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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE SUR L‘ENCOMBREMENT VISUEL DES

2.1 Revue des définitions de l‘encombrement visuel

2.1.6 Dépendance au contexte

La revue des définitions a permis de montrer que l‘encombrement est défini selon plusieurs dimensions, les deux principales étant la densité visuelle, soit le nombre de symboles à l‘écran, et la densité d‘information, soit la présence d‘information non pertinente pour la tâche. Le contraste entre ces deux dimensions fait ressortir l‘opposition pour la définition d‘un phénomène par une approche ascendante (bottom-up approach), soit selon les propriétés de l‘affichage comme le nombre de traits et de symboles, et suivre une approche descendante (top-down approach), soit en fonction des connaissances de l‘opérateur sur l‘organisation de l‘information à l‘écran. Cette revue de littérature a permis de montrer que les deux facteurs (densité visuelle et densité d‘information) contribuent à la perception d‘encombrement de l‘écran et doivent donc être présents dans la définition du phénomène.

Dans un effort pour rejoindre les deux visions contrastées de la surcharge d‘information (information overload) comme tirant sa source soit des propriétés de l‘écran ou de la pertinence de l‘information pour l‘opérateur, Woods et ses collègues ont mis de l‘avant le rôle clé que joue la relation entre l’affichage et son utilisateur (Woods, Patterson, & Roth, 2002). Ce qui donne la pertinence à un élément d‘information à l‘écran, expliquent Woods et ses collègues, dépend du contexte de la tâche, de l‘affichage et des attentes, intentions et intérêts de l‘utilisateur.

Illustrons ce propos avec le système d‘alarmes de l‘équipage (Crew alerting system, CAS) présent à bord de l‘avion (voir Figure 2.1). Si un message d‘alarme apparaît en vol indiquant une faille des pompes hydrauliques, cela peut signifier que les pompes sont effectivement inopérantes; qu‘il y a un problème avec le détecteur des pompes si le même message apparaît à nouveau malgré que l‘on ait suivi la bonne procédure de résolution du problème; ou une situation plus dangereuse si le même message apparaît simultanément avec d‘autres messages d‘alarmes. Le message d‘alarme a une signification radicalement différente en fonction du contexte dans lequel il apparaît.

Figure 2.1 Le même message prend une signification radicalement différente s'il (a) apparaît seul ou (b) simultanément avec d‘autres messages d‘alarmes.

En ce sens, l‘encombrement visuel n‘est pas seulement une propriété de l‘écran, mais plutôt le résultat d‘une conception qui empêche l‘utilisateur de concentrer son attention sur les groupes d‘informations pertinents en fonction du contexte particulier (Woods et al., 2002). Toujours selon

Woods et ses collègues, diminuer l‘encombrement en réduisant le nombre de symboles à l‘écran ou en présentant moins d‘information à l‘utilisateur fait fi de la dépendance au contexte. La théorie de la Gestalt nous apprend que plus de symboles à l‘écran, si ceux-ci sont bien intégrés et présentent une forme unie plutôt qu‘un agrégat de traits, permet de diminuer la perception d‘encombrement (Wertheimer, 1938). Cet aspect est absent des théories limitant le champ d‘étude de l‘encombrement à celui de la densité visuelle.

La dépendance au contexte est absente des définitions précédentes de l‘encombrement mettant l‘importance sur le nombre de symboles à l‘écran. Clairement, elle doit être mentionnée dans la définition de l‘encombrement.

2.1.7 Synthèse

Cette revue de littérature a permis de montrer qu‘il existe plusieurs définitions de l‘encombrement visuel d‘un affichage. La densité visuelle et la densité d‘information sont les deux principaux contributeurs de l‘encombrement identifiés par les études précédentes (Alexander et al., 2008; Kaber et al., 2008). Nous avons aussi montré que la dépendance au contexte est absente des définitions existantes.

Il est pertinent de faire un choix stratégique dans la définition pour retenir les éléments pertinents à notre sujet d‘étude. Comme le soulignent avec justesse Kim et ses collègues, à défaut d‘avoir une définition suffisamment restreignante, tous les symboles qui ne sont pas satisfaisants à l‘œil du pilote pourront être décrits comme ajoutant à l‘encombrement (Kim et al., 2011). Cette thèse étudie l‘encombrement visuel d‘un affichage PFD tête basse. À ce titre, la définition de la circulaire AC 25-11A, présentée à la section 2.1.5, est la plus pertinente à ce travail. Toutefois, la définition gagnerait à faire référence à l‘organisation de l‘écran et au contexte de la tâche.

Deux autres observations sont de mise avant d‘énoncer une nouvelle définition. Premièrement, le mot « encombrement » a une connotation négative dans le langage courant. Il en est de même avec son équivalent anglais clutter. D‘un point de vue scientifique, il serait préférable d‘utiliser un mot neutre pour décrire une interface. On pourrait lui privilégier les termes densité visuelle, densité d‘information, poids visuel ou charge visuelle. Toutefois, le terme anglais visual clutter est désormais largement utilisé dans la communauté des facteurs humains et particulièrement en aérospatial; la circulaire AC 25-11A et le standard militaire MIL-STD 1787B l‘utilisent tous

deux. C‘est pourquoi nous utiliserons aussi le mot encombrement, non sans avoir énoncé cette précaution.

Deuxièmement, nous privilégions étudier l‘encombrement comme une propriété de l‘affichage et comme la relation entre l‘utilisateur et l‘affichage. Cela permet de décrire l‘état d‘encombrement d‘un affichage, par exemple en quantifiant la densité de symboles ou la variété de couleurs à l‘écran, sans faire abstraction du fait que l‘affichage est conçu pour réaliser une ou plusieurs tâches par son utilisateur. Cette perspective se veut un compromis entre les visions de l‘encombrement basées exclusivement sur le format de l‘écran et celles basées sur les connaissances de l‘utilisateur.

Nous proposons donc la définition suivante pour l‘encombrement visuel :

L‘encombrement visuel est l‘état d‘un affichage présentant au moins l‘une des trois conditions suivantes : (1) une abondance ou une variété de symboles ou de couleurs, (2) une information jugée comme non pertinente pour la tâche et le contexte, (3) un manque d‘organisation et de structure. L‘évaluation de l‘encombrement visuel doit tenir compte du contexte d‘utilisation et de la tâche de l‘opérateur.