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Dépendance de la longueur de la zone plastique avec la lon-

4.2 La zone plastique en pointe de fissure

4.2.3 Dépendance de la longueur de la zone plastique avec la lon-

lon-gueur de la fissure

L’extraction des longueurs de la fissure et de la pseudo-fissure au cours d’une ex-périence a nécessité une analyse des images enregistrées par la caméra. Cette analyse

4.2. La zone plastique en pointe de fissure 87 a été réalisée grâce à un programme codé sous Matlab. De manière très simplifiée, l’image est convoluée par le masque [1 4 -10 4 1] orthogonalement à la direction principale de la fissure. Cette opération revient grossièrement à faire une dérivée se-conde uniaxiale du signal. La sese-conde étape est de sélectionner les zones de l’image convoluée qui sont au-dessus d’une valeur seuil ajustée automatiquement. On sélec-tionne ainsi les zones de type contour d’objet à partir desquelles on construit l’image binaire des contours de la fissure et des zones plastiques. Sur la figure 4.8, on montre en réalité une superposition des images originale et traitée. L’image traitée se résume en fait à un trait noir qui matérialise les contours de la fissure et des zones plastiques.

0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ℓ(cm) ℓpz (c m )

Fig.4.11 – Longueur de la pseudo-fissure ℓpz en fonction de la longueur de la fissure pour trois expériences réalisées dans des conditions expérimentales identiques (ℓi = 1.5cm et F = 900N).

La longueur de la pseudo-fissure, que l’on dira aussi longueur de la zone plastique, ℓpz, qui est définie sur la figure 4.8, est représentée sur la figure 4.11 en fonction de la longueur de la fissure pour trois expériences réalisées dans des conditions expérimen-tales identiques (ℓi = 1.5cm et F = 900N). Au premier regard, les données semblent assez reproductibles d’une expérience à l’autre. Ce n’est pourtant pas vraiment le cas. Pour avoir un regard plus précis, on a représenté sur la figure 4.12 le rapport ℓpz/ℓ en fonction de la longueur de la fissure pour les trois mêmes expériences que celles de la figure 4.11. Il apparaît clairement que ce rapport dépend en fait de l’ex-périence considérée ainsi que de ℓ. Les variations maximales constatées à l’intérieur d’une série d’expériences réalisées dans des conditions identiques (entre 10 et 20 pour chaque condition expérimentale) sont de l’ordre de 10% ce qui reste assez faible mais pourtant remarquable. En jettant un oeil aux temps de rupture correspondants, on peut mettre en évidence une corrélation entre la valeur du temps de rupture et celle du niveau moyen du rapport ℓpz/ℓ. En fait, plus le temps de rupture est grand, plus le rapport ℓpz/ℓ est grand, et ce tout au long de l’expérience. Cette corrélation est assez compréhensible qualitativement. En effet, un temps de rupture important

si-1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2 2.1 ℓ (cm) ℓpz /ℓ Tr

Fig. 4.12 – Rapport ℓpz/ℓ en fonction de la longueur de la fissure pour trois expériences réalisées dans des conditions expérimentales identiques (ℓi = 1.5cm et F = 900N, mêmes expériences que pour la figure 4.11).

gnifie que la dynamique de croissance de la fissure a été lente et a donc laissé plus de temps “à chaque instant” à la zone plastique pour se développer à longueur de fissure fixée sous l’influence du fluage. On étudiera plus en détail cette corrélation plus loin dans le manuscript lors de l’étude détaillée de la dynamique.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, traditionnellement, un moyen de décrire une zone de déformation plastique à la pointe d’une fissure, en particulier la relation entre ℓpz et ℓ, est le modèle de la zone cohésive de Dugdale-Barenblatt. On rappelle que ce modèle prévoit une relation de proportionnalité entre les deux longueurs : ℓpz= 1 cos π σy . (4.1)

Sur les figures 4.12 et 4.13, il apparaît clairement que le rapport ℓpz/ℓ n’est pas constant pendant une expérience à contrainte imposée de telle manière qu’il n’y a pas une relation de proportionnalité entre ℓpz et ℓ comme prédit par l’équation 4.1.

Relativement à cette non-proportionnalité, les corrections au modèle de Dugdale-Barenblatt dues aux effets de taille finie des échantillons (corrections lorsque ℓ n’est pas négligeable devant la hauteur des échantillons) conduisent à une courbure op-posée à celle observée expérimentalement [15]. L’explication la plus simple de cette non-proportionnalité entre les deux longueurs réside dans le caractère hors-équilibre du système que l’on étudie, alors que le modèle de Dugdale-Barenblatt décrit un système à l’équilibre i.e. dans lequel la fissure ne peut pas croître. De manière plus pragmatique, on peut émettre l’hypothèse que les variations du rapport ℓpz/ℓ au cours d’une expérience à contrainte appliquée σ constante sont dues aux variations du seuil d’écoulement σy du matériau avec le taux de déformation local ˙ǫ. En ef-fet, la dynamique de croissance de la fissure change au cours du temps. Les taux

4.2. La zone plastique en pointe de fissure 89 0 2 4 6 8 0 0.5 1 1.5 2 2.5 ℓ (cm) ℓpz /ℓ i= 3cm F = 750N i= 2cm F = 850N ℓi= 1.5cm F = 900N i= 0.5cm F = 1000N

Fig. 4.13 – Rapport ℓpz/ℓ pour quatre expériences réalisées dans des conditions expéri-mentales différentes en fonction de la longueur de la fissure.

de déformation de la matière dans la région de la zone plastique varient donc au cours d’une expérience. La dépendance traditionnelle (en loi d’Eyring) des niveaux en contrainte avec le taux de déformation pourrait expliquer les variations de la contrainte d’écoulement σy et donc celles de ℓpz/ℓ.

La non-proportionnalité des données expérimentales permet d’extraire des infor-mations intéressantes sur la dynamique de croissance grâce au modèle de Dugdale-Barenblatt. En introduisant le rapport ℓpz/ℓ expérimental dans la loi de Dugdale-Barenblatt que l’on aura inversé, on peut estimer la contrainte d’écoulement moyenne σy effective qui agit à l’intérieur de la zone plastique au cours des expériences de croisssance des fissures :

σy = π 2 σ arccos ℓpz . (4.2)

Lors de nos expériences, les valeurs de σy ainsi estimées fluctuent entre 5 107 et 5.6 107N.m−2. En ordre de grandeur, ces valeurs sont en bon accord avec le niveau du seuil d’écoulement plastique σp des courbes contrainte-déformation qui fluctue entre 5.2 107 et 5.6 107N.m−2 lorsque le taux de déformation appliqué varie (cf. sec-tion 3.2.1). Cette échelle de contrainte correspond aussi parfaitement bien à l’échelle de contrainte nécessaire à une croissance “en des temps raisonnables” des bandes plastiques dans les bandes de polycarbonate (cf. section 3.3). Ces dernières re-marques nous laissent penser que l’équation 4.2 constitue une estimation réaliste de la contrainte moyenne intervenant dans la zone plastique. On parle ici d’une contrainte effective en considérant que le matériau garde son épaisseur initiale dans la zone plastique. Ce n’est évidemment pas le cas et la vraie contrainte moyenne dans la zone plastique vérifie :

σpz = e

epz σy (4.3)

Fig.4.14 –Zone de craquelage à la pointe d’une fissure dans un échantillon de PolyStyrène [85].

peut-être pas constant à travers la zone plastique. On peut en effet s’attendre à sa diminution lorsque l’on s’approche de la pointe de fissure. Il n’y a non plus aucune raison pour que la contrainte dans la zone plastique soit parfaitement homogène. L’équation 4.2 pour σy constitue bien une estimation de sa moyenne spatiale.

Ainsi, le modèle de Dugdale-Barenblatt prédit le bon ordre de grandeur pour le rapport des longueurs ℓpz/ℓ décrivant la zone de striction lorsqu’on utilise la contrainte seuil d’écoulement du matériau σp comme contrainte de Dugdale-Baren-blatt. Il faut insister sur le fait que ce n’est traditionnellement pas le cas pour les polymères amorphes [83, 84]. En effet, pour la plupart des polymères, le modèle de Dugdale-Barenblatt est utilisé pour décrire les zones de craquelage (cf. figure 4.14) à la pointe des fissures [85, 86] et non les zones de déformations plastiques. On peut citer l’exemple du PolyMethylMethAcrylate (PMMA) [12, 13], du PolyEtherSulfone (PES) [14] pour lesquels le modèle de la zone cohésive décrit bien la forme et la taille de la zone dite de craquelage (zone de fibrillation du matériau) à la pointe des fissures. On rappelle que la zone de craquelage est structurellement différente d’une simple zone de déformation plastique. On y observe la nucléation de trous dans la matière et l’étirement des fibrilles qui en résulte. C’est la zone où les mécanismes de croissance de la fissure interviennent, i.e. la zone de processus.