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Déprescription des antipsychotiques

Dans le document Avis - Usage optimal des antipsychotiques (Page 42-45)

3 RÉSULTATS

3.2 Stratégies cliniques visant à diminuer ou arrêter les antipsychotiques

3.2.1 Déprescription des antipsychotiques

3.2.1.1 Données provenant de la littérature scientifique

Les résultats de la revue systématique effectuée par l’INESSS suggèrent que l’arrêt des antipsychotiques chez les personnes hébergées en établissement de soins de santé et de soins de longue durée et atteintes de TNC majeurs avec SCPD pourrait être fait chez la majorité d’entre elles sans modification significative de leur comportement. Le niveau de preuve de ces résultats a été jugé modéré, mais la puissance statistique des études, potentiellement insuffisante pour mettre en évidence des différences entre les groupes, est à souligner. De plus, les résultats de certaines études invitent à la prudence lorsque la déprescription des antipsychotiques est envisagée chez des personnes dont les

symptômes comportementaux sont plus sévères que la moyenne, puisque ces symptômes seraient plus susceptibles de s’aggraver à la suite d’un arrêt de la médication (le niveau de preuve a été jugé faible). Dans l’ensemble des études, les patients inclus étaient traités à dose stable par antipsychotique depuis au moins trois mois.

Les études considérées dans le cadre de cette revue systématique n’ont toutefois pas permis de répondre à des questions cliniques plus précises et d’importance pratique, telles que celles portant sur le moment le plus approprié pour amorcer la déprescription, les critères cliniques à réunir, la façon optimale de réduire les doses, la fréquence du suivi, les personnes pour lesquelles la déprescription ne devrait pas être envisagée ainsi que la conduite à tenir en cas de rechutes des symptômes. Pour répondre à ces questions, les outils de déprescription issus d’organisations reconnues et indépendantes ont été considérés en plus des GPC, ainsi que le savoir expérientiel des experts du comité consultatif.

Les résultats de la revue systématique de l’INESSS concernant la déprescription des antipsychotiques sont présentés de façon détaillée dans le rapport de revues systématiques [INESSS, 2017].

3.2.1.2 Données provenant des guides de bonne pratique clinique et de la littérature grise

Les recommandations issues des GPC sont peu nombreuses sur le sujet de la déprescription des AP, et elles proviennent principalement du GPC de l’American Psychiatric Association. Pour la sélection des patients admissibles à la déprescription de l’AP, ce GPC recommande la déprescription en cas d’absence de réponse cliniquement significative après quatre semaines d’essai de l’AP à dose appropriée ou, lorsqu’une réponse clinique est constatée, dans les quatre mois suivant l’amorce du traitement avec l’AP (sauf en cas d’antécédents de rechute lors de tentatives précédentes de diminution des doses). La majorité des documents de la littérature grise recommandent quant à eux une durée minimale de trois mois de stabilité comportementale avant d’entreprendre la déprescription de l’AP, ce qui correspond aux critères d’inclusion des patients dans les ECRA recensés sur la déprescription des antipsychotiques.

L’American Psychiatric Association ainsi que plusieurs documents de la littérature grise recommandent de faire participer le patient ou son représentant légal, la famille et les proches aidants à la décision de réduction ou d’arrêt des doses d’antipsychotiques. Deux documents recommandent, en plus, d’y associer le personnel soignant.

S’agissant des modalités de déprescription, à l’unanimité, les GPC ou la littérature grise recommandent une déprescription graduelle. La majorité des documents recommandent par ailleurs d'observer l’éventuelle réapparition des symptômes au cours du processus, avec une vigilance plus particulière lorsque la déprescription est entreprise chez les personnes dont les symptômes initiaux étaient graves. Un document de la littérature grise propose également une réduction plus lente des doses dans ces situations. En cas de rechute, deux documents de la littérature grise recommandent la reprise de l’AP à la plus faible dose possible.

Il est à souligner que la majorité des documents de la littérature grise recommandent de ne pas déprescrire l’AP, ou du moins de ne pas le faire sans un avis spécialisé, pour les personnes traitées par antipsychotique en raison d'une pathologie psychiatrique concomitante. Une liste des pathologies psychiatriques concernées a été proposée par Deprescribing.org.

3.2.1.3 Données contextuelles et expérientielles

En général, les membres du comité consultatif étaient en accord avec les résultats de la revue systématique de la littérature de l’INESSS sur la déprescription des antipsychotiques et avec les recommandations précitées issues des GPC ou de la littérature grise. Ces recommandations ont cependant été ajustées ou complétées afin d’en bonifier le

contenu, d’en faciliter la compréhension, et pour tenir compte de la réalité de la pratique clinique québécoise. Ainsi, les membres ont notamment établi de manière plus précise les critères de sélection des personnes admissibles à la déprescription. Selon eux, toutes les personnes atteintes de TNC majeurs avec SCPD traitées par antipsychotique, quel que soit le type de leurs symptômes, devraient être admises à une tentative de déprescription.

Une distinction serait toutefois à faire en fonction de l’indication pour laquelle l’antipsychotique a été prescrit. En effet, la déprescription devrait être entreprise de manière systématique chez les personnes pour lesquelles l’antipsychotique a été prescrit pour traiter l’insomnie ou les SCPD autres que des symptômes d’agressivité ou des symptômes psychotiques. Pour les personnes atteintes de symptômes psychotiques ou

d’agressivité entraînant un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, une tentative de déprescription devrait être envisagée dans certaines conditions : lorsque la personne présente une stabilité comportementale depuis trois mois ou plus, lorsqu’aucune réponse clinique n’a été observée après quatre semaines de traitement à dose optimisée ou encore lorsque la dose d’ antipsychotique prescrite dépasse la dose optimale quotidienne recommandée. En effet, dans ces situations, les risques associés à la poursuite du

traitement (aux mêmes doses) apparaissent supérieurs aux avantages. Certains membres du comité consultatif ont souligné que l'état des personnes avec des symptômes très sévères (p. ex. très paranoïdes ou très psychotiques) malgré les approches et stratégies non pharmacologiques appropriées pouvait être difficile à stabiliser, et que la poursuite du traitement pouvait être pertinente pour ces personnes. Le cas échéant, la consultation d’un spécialiste serait appropriée.

La liste des pathologies psychiatriques concomitantes aux SCPD pour lesquelles

l’antipsychotique ne devrait pas être déprescrit a été largement modifiée par rapport à la liste présente dans l’algorithme de déprescription de Deprescribing.org, à la suite des commentaires des membres du comité consultatif. Plusieurs affections ont été retirées, car jugées non pertinentes (p. ex. délirium aigu, retard du développement), et la terminologie des pathologies psychiatriques conservées a été rendue cohérente avec le DSM-5.

Les membres du comité n’ont pas voulu statuer sur un protocole de réduction de dose précis (p. ex. le pourcentage de diminution de la dose et la durée entre les réductions) ou sur une fréquence particulière de suivi, car selon eux, le processus de déprescription devrait être ajusté au cas par cas, d'après la situation clinique du patient et la réponse comportementale. Ils ont également considéré que l’âge n’était pas un facteur pertinent à considérer en lui-même dans le processus de déprescription, car il peut parfois exister des différences importantes entre l’âge chronologique d’une personne et son âge biologique.

Par ailleurs, ils ont mis en exergue l’importance de faire participer la famille et les proches aidants de la personne à la surveillance au cours de la déprescription afin que l’équipe de soins soit avisée des changements de comportement observés.

Enfin, les membres du comité ont souhaité l’ajout d’une recommandation pour répondre à la préoccupation relative au risque de déplacement de l'ordonnance vers d’autres classes pharmacologiques, ce qui pourrait occasionner des effets indésirables considérables comme avec les benzodiazépines.

En résumé…

Les données trouvées dans la littérature indiquent que la déprescription des

antipsychotiques chez les personnes hébergées en établissement de soins de santé et de soins de longue durée et qui présentent des SCPD pourrait être tentée sans modification significative du comportement pour une majorité d’entre elles, selon un niveau de preuve modéré.

Les recommandations cliniques provenant des meilleurs GPC et l’opinion des

membres du comité consultatif sont également en faveur de la déprescription chez les personnes atteintes de TNC majeurs. Toutefois, certaines conditions devraient être appliquées en fonction de la situation clinique et selon le type et la sévérité des SCPD pour lesquels l’antipsychotique a initialement été prescrit.

3.2.2 Programmes d’interventions multiples

Dans le document Avis - Usage optimal des antipsychotiques (Page 42-45)