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3.6 ] Démonstration expérimentale du phénomène de dépolarisation

Chapitre II Développement d’applications tout-optiques basées sur

II. 3.6 ] Démonstration expérimentale du phénomène de dépolarisation

Afin de confirmer les prédictions théoriques précédentes, une série d’expériences a été effectuée sur la fibre 1. Le signal injecté dans la fibre est un signal incohérent de 100 GHz avec un SOP arbitraire fixe et une puissance moyenne PS(0) = 15 dBm. Les performances du brouilleur sont tout d’abord caractérisées par le degré de polarisation (DOP) en fonction du coefficient d’amplification ρ. Le DOP, calculé à partir de la formule (I.32), permet ici de quantifier l’efficacité du brouillage de la polarisation du signal s(L,t) sur la sphère de Poincaré. Comme le montre la Figure II.18 suivante, lorsque le système est dans le régime d’attraction, ρ < ρA, le DOP du signal en sortie de fibre très proche de 1, ce qui correspond à un SOP de sortie constant dans le temps, et donc à un signal polarisé. Le DOP commence à diminuer lorsque ρ ≈ 8, en parfait accord avec les prédictions théoriques pour ρA. Quand ρ > 8, le système entre dans le régime transitoire. Dans ce régime, de petites variations de ρ peuvent entrainer des trajectoires temporelles du SOP de sortie qui peuvent recouvrir partiellement (Figure II.17(b)) ou presque complètement (Figure II.17(e)) la sphère de Poincaré. Pour cette raison, une évolution inhomogène de la courbe de DOP peut être observée Figure II.18.

Figure II.18 : Courbes de DOP en fonction du coefficient d’amplification ρ. (cercles noirs) valeurs expérimentales. (lignes continues colorées) 3 solutions numériques du système d’équations (2.2) pour 3 s(0,t) et une matrice de rotation R aléatoires. Résultats obtenus avec la fibre 1 et un signal continu polarisé aléatoirement de puissance moyenne PS(L) = 13.9 dBm. Simulations numériques réalisées par M. Guasoni.

Pour des valeurs plus grandes de ρ, typiquement plus grandes de ρC = 5ρA = 40, le système entre dans un régime de brouillage chaotique de polarisation. Les valeurs expérimentales du DOP restent inférieures à 0.3 qui est la valeur en dessous de laquelle le brouillage est efficace et permet de recouvrir intégralement la sphère de Poincaré.

En particulier, chaque séquence s1, s2, et s3, est caractérisée par des autocorrélations qui tendent rapidement vers 0, indiquant qu’elle ne présente pas de séquences répétitives et

déterministes, en accord avec les prédictions théoriques. Il est important de noter que, contrairement au régime transitoire, dans le régime chaotique la dynamique du s(L, t) ne dépend plus ni du s(0, t), ni de la matrice de rotation R. En effet, une variation de ces deux paramètres produit simplement une trajectoire apériodique différente du s(L, t). C’est pour cette raison, que les courbes numériques du DOP (lignes continues) ne présentent pas de différences majeures lorsque ρ > ρC.

Le système devient également indépendant de la puissance moyenne d’entrée, mais en pratique nous avons observé que plus la puissance d’entrée est grande (20-25 dBm) et plus il devient facile de faire basculer le système dans le régime chaotique. En effet, quand le système fonctionne avec des puissances d’entrée aux alentours de 0-10 dBm, il devient nécessaire d’ajuster le contrôleur de polarisation CP2 pour forcer le système à basculer dans une région chaotique instable.

De plus, nous avons également observé que, pour des valeurs typiques de la puissance utilisées dans nos expériences, le phénomène de dépolarisation ne se produit pas si la pompe contrapropagative est une onde externe générée indépendamment du signal incident à la fibre optique. Ceci indique clairement que l’instabilité du système est fondamentalement reliée à l’effet de retour imposée par la boucle de réinjection du système.

Les dynamiques du système sont encore plus flagrantes lorsqu’elles sont caractérisées dans le domaine spectral. Pour cela, nous avons calculé les transformées de Fourier des séquences temporelles des paramètres de Stokes du s(L, t). Les panels (b) de la Figure II.19 représentent les spectres fréquentiels obtenus avec des coefficients d’amplification ρ = 0, 8, 16, 24, 40, et 160, permettant d’observer distinctement les 3 régimes de fonctionnement du brouilleur de polarisation, avec leur sphère de Poincaré correspondante panels (a) :

 Si PJ(L) < 23 dBm (ρ < ρA = 8), le système est dans le régime d’attraction, le spectre présente ainsi toujours un seul pic centré à f = 0 kHz (DOP = 1), correspondant à une valeur constante dans le temps et donc à un SOP de sortie constant (panel (b1)).

 Si 23 dBm < PJ(L) < 30 dBm (ρA < ρ < ρC), le régime transitoire est atteint et comme cité précédemment, 3 dynamiques différentes peuvent se manifester : soit une attraction à travers un point stationnaire instable (illustré uniquement Figure II.17(d) pour ne pas encombrer davantage la Figure II.19), soit une trajectoire périodique (panels (b2, b3)) qui correspond à des pics fins également espacés dans le spectre, soit une trajectoire semi-chaotique pour laquelle le spectre commence à s’élargir (panel b4)).

 Si PJ(L) > 30 dBm (ρ > ρC = 40), le spectre s’élargit de plus en plus jusqu’à former un continuum de fréquences et ne présente plus de composante discrète. Cet élargissement est la signature du comportement chaotique de la polarisation du signal (panels (b5, b6)).

Figure II.19 : Phénomène de dépolarisation du signal s(L, t) observé (a) sur la sphère de Poincaré, (b) dans le domaine spectral, et à travers les fonctions des densités de probabilité (PDF) des paramètres de Stokes (c) s1, (d) s2, et (e) s3, avec un coefficient d’amplification ρ = (1) 0, (2) 8, (3) 16, (4) 24, (5) 40, et (6) 160.

Des résultats similaires peuvent être observés dans la référence [96], où le brouilleur de polarisation consistait en un contrôleur de polarisation à boucles de Lefèvre implanté dans une boucle et permettant un brouillage de la polarisation d’un signal modulé d’environ 100 kHz.

Les panels (c, d, e, 1-6) représentent les densités de probabilité (PDF, « probability density function ») des trois composantes de Stokes normalisées s1, s2, et s3 de s(L, t). On peut observer que lorsque le système est dans le régime chaotique, les trois composantes

(a1) (b1) (c1) (d1) (e1) (a2) (b2) (c2) (d2) (e2) (a3) (b3) (c3) (d3) (e3) (a4) (b4) (c4) (d4) (e4) (a5) (b5) (c5) (d5) (e5) (a6) (b6) (c6) (d6) (e6)

présentent une PDF quasiment uniforme (autour des 5%, panels c6, d6, e6), apportant une preuve supplémentaire que la polarisation du signal évolue bien à travers tous les états de polarisation sur la sphère de Poincaré. Une répartition parfaitement uniforme de la PDF correspond à un DOP = 0, néanmoins dans notre cas le DOP > 0, mais reste < 0.2 pour des valeurs élevées de ρ.