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Chapitre 3 – La méthodologie générale

3.3 Les différents temps de la recherche

3.3.3 La phase itérative de codesign

3.3.3.2 Le déroulement et la collecte des données pour le codesign

La recherche d’une solution au problème identifié est une intervention qui peut prendre plusieurs formes, notamment une activité d’apprentissage, une forme d’évaluation, une intervention technologique (Anderson et Shattuck, 2012). Dans le cadre de ce projet, la solution envisagée implique le design et le développement d’une plateforme numérique, et c’est pourquoi une approche de design participatif a été priorisée.

Pour la phase de codesign, le format d’atelier de design participatif retenu est celui que Muller et Druin (2012) ciblent comme étant le plus connu, le Future Workshop, qui permet d’envisager de nouvelles initiatives. Les étapes sont la préparation, la critique de la situation actuelle, l’exploration de la situation souhaitée (envisager le futur), et le bilan individuel, pour vérifier si d’autres ateliers sont nécessaires (Jungk et Müllert, 1987).

C’est le contexte qui décrit où et comment les outils et les techniques doivent être utilisés (Sanders et al., 2010). Quatre paramètres peuvent être utilisés :

La taille et la composition du groupe – À la question « Quand est-il approprié de planifier des rencontres individuelles et collectives ? », les auteurs répondent « The short answer is that probing, priming and understanding applications are best done individually to be able to capture unique individual experiences ».

Le mode – En présentiel, les rencontres peuvent être couteuses en temps et en argent, alors que l’utilisation de technologies comme la vidéoconférence rend possibles des activités en ligne, à distance. Les auteurs émettent toutefois des réserves quant à la possibilité de faire tout le processus à distance.

Le lieu – Dans l’environnement des participants, dans un laboratoire, etc. À ce sujet, Muller et Druin (2012) mentionnent que dans un environnement neutre, les utilisateurs ont tendance à avoir un point de vue plus général, alors que dans l’environnement de travail des participants, les conversations sont plus concrètes et spécifiques aux expériences de travail.

Les relations avec les intervenants – Bien que les relations puissent être ponctuelles, il est préférable que la relation soit continue, marquée de réunions itératives, en incluant de nouvelles personnes pour aborder des points de vue différents.

En croisant ces paramètres avec les étapes adaptées du Future Workshop (Jungk et Müllert, 1987), nous avons utilisé la stratégie de collecte de données décrite dans le

Tableau 4 pour la phase de codesign. Les étapes 2 et 3 ont été réalisées lors de la même rencontre pour éviter de laisser les enseignantes dans un état d’esprit négatif, après avoir critiqué la situation actuelle.

Tableau 4

Stratégie de collecte de données selon les étapes du Future Workshop

Étape composition Taille et

du groupe Mode et lieu Artéfact 1. Préparation

La méthode, ses aspects, les objectifs et attentes de part et

d’autre sont présentés.

Rencontre individuelle, enseignante et chercheure. Au téléphone ou en visioconférence ou au choix de l’enseignante. Notes de la chercheure.

2. Critique de la situation actuelle La situation est étudiée de manière critique et approfondie : quels sont les freins au développement professionnel, à sa prise en charge par l’enseignant ?

Rencontre de groupe, enseignantes et chercheure.

En présence, sur

le lieu de travail. Enregistrement de la rencontre, traces du remue- méninge, notes de la chercheure. 3. Exploration de la situation souhaitée

Les problèmes identifiés sont convertis en leur opposé. Des solutions

inhabituelles, même utopiques, sont envisagées. Rencontre de groupe, enseignantes et chercheure. En présence, sur

le lieu de travail. Enregistrement de la rencontre, grille des buts motivationnels, fonctionnels et opérationnels, notes de la chercheure. 4. Bilan individuel

Les participantes sont invitées à commenter les prototypes

Rencontre individuelle, enseignante et chercheure.

Par courriel. Réponses des

participantes par courriel.

Nous avons donc travaillé de concert avec les enseignantes durant la session d’hiver 2017 afin d’identifier les usages qu’ils souhaitaient voir soutenus par une plateforme numérique. Le travail itératif de codesign de la plateforme a permis de voir émerger graduellement les manifestations de l’agentivité que les participantes souhaitaient voir soutenues et, progressivement, les fonctionnalités qui permettent de répondre à ces besoins. Trois ateliers, d’une durée d’environ deux heures chacun, ont

été nécessaires : les enseignantes A et B ont participé au premier atelier, l’enseignante C au deuxième, et les enseignantes D et E, au troisième. Lors des ateliers 2 et 3, nous avons terminé l’étape d’exploration de la situation souhaitée en présentant les conclusions des ateliers précédents afin de recueillir les impressions des participantes. Les sous-sections suivantes présentent de façon détaillée le déroulement de chacune des étapes.

La préparation

Le déroulement de l’étape de préparation a été le même avec toutes les participantes. La chercheure a d’abord présenté le projet et la méthodologie, incluant les rôles et les étapes. Un échange des attentes mutuelles a suivi : ce qui est attendu des participantes et les attentes des participantes face au processus. La chercheure a ensuite présenté le formulaire de consentement. Il a aussi été demandé aux participantes de commencer à penser à ce qui freinait leur développement professionnel ainsi que sa prise en charge.

La critique de la situation actuelle

Les participantes ont été invitées à énumérer tous les freins à leur développement professionnel et à sa prise en charge. Les freins ont été notés sur des affiches effaçables de grand format (voir Figure 6), permettant ainsi à toutes les participantes de bien voir ce qui était noté et d’y apporter des modifications au besoin. Des questions et des questions de relance ont été posées pour alimenter la discussion et permettre d’identifier tous les freins. Le canevas utilisé pour mener les ateliers est disponible en Annexe C.

Figure 6

Exemple des notes prises à l’étape de la critique de la situation actuelle

Au terme de ces conversations, d’une durée d’environ une heure, les participantes étaient invitées à identifier de façon individuelle les trois aspects qui les préoccupaient le plus.

L’exploration de la situation souhaitée

Après avoir priorisé les freins auxquels il fallait envisager des solutions en priorité, les participantes étaient invitées à explorer la façon dont les freins pourraient être réduits en procédant au design d’une plateforme dans laquelle un certain nombre d’opérations pourraient être effectuées. Les participantes étaient informées par la chercheure : « Je vous rappelle que c’est un processus qui se veut démocratique, exploratoire et émergent. N’ayez pas peur de donner vos idées, même si elles vous semblent farfelues ou irréalistes : elles serviront peut-être de tremplin aux autres! Soyez aussi ouvertes aux idées des autres participantes. »

Pour explorer la situation souhaitée, chaque aspect critiqué à l’étape précédente a été repris, formulé en son opposé, et les participantes ont été invitées à le compléter. Un exemple a été utilisé pour permettre aux participantes de s’approprier le processus :

Par exemple, s’il avait été noté que l’expertise des enseignants n’est pas suffisamment reconnue, vous seriez maintenant invitées à compléter la phrase suivante « l’expertise des enseignants est reconnue en … » en nommant des solutions qui permettraient de reconnaitre davantage l’expertise des enseignants dans une plateforme numérique.

Le modèle de l’expérience utilisateur de Hassenzahl (2003) (voir la section 2.1.1) a été présenté aux participantes, de même que la grille dans laquelle chaque élément, une fois converti en son opposé, a été placé dans la colonne des buts motivationnels. Un exemple était à nouveau utilisé pour illustrer la composition de la grille, partant d’une situation et d’un outil connus par les participantes :

Facebook répond au besoin de rester en contact avec ses amis ou sa famille (niveau motivationnel), en permettant des communications (niveau fonctionnel) grâce au clavardage, à la vidéoconférence et à la publication de textes, photos et vidéo sur son mur (niveau opérationnel).

Les participantes ont ensuite été invitées à compléter les autres colonnes (les aspects fonctionnels et opérationnels) afin de cibler les fonctionnalités qui permettraient d’atteindre les buts motivationnels exprimés. Encore une fois, un exemple était utilisé pour illustrer la démarche :

Si nous reprenons l’exemple de l’expertise, un participant pourrait dire « l’expertise des enseignants est reconnue en utilisant un système de badge qu’il serait possible de rendre publique ». Dans la colonne « niveau motivationnel », il serait noté « faire reconnaitre l’expertise des enseignants », dans la colonne « niveau fonctionnel », « système de badges » et dans la colonne « niveau opérationnel », « image représentant l’expertise et flèche pour en faire le partage public ».

Ainsi, au terme de l’exploration de la situation souhaitée lors des trois ateliers, une grille avait été remplie, comme celle présentée à la Figure 7).

Figure 7

Le bilan individuel

Enfin, un bilan individuel auprès des participantes a été fait à postériori afin de nous assurer que chacune d’elles était en accord avec les orientations prises au cours des ateliers. Les questions suivantes ont été abordées par courriel, avec la possibilité d’y répondre de vive voix, une option qu’aucune participante n’a retenue :

1. Globalement, es-tu satisfaite de l’expérience?

2. Y a-t-il des aspects du processus que tu n’as pas aimés, si oui, lesquels? 3. Y a-t-il des sujets dont tu aurais voulu parler davantage, si oui, lesquels?

4. Y a-t-il des sujets auxquels nous avons accordé plus d’importance que ce que tu aurais voulu, si oui, lesquels?