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LE DÉPEU PLE MENT RÉGIO NAL

Dans le document Population et territoire (Page 121-125)

Le dépeu ple ment régio nal

LE DÉPEU PLE MENT RÉGIO NAL

De 1951 à 1991, le rythme de chan ge ment s’est for te ment accen tué dans la majeure par tie du ter ri toire habité. Tant en milieu urbain que rural, l’orga ni sa tion phy si que de l’espace, l’infras truc ture de ser vi ces et l’ensem ble de la vie socioéco no mi que ont connu d’impor tan tes muta­ tions. Sur le plan occu pa tion nel, il y eut une forte tran si­ tion vers les emplois du secteur secon daire et sur tout du secteur ter tiaire. Tous les sec teurs de la mise en valeur des res sour ces ont été moder ni sés et res truc tu rés libé rant de la main­d’oeu vre. Cela a par ti cu liè re ment été remar qua­ ble dans le domaine agri cole, où il y eut un aban don rapide de l’agri cul ture, le nom bre de fer mes pas sant de 134 000 à 38 000 uni tés ( figure 2).

FIGURE 2

Évolution du nom bre de fer mes du Québec de 1901 à 1991

Source : Statistique Canada, Recensements de 1911 à 1991.

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LedépeupLementrégionaL 1911 1921 1931 1941 1951 1961 1971 1981 1991 Nombre de fermes (x 10 000) 0 20 40 60 80 100 120 140 160

Les mon des ruraux et urbains ont con ti nué d’évo luer en sym biose selon les gran des ten dan ces amor cées durant les der niè res décen nies. Les prin ci pa­ les dif fé ren cia tions struc tu rel les se sont ren for cées, creu sant les écarts entre les espa ces à popu la tion dis­ per sée et les zones les plus urba ni sées et entre les régions à crois sance éco no mi que et les régions à pro­ blè mes chro ni ques. Mais, paral lè le ment, une amé lio­ ra tion des com mu ni ca tions sous tou tes leurs for mes a con tri bué à uni for mi ser les gen res de vie, notam ment sur les plans de la con som ma tion, des loi sirs et de la cul ture. Il s’agit cepen dant d’une uni for mi sa tion toute rela tive affec tant de façon inégale les indi vi dus en fonc tion des loca li sa tions et des clas ses socia les, mais n’enle vant pas leurs prin ci paux élé ments de spé ci fi cité à cha cune des gran des caté go ries de peu ple ment.

La popu la tion rurale est deve nue aussi plus mobile sur le plan géo gra phi que, élar gis sant ses aires quo ti dien nes et heb do ma dai res de dépla ce ment tant pour le tra vail et les loi sirs que pour l’obten tion de ser vi ces. La situa tion dans l’espace n’est plus liée exclu si ve ment au lieu de tra vail, mais aussi à divers autres fac teurs tels que l’atta che ment à un milieu, les liens fami liaux et sociaux, le coût du loge ment, les faci li tés de dépla ce ment, les habi tu des de vie, etc. Dans ce nou veau con texte, il y a dis so cia tion entre le lieu de séjour et le lieu de tra vail pour une par tie de plus en plus impor tante des ruraux. La dimen sion, la nature et l’évo lu tion de l’infras truc ture de ser vi ces ne dépen dent plus exclu si ve ment de la taille démo gra­ phi que et de l’éco no mie loca les, mais d’une zone d’échan ges et de voi si nage qui a ten dance à s’agran dir. Vue sous l’angle des loca li tés, la situa tion démo­ gra phi que ne pa raît tou te fois pas, à prime abord, très dif fé rente de celle de la pre mière moi tié du siè cle, le nom bre de loca li tés en décrois sance demeu rant sen si­ ble ment le même ( figure 3). Il varie tou te fois davan­ tage selon les décen nies se situant entre les valeurs extrê mes de 412 dans la décen nie 1951­1961 et de 695 durant la sui vante, repré sen tant de 33 % à 56 % de tou tes les loca li tés. Entre 1971 et 1981, il y a une forte dimi nu tion des cas de décrois sance et, par la suite, de nou veau une aug men ta tion gra duelle. Au total, les per tes sub ies par tou tes les peti tes loca li tés rura les (2 500 habi tants et moins) accu sant un défi cit à la fin de la période s’éta blis sent à envi ron 158 000 per son­ nes. C’est 39 621 indi vi dus par décen nie com pa ra ti­ ve ment à 35 042 durant la pre mière moi tié du siè cle. Compte tenu du fait que la popu la tion rurale est plus nom breuse, ces chif fres à eux seuls n’indi quent pas de chan ge ment vrai ment signi fi ca tif

Presque tou tes les MRC pos sè dent, à un moment ou l’autre, des muni ci pa li tés dont la popu la­ tion dimi nue. Seules quelques­unes, telles Laval, Les Moulins, Mirabel, Thérèse de Blainville et Champlain, échap pent à cette situa tion. En fait, le chan ge ment par rap port à l’épo que pré cé dente se fait sur tout sen­ tir dans la durée des pério des de décrois sance qui

sont plus lon gues pour de nom breu ses loca li tés et sur tout par un affai blis se ment mar qué de la trame de peu ple ment sur de vas tes par ties de l’espace rural.

FIGURE 3

Pourcentage des loca li tés du Québec de 2 500 habi tants et moins en décrois sance démo gra-

phi que de 1901 à 1991

Sources : Statistique Canada, Recensement de 1961, et Union des municipalités régionales de comté du Québec (UMRCQ), L’atlas de l’évo lu tion démo gra­

phi que des muni ci pa li tés loca les et des muni ci pa li tés régio na les de comté du Québec, 1994.

La décen nie 1961­1971 mérite tout par ti cu liè re­ ment de rete nir l’atten tion. Le nom bre de muni ci pa li­ tés à évo lu tion démo gra phi que néga tive y a atteint un niveau inégalé. Ce fait mar que une modi fi ca tion radi­ cale par rap port aux dix années anté rieu res où le deuxième plus fai ble pour cen tage d’enti tés en perte d’effec tifs de tout le siè cle a été atteint ( tableaux 4 et 1).

TABLEAU 4

Localités de 2500 habi tants et moins en décrois sance démo gra phi que

durant la période 1951-1991

Nom bre de loca li tés

Période en décrois sance Pourcentage des loca li tés1

1951-1961 412 33,3

1961-1971 695 56,2

1971-1981 499 40,4

1981-1986 571 46,2

1986-1991 589 47,7

1. Ces pour cen tages sont cal cu lés en fonc tion des loca li tés de 2 500 habi tants et moins iden ti fiées en 1951.

Source : UMRCQ, L’atlas de l’évo lu tion démo gra phi que des muni ci pa li tés loca les

et des muni ci pa li tés régio na les de comté du Québec, 1994.

Divers fac teurs con cou rent appa rem ment à expli quer la situa tion qui prévaut durant ces années 1961­1971. C’est la période de la Révo lu tion tran­ quille au Québec et des bou le ver se ments et des inno­ va tions se font sen tir dans tous les aspects de la vie socioéco no mi que. En même temps que les villes accen tuent leur déve lop pe ment, le monde rural res­ truc ture ses ins ti tu tions et son éco no mie. Mais c’est une res truc tu ra tion lar ge ment axée sur les con cepts de con cen tra tion, de pola ri sa tion d’indus tria li sa tion et d’urba ni sa tion, c’est­à­dire sur des valeurs liées d’avan tage aux zones à for tes den si tés humai nes. Des gens chan gent d’acti vité et de lieu de séjour non seu­ le ment pour des rai sons éco no mi ques et pour lais ser une agri cul ture peu ren ta ble, mais aussi pour cher­ cher de nou veaux modes de vie plus con for mes aux

114 LedépeupLementrégionaL

1901-1911 0 10 20 30 40 50 60 1911-1921 1921-1931 1931-1941 1941-1951 1951-1961 1961-1971 1971-1981 1981-1986 1986-1991 Pourcentage

valeurs domi nan tes du moment ou pour pro fi ter de diver ses occasions qui s’offrent à eux comme la pos si­ bi lité de se rap pro cher des éta blis se ments de santé ou des ins ti tu tions d’ensei gne ment. Ainsi, la moder ni sa­ tion de l’agri cul ture, qui se tra duit notam ment par une dimi nu tion de 24 % de la super fi cie des ter res agri co les et de 36 % du nom bre de fer mes, s’ins crit­ elle dans un mou ve ment glo bal de trans for ma tion.

C’est tout ce chan ge ment et non seu le ment l’évo lu tion de l’agri cul ture qui expli que le puis sant cou rant d’exode des cam pa gnes qui pré vaut alors et qui amène le Québec en 1971 au plus bas taux de popu la tion rurale de toute son his toire avec 19,3 %. Ce taux sera par la suite à la hausse, mal gré la per sis­ tance de l’exode, et atteindra 22,4 % en 1991. Entre 1961 et 1966, 146 000 per son nes quit tent les 42 com­ tés les plus ruraux et vont pour la plu part s’ins tal ler dans les plus impor tan tes villes et leur pro che péri­ phé rie qui accueillent alors 231 000 arri vants (Robert, 1971). La grande région métro po li taine de Montréal reçoit la majeure par tie de ces migrants.

L’évo lu tion du flux migra toire entre 1931 et 1971 dans les régions de la Gaspésie et du Bas­Saint­ Laurent illus tre bien l’inten sité des chan ge ments qui se sont opé rés entre 1961 et 1971. De 14 000 qu’il était entre 1931 et 1941, le con tin gent des émi grants s’est accru sans cesse pour attein dre 80 000 per son nes dans la décen nie 1961­1971 (Bureau d’aménagement de l’Est­du­Québec, 1966 ; Dugas, 1975). Compte tenu du fort aban don des ter res impro pres à la cul­ ture qui se mani feste alors à ces endroits, la ten ta tion est forte de relier étroi te ment l’émi gra tion à la déprise agri cole. Cependant une étude réali sée sur le sujet (Dugas, 1975) indi que que le con texte agri cole n’est qu’un fac teur d’expli ca tion parmi bien d’autres.

À comp ter de 1971, le dépeu ple ment se pour­ suit à des ryth mes varia bles selon les pério des quin­ quen na les dans la plu part des endroits où il s’est amorcé. Ce sont pour l’essen tiel les milieux où la mise en valeur des res sour ces natu rel les cons ti tue l’une des prin ci pa les bases de l’éco no mie. Ils se situent dans les régions péri phé ri ques et sur les ter res hau tes des Appalaches et du Bouclier canadien. Faibles dis po ni bi li tés et sai son na lité des emplois, pro­ blè mes d’acces si bi lité aux ser vi ces, cli mat d’insé cu rité éco no mi que, forte dépen dance des trans ferts gou ver­ ne men taux et piè tres per spec ti ves d’ave nir cons ti­ tuent les prin ci paux fac teurs de mi gra tion. La grande dépen dance de l’éco no mie aux mar chés exté rieurs et l’évo lu tion cons tante du con texte éco no mi que et sociopoli ti que con tri buent aussi à une fluc tua tion cons tante des taux de décrois sance. Chaque nou veau recen se ment révèle des modi fi ca tions plus ou moins signi fi ca ti ves et qui étaient plus ou moins pré vi si bles. La res truc tu ra tion du peu ple ment se mani feste tout par ti cu liè re ment par une aug men ta tion du nom bre de peti tes loca li tés, la fer me ture de rangs et

de bouts de rangs et l’exten sion et la den si fi ca tion des péri mè tres habi tés dans les villa ges et la pro che péri­ phé rie des peti tes villes. Sous la pres sion des dif fé­ rents cou rants migra toi res qui s’exer cent, tou tes les régions, y com pris cel les en décrois sance comme la Gaspésie et le Bas­Saint­Laurent, ont connu depuis les 30 der niè res années d’impor tan tes modi fi ca tions struc tu rel les qui, dans la plu part des cas, ont accen tué les dis pa ri tés intra ré gio na les. Les sec teurs les plus den ses en ont béné fi cié et ont remo delé et enri chi leur infras truc ture de ser vi ces alors que les zones les plus fai ble ment peu plées se sont ané miées et ont connu une dégra da tion de leurs ser vi ces de base.

La région de l’Est­du­Québec illus tre assez bien ce type de chan ge ment avec une aug men ta tion de 19 loca li tés de 500 habi tants et moins et de 9 loca li tés de 2 001 à 5 000 habi tants entre 1971 et 1991( tableau 5). Le nom bre des pre miè res a pro gressé à la suite de la décrois sance démo gra phi que de cel les qui comptent 501 à 2 000 habitants, tan dis que la deuxième caté go­ rie a lar ge ment pro fité de l’attrac tion exer cée sur les flux migra toi res par une meilleure dis po ni bi lité des emplois et des ser vi ces. Beaucoup de loca li tés ont donc changé de strate de taille démo gra phi que avec tou tes les incidences socioéco no mi ques que cela com porte pour leurs rési dants. L’aug men ta tion du nom bre des plus peti tes com mu nau tés cor res pond à un phé no mène de mar gi na li sa tion obs er va ble dans une vaste par tie de l’espace rural.

TABLEAU 5

Évolution du nom bre des loca li tés de l’Est-du-Québec selon leur taille démo gra phi que entre 1971 et 1991

Taille démo gra phi que

des loca lités 1971 1976 1981 1991

0 à 500 habi tants 32 42 52 51 501 à 1000 habi tants 83 72 63 59 1001 à 2000 habi tants 59 49 44 48 2001 à 5000 habi tants 24 27 38 33 Source : Statistique Canada, Recensements de 1971, 1981 et 1991.

Envisagé à l’échelle des com tés, le chan ge ment devient net te ment plus mar qué entre la seconde et la pre mière moi tié du siè cle et prend même une tout autre dimen sion. Ce ne sont plus trois com tés qui ont moins de monde en fin de période qu’au début, mais plu tôt 23 MRC. Ensemble, leurs effec tifs totaux ont dimi nué de 57 000 per son nes ( tableau 6) com pa ra ti­ ve ment à une perte de 1 963 indi vi dus des trois com­ tés con cer nés lors de la période anté rieure à 1951. Ce défi cit atteint même 88 000 per son nes si on l’éta blit par rap port au plus haut som met atteint dans cha que entité plu tôt qu’en réfé rence à l’année 1951. Cela signi fie que les gains réali sés par les villes et les cen­ tres de ser vi ces furent insuf fi sants pour com pen ser les per tes des peti tes loca li tés. Le dépeu ple ment passe ainsi du niveau des localités à celui des sous­ régions.

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TABLEAU 6

Les MRC qui comp tent moins d’habi tants en 1991 qu’en 1951 et le nom bre des per tes

Nombre des per tes Pourcentage

MRC 1951-1991 des per tes

Kamouraska 529 2,2 La Matapédia 8 905 29,9 La Mitis 4 252 17,4 Les Basques 5 105 33,1 Témiscouata 10 780 31,6 Avignon 689 4,6 Denis-Riverin 86 0,6 Pabok 386 1,7 Charlevoix 200 1,5 Bécancour 594 3,0 Mékinac 2 666 16,3 Asbestos 2 614 14,5 Le Granit 4 038 16,1 Le Haut-Saint-François 2 648 11,3 Le Val Saint-François 2 648 11,3 Vallée de la Gatineau 205 1,1 Pontiac 1 707 10,1 Abitibi-Ouest 825 3,3 Les Etchemins 3 263 14,8 L’Islet 2 810 12,3 Montmagny 1 064 4,0

Source : UMRCQ, L’atlas de l’évo lu tion démo gra phi que des muni ci pa li tés loca les et

des muni ci pa li tés régio na les de comté du Québec, 1994

Toute indi ca tive qu’elle soit, cette vision sur une lon gue période ne laisse voir qu’une facette de la réalité. En effet, d’impor tan tes fluc tua tions d’une décen nie à l’autre inver sent des cou rants d’évo lu tion démo gra­ phi que dans de nom breu ses sous­ régions et modi fient spo ra di que ment la super fi cie des aires en dépeu ple­ ment. Mais, plus impor tant encore, cette ana lyse sur une lon gue période tend à occul ter l’ampleur du dépeu ple ment en cours durant les der niers 30 ans.

Alors qu’il n’y avait que deux divi sions de recen se ment en décrois sance entre 1941 et 1951 et qua tre, les dix années sui van tes, on en dénom bre une qua ran taine entre 1961 et 1971 et entre 1981 et 1991 (figure 4). Les MRC con cer nées ont vu leurs effec tifs dimi nuer de 68 000 per son nes dans la décen nie 1961­ 1971 et de 59 000 dans celle de 1981­1991. Ces chif fres pren nent d’autant plus d’ampleur qu’ils s’appli quent aux par ties de ter ri toire dont la popu la tion est la plus dis per sée et la plus mal dotée en ser vi ces publics.

Ainsi, le pré lè ve ment géné ra lisé et de plus ou moins lon gue durée dans des muni ci pa li tés de tous les sec teurs du ter ri toire se mue en une forte et lon­ gue décrois sance dans les zones les plus fra gi les, les moins poly va len tes et aux struc tures socioéco no mi­ ques les plus inadap tées aux gran des trans for ma tions en cours. Cela crée une nou velle dyna mi que sociospa tiale et éco no mi que géné ra trice d’effets per­ vers qui vont en s’ampli fiant et affec tent même les espa ces con ti gus et la vita lité de leur région d’appar­ te nance. Dans ce con texte, le dépeu ple ment n’est

plus une sim ple carac té ris ti que d’un ter ri toire en

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