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B. Le cancer de la prostate

4. Dépistage

Le dépistage du cancer de la prostate consiste à rechercher la maladie de façon systématique dans une population asymptomatique en vue de réduire la mortalité spécifique et de maintenir, voire d’améliorer, la qualité de vie de la population concernée. Le dépistage du cancer de la prostate par dosage du taux de Prostate Specific Antigen (PSA) est utilisé depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990. Accompagné des progrès thérapeutiques, ce dépistage serait à l’origine de l’augmentation massive de l’incidence annuelle du cancer de la prostate en France de 20 000 cas dans les années 1990 à 64 457 cas

L’étiologie du cancer de la prostate est l’objet de nombreuses publications mais reste toujours à l’heure actuelle relativement incomprise. Les facteurs de risques connus et avérés sont l’âge, l’origine ethnique, l’histoire familiale et les facteurs génétiques. D’autres facteurs de risques sont supposés tels que l’alimentation, la consommation d’alcool, l’obésité, l’absence d’activité physique, les infections sexuellement transmissibles, les expositions environnementales, etc. Certains facteurs de risques sont non modifiables, tels que l’âge, l’origine ethnique et l’hérédité. D’autres, en revanche, sont dits modifiables. C’est le cas de l’alimentation et des facteurs environnementaux. Certains facteurs de risques peuvent induire le développement d’un cancer de la prostate en influençant des facteurs génétiques et épigénétiques (Karan, Thrasher, & Lubaroff, 2008).

40 en 2005 (Grosclaude et al., 2013; Grosclaude et al., 2015). Le dépistage précoce du cancer de la prostate reste controversé (Mottet, 2008; Rozet et al., 2018). Si Schroder et al. (2014) dans une étude européenne de grande envergure (European Randomized Study of Screening

for Prostate Cancer : ERSPC) mettent effectivement en évidence une diminution substantielle de la mortalité du cancer de la prostate par l’utilisation du dépistage (21% à 13 ans de suivi) (Schroder et al., 2014), Andriole et al. (2009) dans l’étude Prostate, Lung,

Colorectal and Ovarian (PLCO) déplorent un gain de survie significatif (Andriole et al., 2009).

L’étude PLCO a cependant été invalidée (Shoag, Mittal, & Hu, 2016) et le dépistage a prouvé sa capacité à diminuer la mortalité spécifique de la maladie et les formes métastatiques au diagnostic (Arnsrud, Holmberg, Lilja, Stranne, & Hugosson, 2015).

Plusieurs études ont ainsi montré que 20 à 40% des cas de cancer de la prostate aux USA et en Europe seraient dus à un sur-diagnostic issu de la mesure du taux de PSA (Etzioni et al., 2002; Quinn & Babb, 2002). En 2012, l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) (Moyer, 2012) a ainsi établi une recommandation de non information des patients de la possibilité du dosage du PSA, menant à une diminution du niveau de détection par le PSA aux USA mais également en France (incidence de 53917 cas en 2011). En 2016, les fréquences annuelles de dosage PSA restaient cependant élevées, particulièrement chez les français les plus âgés. Malgré tout, une évolution des pratiques semble s’être initiée à partir de 2015 (Tuppin et al., 2016).

La plupart des recommandations suggèrent de débuter le dépistage au plus tard à 55 ans, chez des hommes bien informés (dans le cadre d’une décision partagée), en bonne santé, et ayant une espérance de vie d’au moins 10-15 ans. Le dépistage est, en revanche,

A l’heure actuelle, le dépistage par dosage du taux de PSA est l’outil le plus efficace, et le plus couramment utilisé dans la prédiction du cancer de la prostate. Il persiste cependant une absence de consensus ferme sur les critères d’utilisation du dosage de PSA comme moyen de dépistage.

Un des méfaits du dépistage du cancer de la prostate par dosage du taux de PSA est le sur-diagnostic (et le sur-traitement).

41 recommandé dès 45 ans pour les hommes ayant des antécédents familiaux ou des origines noires (Carroll & Mohler, 2018; Carroll et al., 2016; Kohestani, Chilov, & Carlsson, 2018; Mottet et al., 2017; Rozet et al., 2018). Le dosage du taux de PSA est généralement interrompu après 75 ans. La procédure de dépistage repose sur le dosage du taux de PSA mais est normalement complétée par une recherche de facteurs de risques (familiaux et ethniques) et un toucher rectal. En termes de fréquence, le dépistage est répété tous les deux ans en cas de facteurs de risques, mais l’intervalle optimal n’est toujours pas établi à ce jour en France (Rozet et al., 2018).

5.

Diagnostic

Le diagnostic de cancer de la prostate est généralement suspecté à partir d’un Toucher Rectal (TR) et d’un taux élevé de PSA. Cependant, le diagnostic définitif est établi par une vérification anatomopathologique basée sur des biopsies. Des imageries et l’analyse de biomarqueurs font également partie de la routine de diagnostic.

a)

Toucher Rectal

Le TR est recommandé au préalable de tout autre examen (Gosselaar, Roobol, Roemeling, & Schroder, 2008). Un TR suspect est synonyme de risque plus élevé de tumeur, et constitue une indication de biopsies prostatiques.

b)

Dosage PSA

Le PSA est caractéristique de l’épithélium prostatique, et non du cancer en lui-même. Une augmentation du PSA peut être due au développement d’un cancer de la prostate, mais également à d’autres évènements tels qu’un adénome prostatique, une prostatite, etc. L’augmentation de la valeur de PSA total augmente le risque de cancer de la prostate et constitue donc malgré tout un indicateur important. Le PSA dit libre n’a pas un apport important pour le diagnostic. Il peut servir à affiner l’indication de biopsies de la prostate dans des situations particulières définies par le clinicien. La densité de PSA permet de poser l’indication d’une première série de biopsies prostatiques tandis que la cinétique du PSA est un marqueur utile au suivi des patients après traitement.

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c)

Autres biomarqueurs

De nombreux biomarqueurs sanguins, urinaires et tissulaires sont utilisés afin d’identifier les formes agressives ou non du cancer de la prostate. Régulièrement, de nouveaux biomarqueurs sont proposés et évalués (Lamy et al., 2018; Seisen et al., 2016). Parmi ceux-ci on retrouve par exemple le Prostate Health Index (PHI) et le Prostate Cancer Antigen 3 (PCA3) (Kohestani et al., 2018; Ferro et al., 2013; Loeb & Catalona, 2014).

d)

Biopsies

Les biopsies constituent l’outil diagnostic le plus important car elles vont permettre une analyse anatomopathologique de la prostate. Un bilan pré-biopsique est normalement pratiqué afin d’informer le patient et limiter les risques de complications, et une antibioprophylaxie est recommandée avant la réalisation de biopsies prostatiques. L’anesthésie locale par bloc péri-prostatique est recommandée.

Douze prélèvements, dits « carottes biopsiques », doivent être effectués pour les biopsies initiales, en l’absence d’anomalies détectées en clinique ou en imagerie. Les recommandations techniques de réalisation des biopsies sont détaillées dans l’article de Rozet et al. (Rozet et al., 2018). Une autre série de biopsies peut être indiquée en cas de suspicion persistante de cancer après des résultats biopsiques initiaux négatifs. Les infections urinaires sont les principales complications pouvant faire suite à des prélèvements biopsiques (fréquence d’environ 5%) (Bruyere et al., 2015).

e)

Imagerie

A l’heure actuelle, l’Imagerie par Résonance Magnétique multiparamétrique (IRM-mp) est l’imagerie à visée diagnostic la plus utilisée dans un contexte de suspicion clinique et biologique de cancer de la prostate. Elle est désormais utilisée en tant qu’outil de pré- diagnostic (Kasivisvanathan, Emberton, & Moore, 2018; Rouviere et al., 2017), c’est-à-dire avant les biopsies prostatiques, afin d’augmenter le taux de détection des cancers cliniquement significatifs. Le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) a d’ailleurs en 2018 recommandé l’utilisation de biomarqueurs et de l’IRM-mp avant la réalisation de biopsies, et suggère que 20 à 30% des patients peuvent éviter les biopsies (Carroll & Mohler, 2018).

43 L’IRM est souvent employée pour la réalisation du bilan d’extension, permettant d’évaluer l’étendue du cancer et la présence ou non de métastases.

Le scanner reste utilisé en cas de contre-indication à l’IRM ou pour détecter des métastases viscérales.

L’échographie n’est pas recommandée pour la détection du cancer de la prostate, étant peu sensible et peu spécifique.

f)

Anatomopathologie

Au cours de l’analyse anatomopathologique, l’histologie de la tumeur pourra être déterminée. Dans la plupart des cas, les cancers de la prostate sont des adénocarcinomes. Les autres formes sont rares. Le pathologiste déterminera également le stade et le grade du cancer (cf. §Classification et stadification p.43).

6.

Classification et stadification

a)

Score de Gleason et révision en groupes pronostiques

Les cancers de la prostate sont gradés selon le système définit par Gleason en 1966 afin de déterminer le degré d’agressivité du cancer (Gleason, 1966). Il s’agit d’un élément pronostic essentiel. Le score de Gleason est une échelle d’évaluation des cellules cancéreuses qui comporte cinq grades architecturaux (de 1 à 5) reflétant le degré d’anomalies des cellules (Figure 6). Plus les cellules semblent normales, plus leur degré agressivité est faible et la gradation basse. La glande prostatique étant hétérogène, deux évaluations sont faites et la somme des grades définit le score de Gleason (de 2 à 10). Par exemple, un score de Gleason 7 = 3+4 ou 4+3, le premier chiffre représentant le grade le plus dominant. Un score de Gleason élevé correspond à une tumeur agressive.

Cependant, le score de Gleason comporte plusieurs défauts: 1) la presque totalité des cancers de la prostate diagnostiqués ont un score minimal de 6, et sont donc très bien différenciés, or cela est difficile pour les patients de comprendre qu’ils ont un cancer dit indolent alors que le score est dans la médiane de l’échelle de Gleason, 2) le score de Gleason ne fait pas de différence entre les scores de 7 (3 majoritaire) et 7 (4 majoritaire), et

44 3) les scores de Gleason 8 à 10 sont considérés comme de haut grade mais le pronostic n’est pourtant pas le même entre le score 8 et les scores 9 et 10.

Figure 6 : Schéma d’évaluation du score de Gleason

Ainsi, l’International Society of Urological Pathology (ISUP) a proposé une nouvelle classification dès 2014 composée de cinq groupes pronostiques (Epstein et al., 2016). Celle-ci a été validée rétrospectivement de façon multi-institutionnelle (Epstein et al., 2016). Actuellement, il est recommandé d’utiliser cette nouvelle classification en gardant la mention du score de Gleason (Tableau 1).

Tableau 1 : Groupes pronostiques de la classification ISUP 2016

Groupe 1 Anciennement score de Gleason 6 (3+3)

Groupe 2 Score de Gleason 7 (3+4)

Groupe 3 Score de Gleason 7 (4+3)

Groupe 4 Sore de Gleason 8 (4+4 ou 3+5 ou 5+3)

Groupe 5 Score de Gleason 9 ou 10

b)

Classification TNM

Le système de stadification le plus fréquemment employé pour le cancer de la prostate est la classification TNM (Tableau 2). On parlera de stade localisé (stade 1 et 2), localement avancé (stade 3 ou 4) ou métastatique.

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Tableau 2 : Classification TNM 2016 du cancer de la prostate(Rozet et al., 2018)

c)

Classification d’Amico

La classification d’Amico est également utilisée dans le cadre du cancer de la prostate afin d’évaluer le risque évolutif des cancers de la prostate localisés. Cette classification, définie par D’Amico à la fin des années 1990 (D'Amico et al., 1998), tient compte du taux de PSA, du TNM et du score de Gleason (Tableau 3).

Tableau 3 : Classification D’Amico

Faible risque PSA ≤ 10ng/mL, et score de Gleason ≤ 6, et stade clinique T1c ou

T2a

Risque intermédiaire PSA entre 10 et 20 ng/mL, ou score de Gleason 7, ou stade

clinique T2b

Risque élevé PSA ≥ 20ng/mL, ou score de Gleason > 7 (8,9 ou 10), ou stade

clinique T2c