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II. Un monde organisé et régi par une administration et des lois

1) Une démonstration de force: le cas du territoire des centaures 45

Nous avons mentionné plus haut que le gouvernement a créé des réserves naturelles où les Moldus n’ont pas accès, afin de cacher les populations de licornes, êtres de l’eau et centaures pour ne citer qu’eux.

Cette mesure s’étend au-delà du territoire de Grande-Bretagne :

«Dans tous les pays où ils sont présents, les autorités magiques leur ont réservé des territoires auxquels les Moldus ne peuvent avoir accès [...]» (AFVH, p.48)

Cette mesure est d’abord un moyen de respecter l’article 73, mais c’est également une façon de protéger les espèces, en leur assurant un territoire adapté à leurs besoins. Cependant, Harry Potter et l’Ordre du Phénix pose une nouvelle problématique avec l’arrivée du nouveau professeur de défense contre les forces du mal : Dolores Ombrage. Elle est décrite comme détestant les hybrides, c’est-à-dire les créatures ayant au moins un ancêtre non-humain. Elle n’hésite pas à rappeler aux centaures que c’est le gouvernement qui leur octroie des territoires, et qu’il peut donc les restreindre ou les supprimer à loisir.

«— Votre forêt ? s’exclama Ombrage qui, à présent, ne tremblait plus seulement de peur mais également d’indignation. Je vous rappelle que vous vivez ici simplement parce que le ministère de la Magie vous autorise à disposer de certains territoires...» (V, 33)

Dans le cinquième film, il est dit que les relations entre centaures et sorciers se compliquent lorsque le Ministère réduit le territoire des centaures, sans raison apparente ni concertation préalable. Il s’agit là d’une discordance entre le livre et l’adaptation cinématographique puisque cet aspect n’est pas mentionné dans l’heptalogie. Cependant, il y a fort à parier que le gouvernement en place à cette époque n’hésiterait pas à faire du chantage aux espèces auxquelles il a alloué des terres.

La position des centaures dans la société est tristement ironique : ils ont initialement été classés comme des êtres par le Ministère de la Magie, ce qui, rappelons-le, implique selon la définition qu’ils sont «d’une intelligence suffisante pour comprendre les lois de la communauté magique et pour prendre une part de responsabilité dans l’élaboration de ces lois». Bien qu’ils aient eux-mêmes décidé d’appartenir à la catégorie des animaux, ils sont mis à l’écart de toute prise de décision les concernant. Des sorciers haut placés au sein du Ministère n’hésitent pas à les réduire à leur statut d’animaux, comme le fait Ombrage :

«— Répugnants hybrides ! hurla Ombrage, les mains toujours crispées au-dessus de sa tête. Espèces de bêtes sauvages ! Bandes d’animaux déchaînés !» (V, 33)

Le Ministère est donc systématiquement en position de force par rapport aux espèces non-humaines qui subissent les décisions politiques.

2) Un système judiciaire partial dans un contexte politique dictatorial : le cas du procès de Buck

Valère Ndior, professeur de droit public à l’université de Bretagne Occidentale à Brest, et Nicolas Rousseau, chargé d’enseignement en droit public, sont à l’origine du projet de blog "Harry Potter et le droit", qui a ensuite donné naissance au livre Le Droit dans la saga Harry Potter. Ce blog rassemble les réflexions menées par des Doctorants en droit, des avocats, des juristes et des maîtres de conférences sur divers aspects juridiques de l’univers de J.K.Rowling.

L’article La justice magique d’Antoine Jamet (Jamet 2016), Doctorant en droit public à l’université Paris-Saclay, pointe du doigt l’absence de séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires dans le monde magique. Il n’est jamais fait mention de l’existence d’un Parlement ou d’une instance qui puisse lui être assimilée, ni d’une quelconque institution qui puisse remettre en cause les agissements du gouvernement. Si le modèle de la dictature ne saute aux yeux des lecteurs qu’à partir du tome VI où Voldemort prend les pleins pouvoirs, ce problème se pose en réalité dès le début de la saga. Le Ministre de la Magie a la main-mise sur toute l’organisation du monde magique, que ce soient les lois, l’éducation, la justice,… La neutralité du système judiciaire est notamment remise en cause dans le tome V, lorsque Harry est convoqué en audience disciplinaire après avoir fait usage de la magie devant son cousin Moldu. C’est Cornelius Fudge, le ministre en personne, qui préside l’audience alors que Harry est à ce moment l’un de ses principaux opposants politiques (pour rappel, Harry tente de prévenir la communauté magique du retour de Voldemort, alors que Fudge affirme le contraire par peur des conséquences).

Après l’attaque de Drago Malefoy par l’hippogriffe Buck dans le tome III, Lucius, le père de Drago, porte plainte.

« Nous avons en effet décidé de retenir la plainte de Mr Lucius Malefoy et de porter l'affaire devant la Commission d'Examen des Créatures dangereuses. […] La lettre était signée par les membres du conseil d'administration de l'école.» (III, 11)

Nous apprenons alors que la plainte est approuvée par le conseil d’administration de Poudlard. Or, Lucius est membre de ce conseil (II, 12).

De fait, Lucius est à la fois plaignant et juge dans cette affaire :

«Ensuite, Lucius Malefoy s'est levé, il a prononcé son discours et la Commission lui a obéi au doigt et à l'œil…» (III, 15)

L’absence de séparation des pouvoirs laisse également place à la corruption. Hagrid assure à de nombreuses reprises que «Lucius Malefoy tient cette commission dans le creux de sa main.» (III, 15), qu’il a probablement proféré des menaces envers les membres de la Commission d’Examen des Créatures dangereuses. De plus, il indique que «Macnair, le bourreau, est un vieil ami de Malefoy...» (III, 16).

L’organisation plus que discutable du système judiciaire magique a de lourdes conséquences sur le monde animal, puisque malgré un recours en appel, la plainte de Lucius aboutira à la condamnation à mort de l’hippogriffe par décapitation.

3) Les intérêts des sorciers dissimulés derrière la