénale et des séquelles histologiques des épisodes de rejet humoral très modérées. Aucun patient n'a évolué après traitement du rejet aigu humoral, vers un rejet chronique.

La conclusion de notre étude est que si l'événement immunisant conduisant à la synthèse de ces anticorps est différent, la pathogénie de ces anticorps est identique à celle de DSA conventionnels présents à faibles taux. Ces anticorps reconnaissent les antigènes HLA sous leur forme native et les lésions de rejet humoral sont identiques

5.

Implication des lymphocytes B mémoire et des