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 Bassin versant

1.3. Styles fluviau

1.3.1. Classification des styles fluviau

Les morphologies des rivières (river pattern) sont souvent regroupées selon trois ensembles : cours droits ou rectilignes, rivières méandriformes, rivières en tresses (Leopold & Wolman, 1957) (Figure II.5). La morphologie anastomosée d’une rivière a été introduite plus tard (Schumm, 1968, 1981 ; Rust, 1978a ; Smith, 1983 & Brice, 1984). Certaines classifications ont été développées afin de décrire plus précisément les combinaisons des morphologies de chenaux rencontrées le plus souvent dans fleuves actuels de grande dimension (Rosgen, 1994 ; Nanson & Knighton, 1996 ; Latrubesse, 2008 ; Lewin & Ashworth, 2014). Les classifications retenues sont fondées sur la sinuosité et sur le nombre de chenaux (simple ou anabranché). La classification de Schumm et Meyer (1979) illustre le continuum existant entre les styles fluviaux (Figure II.6).

À l’échelle du bassin versant, il correspond à la succession amont-aval de styles fluviaux classés selon un gradient d’énergie décroissant avec la pente. Quatre grands types de cours d’eau sont ainsi distingués : torrents, cours d’eau en tresses, cours d’eau à méandres, rivières peu mobiles à chenal rectiligne ou à chenaux multiples. Cette continuité des styles fluviaux peut être par ailleurs modifiée en fonction de la charge transportée. L’évolution des styles fluviaux reflète les variations du niveau d’énergie des cours d’eau (puissance) et de l’instabilité des lits (bancs, chenaux) Le tressage définit des cours d’eau de haute énergie, associés à une grande mobilité du lit. Toutefois l’ajustement régulier de la morphologie de détail du chenal n’affecte pas le style fluvial.

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Figure II.5 Représentation des différents styles fluviaux.

Légende : A - Classification des types de chenaux d’après Miall (1977). B - Classification alternative des types de chenaux, d’après Makaske (2001), modifié. Cette classifcation est fondée sur le nombre de trains de chenaux (channel belt) et les paramètres de tressage B de Friend & Sinha, 1993 et l’indice de sinuosité de Rust (1978a). C – Photographies des styles fluviaux : (a) Cône alluvial de Badwater (Death Valley, USA, photo : Marli) ; (b) Rivière Resurrection River (Péninsule de Kenaï, Alaska, photo : Marli) ; (c) Rivière Williams River ( Alaska, Photo : Smith) ; (d) Rivière Waal (Hollande, photo: Berendsen); (e) Rivière Columbia (Colombie britannique, Canada, photo : Berendsen) ; (f) Rivière Squamish (Colombie britanique, Canada, Image satellite de GoogleEarth)

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Figure II.6 Classification des systèmes fluviatiles selon Schumm et Meyer (1979) en fonction de la charge transportée par le cours d’eau.

• Le torrent est spécifique d’un système fluvial de fort écoulement, comme dans les régions montagneuses. Lorsqu’une rivière provenant d’un canyon de montagne aboutit brusquement dans une plaine ouverte au pied des montagnes, l’eau canalisée dans un chenal étroit se répand sur une surface plus large. L’eau ralentit et abandonne brusquement sa charge sédimentaire, formant un glacis de sédiments en pente appelé cône alluvial ou cône de déjection (alluvial fan) (Figure II.5C-(a)). La rivière se subdivise ensuite en une série de petits chenaux à travers le cône. Lors d’inondations violentes des coulées clastiques se propagent au sein du cône et en aplanissent la surface.

Le bassin versant est de petite taille, avec un chenal stable influencé par la dynamique des versants très proches. Les pentes sont fortes et le profil en long est accidenté, avec de fréquentes ruptures de pente en raison de la proximité du substrat rocheux ou de blocs encombrant le lit. Les lits torrentiels présentent une charge sédimentaire hétérogène à cause de la proximité des versants. Les blocs rocheux difficiles à être remobilisés stabilisent le profil en long, ils sont recouverts ou contournés par une charge sédimentaire abondante et transportée lors des crues. L’autre spécificité est de répondre à une hydrologie contrastée avec des écoulements faibles ou inexistants en période de rétention nivale et des crues brusquées et importantes lors du redoux printanier et des orages estivaux. De ce fait le mode de transport et le charriage de la charge de fond grossière et abondante.

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Figure II.7 Dispositif transversal d'un fond de chenal montrant les alternances de mouilles (riffle) et de creux (pool) (in Gilvear, 2005). (a) Schéma d’un fond de chenal montrant le pavage de galets et la dynamique de

circulation des particules fines ; (b) exemple d’histogramme montrant la distribution et la taille des sédiments de fond de chenaux dans la rivière graveleuse de Tryweryn (Pays de Galles).

• Les cours d’eau en tresses (braided stream) se caractérisent par une dynamique de haute énergie et un régime hydrologique contrasté, avec d’importants pics de crues (variations de débit fortes et rapides) favorisant des charges sédimentaires importantes. Ce régime suppose une charge solide abondante et des matériaux grossiers. Les rivières transportent des sédiments grossiers en abondance lors d’inondations catastrophiques ou des fontes des neiges, par contre elles ne peuvent plus transporter ces sédiments lorsque les conditions d’écoulement redeviennent à la normale, les sédiments s’y déposent et comblent partiellement le chenal. Le dispositif morphologique le plus commun, retrouvé dans les chenaux de rivières graveleuses, correspond au système de creux et de mouilles (pool-riffle sequences) (Figure II.7). Le cours d’eau se subdivise en de nombreux chenaux secondaires entrelacés et séparés par des bancs allongés de graviers et de sables. Il en résulte une morphologie fluviale en tresses (Figure II.5C-(b)). La rivière en tresses ne peut pas creuser de chenal profond mais s’étend à travers une zone assez large.

Les cours d’eau en tresses caractérisent donc des régions productives en matériaux issus de l’érosion mécanique (hautes latitudes, zones arides chaudes ou froides, fronts de chaînes de montages, piémonts,…). Le transfert de la charge implique des pentes fortes. Les cours d’eau en tresses se caractérisent par des chenaux larges peu sinueux et de faible profondeur. Le lit est encombré par des bancs graveleux à sableux mobiles qui migrent vers l’aval ; l’instabilité latérale est importante en raison de la faible cohésion des alluvions.

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• Les cours d’eau méandriformes sont associés à des milieux fluviaux de faible énergie et souvent développés dans la section aval de bassin versant. Mais ils recouvrent une grande diversité de formes dont les méandres libres divaguant sans contrainte majeure à la surface de la plaine alluviale (Figure II.5C-(c)) et les méandres encaissés dans un substratum cohérent (plateau) et contrôlés par la structure. Les rivières sinueuses avec des méandres se forment lorsque les eaux courantes traversent une large plaine alluviale ou un substrat tendre ou avec un gradient de pente très faible. Le développement des méandres accroît le volume de la rivière tout en augmentant sa longueur. Le « méandrage » correspond donc à une dissipation de l’énergie du cours d’eau, avec l’allongement du tracé conduisant une diminution de la pente. Le cours d’eau méandriforme se caractérise par la migration latérale du chenal unique et dissymétrique. Les trains de méandres migrent latéralement en en direction de l’aval. Des recoupements de boucles se produisent régulièrement lors des crues. Des bras morts issus du recoupement sont parfois conservés à la surface de la plaine alluviale.

Les apports sédimentaires se déposent contre la berge convexe et érodent la berge concave tout en surcreusant le fond du chenal. Le débit détermine la section du cours d’eau et la charge sédimentaire en transit détermine l’importance de la sinuosité. À débit égal, une faible fourniture en sédiments grossiers favorise une forte sinuosité (faible longueur d’onde).

Plusieurs variétés morphologiques de méandres existent :

- méandres encaissés développés sur plusieurs milliers d’années, dans une surface d’érosion en cours de soulèvement (rivière antécédente), ou sur une couverture meuble recouvrant un substratum résistant (rivière surimposée) ;

- méandres contraints caractérisés par un blocage latéral des sinuosités, dans la vallée alluviale. L’érosion uvia le n’a pas réussi a élargir la vallée pour perme re la migra on latérale des méandres ;

- méandres libres, les plus fréquents, se développent à la surface de plaines alluviales, sans contrainte.

• Les cours d’eau droits ou rectilignes sont rares et de courte distance. Excepté les contraintes géologiques (lignes de failles, pentes fortes ou très faibles), ils sont bien souvent le résultat de travaux anthropiques (canaux d’irrigations, chenaux navigables,…) (Figure II.5C-(d)).

• Les cours d’eau anastomosés ont une morphologie proche du réseau fluvial en tresses, avec des chenaux mutiples, mais dans des environnements de faible énergie et transportant des alluvions fines. Il s’agit d’un système fluviatile stable de multiples chenaux sinueux avec des berges cohésives et stables Le cours d’eau est divisé en plusieurs branches sinueuses et étroites isolant des îles végétalisées (Figure II.5C-(e)). Les pentes sont faibles et la charge sédimentaire fine favorise la stabilité des formes.

Ces concepts ne sont cependant pas exhaustifs et des intermédiaires existent comme les rivières divagantes (Wandering river) (Figure II.5C-(f)). Ces dernières sont interprétées comme des styles de transition entre un style fluviatile en tresses et un style méandriforme (Vandenbergh & Woo, 2002). De plus, pour un même cours d’eau, ces morphologies peuvent se rencontrer. Les rivières

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anastomosés peuvent présenter des segments en tresses, méandriformes ou droits (Schumm, 1985 ; Thorne et al., 1993 ; Bridge, 2003).

Nanson & Knighton (1996) ont défini les rivières anabranchées comme des « systèmes de chenaux multiples caractérisés par des îlots végétalisées stables qui divisent le flux pour un écoulement à plein bord ».