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Les unités géographiques décrites à terre (Bessin, campagne de Caen, pays d’Auge, Lieuvin, Roumois et pays de Caux) se poursuivent en baie de Seine (Figure III.4). Les terrains jurassiques de baie de Seine sont affectés par une structuration monoclinale affectée de failles NE-SW (Alduc et al., 1979 ; Benabdellhouaed, 2011). Un réseau de palléovallées quaternaires orientées NW-SE incise ces terrains monoclinaux en baie de Seine, puis le synclinal tertiaire en limite Nord de la baie de Seine en prenant une direction E-W vers la Fosse centrale et l’océan Atlantique.

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1.3. Réseau hydrographique du bassin versant de la baie de Seine

1.3.1. Orne

Après avoir suivi une direction SE-NW à travers la campagne d’Argentan, l’Orne incise l’extrémité sud de la dépression du Houlme, puis le massif granitique d’Athis et traverse de nouveau les schistes et grès précambriens où elle reçoit plusieurs affluents, avant de franchir en cluse le synclinorium de la zone bocaine, puis de s’écouler vers le NE, indifférente aux structures du Cinglais et de la plaine de Caen (Figure III.5). Son cours moyen présente un phénomène de surimposition. Le réseau hydrographique de l’Orne s’écoule sur la couverture mésozoïque qui finit par être décapée entièrement. Lorsqu’elle atteint le socle, l’Orne poursuit son incision indépendamment des structures. Le cours d’eau se surimpose aux structures du Massif armoricain.

1.3.2. Dives

Le bassin versant de la Dives d’une superficie d’environ 1 800 km2 s’étend sur les départements du Calvados et de l’Orne. La Dives prend sa source à Courménil (Orne) et se jette à Dives-sur-Mer (Calvados). La Dives sort du pays d’Auge à Trun (Figure III.5), avant d’y revenir à Saint-Pierre-sur- Dives. Son affluent principal est la Vie qui prend sa source à Mesnil-Hubert-en-Exmes et se jette en rive droite dans la Dives, à Méry-Corbon. La Dives amont, qui s’écoule du SE vers le NW, est alimentée par des affluents orientés SW-NE (Ante, Trainefeuille, Filaine, Meillon) sur sa rive gauche, à partir des hauteurs de la Zone bocaine. La Dives moyenne ouvre sa vallée dans les calcaires bathoniens de la campagne de Falaise, jusqu’à Saint-Pierre-sur-Dives où elle reçoit l’Oudon en rive droite.

À l’aval de Mézidon, la vallée de la Dives s’élargit et quitte les calcaires jurassiques, incisant les marnes calloviennes. Elle reçoit en quelques kilomètres ses principaux affluents : la Vie et son affluent la Viette en rive droite, et le Laizon, puis la Muance en rive gauche. Elle s’écoule à moins de 10 m d’altitude à 22 km à vol d’oiseau de son embouchure, formant de très amples méandres, au milieu d’une dépression large de plusieurs kilomètres drainée artificiellement. Cette dépression est limitée à l’ouest par un alignement des avant-buttes du pays d’Auge autour de Mézidon, puis continues à partir de Quiéteville et jusqu’à la mer. Au delà vers le nord, le cours de la Dives ne rencontre plus aucune difficulté pour creuser une vallée très large, au pied du talus du pays d’Auge. Elle incise les terrains tendres marno-calcaires silteux à sableux du Callovien moyen.

1.3.3. Touques

Le bassin de la Touques qui s’étend sur 1 300 km2 prend sa source à Champ-Haut et débouche en mer de la Manche, à Trouville. La Touques débute aux confins du pays d’Ouche (Figure III.5), en amont de Gacé, alimenté par de nombreuses sources. La Touques parcourt ensuite dans un long couloir quasi rectiligne jusqu’à Lisieux. Sur ce parcours, les affluents sont peu nombreux mais présentent des débits soutenus par les nombreuses sources alimentées par la nappe aquifère

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présente dans les sables glauconieux crétacés. À Lisieux, la Touques reçoit ensuite plusieurs affluents dont le plus important, l’Orbiquet, le Cirieu et le Graindin. Avec la diminution de la pente de la vallée et l’augmentation des débits, les méandres deviennent de plus en plus amples. Avec ces apports, la vallée s’élargit entre Lisieux et Pont l’Evêque et commence à former des méandres. À Pont l’Evêque, avec la confluence de l’Yvie et de la Calonne, la Touques présente un débit important (8 m3/s) et s’engage dans des marais.

1.3.4. Seine

La Seine normande est le cours aval d’un fleuve long de 777 km et d’un bassin versant de 79 000 km2. La partie aval (Elbeuf-Le Havre) est caractérisée par une vallée à méandres encaissés dans les terrains crayeux (Figure III.5). La Seine normande reçoit deux affluents importants entre Val-de-Reuil et Pont- de-l’Arche. L’Eure en rive gauche et, l’Andelle en rive droite. Les rives concaves de la Seine sont dominées par des falaises abruptes de craie alors que ses rives convexes sont remblayées par des alluvions fines à grossières aujourd’hui exploitées dans des sablières. Vers l’estuaire de la Seine, le marais Vernier s’est développé dans un ancien méandre de la Seine. À Berville-sur-Mer, la Seine reçoit la Risle, principal affluent de la Seine aval.

Quelle définition et quelles limites géographiques pour le bassin versant côtier de la baie de Seine ?

Un bassin-versant est défini comme une aire délimitée par une ligne de partage des eaux et à l'intérieur de laquelle les eaux fluviales alimentent un même exutoire qui est un cours d'eau, la mer, etc. Dans l’exemple du bassin-versant côtier étudié, ces eaux s’écoulent en direction de la mer de la Manche et la ligne de partage des eaux correspond à la ligne des hauts reliefs présents entre le Bocage normand et le Perche. Il est donc facile à tracer pour l’Orne, la Dives et la Touques, plus délicat à définir pour la Seine qui représente un très vaste bassin versant couvrant près de 14 % du territoire français métropolitain. Nous le définissons comme la portion du bassin versant concerné par l’influence des eaux marines et matérialisé en cartographie, par la formation des grands méandres de la Seine, dans son cours aval.

1.4. Historique succinct des études sur le Quaternaire du bassin

versant côtier de la Seine

Dans les progrès des connaissances sur le Quaternaire normand, l’étude des terrasses alluviales a été tardive, bénéficiant de leur reconnaissance lors des levers des cartes géologiques à 1/80 000 de Caen, Falaise, Saint-Lô et Rouen. En revanche, l’origine du réseau hydrographique normand qui a la particularité de présenter des écoulements à la fois sur le socle armoricain (Vire et Orne) et sur la couverture mésozoïque du Bassin parisien (Orne, Dives, Touques et Seine) a été très tôt envisagée comme partie prenante d’une discussion sur la genèse des reliefs de la Normandie.

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1.4.1. Genèse des reliefs de la Normandie

La première synthèse moderne des reliefs et des paysages normands est publiée par Bigot (1913) qui en levant la presque totalité des cartes géologiques à 1/80 000 de la Basse Normandie a illustré les relations existant entre les paysages et le sous sol géologique normand. Néanmoins, pendant la première moitié du XXe siècle, les géographes français sont surtout été influencés par les idées de Davis (1850-1934), géographe américain qui insiste sur le rôle des déformations tectoniques suivies de l’érosion, dans l’évolution des formes du relief. Le cycle de Davis débute par un soulèvement d’une région (stade de jeunesse) qui est suivi par une érosion (stade de maturité) et un stade de sénilité. « The elementary presentation of the ideal cycle usually postulates a rapid uplift of a land

mass, followed by a prolonged stillstand » (Davis, 1909, p. 283 in Klein, 1973). Lors d’une période de

stabilité tectonique, une surface se créé avec une pénéplaine, mais le cycle peut être interrompu à n’importe quel moment par un nouveau soulèvement.

Les études géographiques sur l’origine des reliefs normands se sont donc attachées à la recherche et à l’interprétation des surfaces. Musset aborde dans un premier temps les paysages et les reliefs d’abord du Bas Maine (1917), avant d’envisager tout l’Ouest de la France (Musset, 1922). Le relief normand provient de la « pénéplaine de l’Ouest de la France » (1922) à partir de laquelle deux ensembles morphologiques se différencient : le Bocage normand d’une part et le Perche et le plateau d’argile à silex d’autre part (Figure III.7).

Ces deux ensembles sont séparés par une zone déprimée ou « dépression centrale » entre la vallée de l’Orne à l’ouest et la vallée de la Dives à l’est. Sur les bordures des reliefs armoricains, la surface de l’argile à silex correspond à l’érosion de différents terrains du Crétacé supérieur qui est ensuite recouverte par les témoins de cette dissolution de la craie. Des dépôts d’âge éocène et dont les plus anciens sont datés du « Sparnacien » recouvrent cette surface. La pénéplaine d’argile à silex s’élabore par conséquent entre le Crétacé supérieur et le début du Tertiaire. Selon Musset (1922), la surface d’argile à silex et la pénéplaine armoricaine seraient contemporaines et appartiendraient à une même surface appelée « pénéplaine de l’ouest de la France ». Elle est disséquée par plusieurs dépressions représentées en Normandie, par la vallée de la Dives, la zone déprimée du Perche, la vallée de la Sarthe ou le Col du Cotentin. L’Armorique, le plateau d’argile à silex et la dépression centrale présentent la même évolution morphologique depuis la régression fini-crétacée. Les déformations de la pénéplaine de l’ouest de la France sont reconnues à partir de l’inventaire des classes d’altitude. La plus ancienne pénéplaine est la plus élevée dans la topographie ; elle est désignée par les reliefs hauts (300-400 m) des forêts d’Écouves et de Multonne, supportant le mont des Avaloirs (417 m). La pénéplaine la plus étendue autour de 200-220 m d’altitude recouvre le Bocage normand, avec pour sommet le Mont Pinçon (365 m). Une pénéplaine plus basse (100-200 m) supporte les villages d’Ondefontaine, Roucamp et Campany.

153 Figure III.7 Cartographie de l'ouest de la France (Musset, 1922).

Légende : 1 : limite orientale du bocage à l’est, 2 : limite occidentale des plateaux d’argile à silex, 3 : dépression centrale en contrebas des plateaux d’argiles à silex, 4 : limite orientale des terrains anciens du Massif armoricain, 5 : extension des faluns miocènes, 6 : reliefs de plus de 200 m d’altitude et 7 : direction de la pente de la pénéplaine de l’ouest

(échelle : 1/4 400 000).

Si la reconnaissance des surfaces topographiques a le mérite d’établir une vision synthétique des reliefs de la basse-Normandie, région dépourvue d’unité géographique, en revanche, la formation de ces surfaces impose l’érosion d’un important volume de matériaux entre chaque surface, représentant des tranches successives de 70 à 80 m d’épaisseur et à l’échelle de tout le Massif armoricain, ce qui semble incompatible avec les rares témoins stratigraphiques tertiaires préservés sur le massif ancien.

Mais, face aux critiques de plus en plus nombreuses de la théorie cyclique davisienne et au rôle essentiel donné à l’érosion, les études géomorphologiques françaises s’orientent à partir des années 1960, sur une reévaluation de l’importance du climat dans la genèse des formes du relief. La prise en compte de ces processus climatiques se limite dans la thèse d’Elhaï (1963) « la Normandie occidentale entre la Seine et le Golfe normand breton », aux plus basses surfaces, les plus proches du rivage.

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