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Ce chapitre est à la fois introductif et présentatif de ce que peut offrir la littérature existante portant sur les démonstratifs anglais. C’est délibérément que ne sont pas exposées

ici les théories cognitives issues du courant américain, les théories fonctionnalistes, ainsi que les écoles alliant ces deux versants, à la faveur des cadres épistémologiques ‘classiques’ – ici compris comme ‘fondamentaux’ – qui permettent de dégager certaines propriétés des

démonstratifs, du syntagme nominal (désormais SN) et du langage en général. Ainsi, ce chapitre présente les démonstratifs en tant qu’objets syntagmatiques, syntaxiques et

opératoires par le parcours des courants de pensée structural (section 1), génératif (section 2) et énonciatif (section 3).

Le système des démonstratifs en anglais est composé de this et that pour les formes au singulier, these et those pour celles au pluriel. Si cet ensemble restreint comprend à la fois les déterminants et les pronoms démonstratifs, il est à noter qu’un troisième élément issu du

vieil-anglais, yon (« that thing over there » ; cf. Britain, 2007 ; Kortmann & Upton, 2008), perdure

aujourd’hui dans les textes poétiques ainsi que dans certaines variétés de l’anglais. This, that, these et those appartiennent à la classe grammaticale des formes en th-, dont la consonne d’attaque est invariablement la fricative voisée /ð/. Notons ici que that [ðæt] est distingué de that [ðət], dont la forme phonologique correspond au complémenteur – I didn’t know that he was coming ; he is the only student that I know. Nous pourrons constater en section 3.2.3.1 que cette particularité du /ð/ à l’initiale, loin d’être anodine, est un élément central de l’analyse des démonstratifs dans certaines théories énonciatives ; mais, tout d’abord, nous

souhaitons dresser un portrait structural des démonstratifs en anglais.

1. L’analyse structurale des démonstratifs en anglais

Les courants structuraliste et distributionnaliste (Bloomfield, 1933) permettent

l’émergence du SN, ayant le nom comme noyau, auquel sont adjoints1

un ou plusieurs constituants, dont les déterminants. Les démonstratifs sont eux communément divisés en deux

1 Adjoi t est i i a ept da s so se s le plus g al, sa s disti tio au u e e t e adjoi t/fa ultatif et d pe da t/o ligatoi e .

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catégories : les déterminants démonstratifs, qui accompagnent un groupe2 lexical, et les pronoms démonstratifs, qui, comme ce terme l’indique, remplaceraient un nom ou un SN. En

anglais, déterminants et pronoms partagent les mêmes formes, et sont par conséquent non

distinguables d’un point de vue morphologique :

(1) Give me that book (déterminant) (2) Give me that (pronom)

Ceci n’est pas le cas dans toutes les langues ; en français, par exemple, les déterminants

démonstratifs (ce, cette) se différencient des pronoms (celui-ci, celui-là ; ceci, cela ; ça). Dans certaines langues comme le turc, les deux catégories partagent la même forme (bu), mais se distinguent par leur comportement flexionnel : les pronoms démonstratifs sont marqués suivant le cas et le genre, tandis que les déterminants sont, eux, invariables, et accompagnent un nom fléchi (exemples issus de Kornfilt, 1997 : 312, 315) :

(3) Ali bun-u unut-ami-yor. Ali this-ACC forget-not-PROG (‘Ali ne peut pas oublier ceci’)

(4) Bu gazete-yi

This newspaper-ACC (‘ce journal’)

Pourrions-nous donc supposer que déterminants et pronoms démonstratifs appartiennent à la même catégorie en anglais ? Nous serions encline à répondre que la réponse est non. En effet,

tout comme l’anglais, d’autres langues ne distinguent pas leurs déterminants et pronoms démonstratifs, d’un point de vue morphologique. Le tuscarora3

, par exemple, possède deux démonstratifs, kyè:ni:kӛ: (this/these) et hè:ni:kӛ: (that/those), utilisés en tant que pronoms et

déterminants. Cependant, lors de ce dernier emploi, le démonstratif et le groupe nominal qu’il

accompagne sont reliés de manière faible, pourrait-on dire : la position qu’ils occupent l’un par rapport à l’autre est flexible (exemples (5a) et (5b)), et une rupture prosodique peut

2 G oupe le i al ou g oupe o i al d sig e le « nom + modifieurs éventuels », ta dis ue s tag e o i al sig ale l e se le o plet « déterminant + nom + modifieurs éventuels ». Il est à ote u e a glais, le d te i a t peut t e l l e t z o ø.

3 Le tuscarora est une langue iroquoienne du Nord parlée dans l'État de New York et en Ontario sur la réserve des Six-Nations.

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survenir lorsque tous deux sont juxtaposés (exemple (5c)) (exemples issus de Mithun, 1987 : 184, 186) : (5) a. hè:ni:kӛ: àha:Ɵ that horse (‘ce cheval’) b. uʔné:wa:k hè:ni:kӛ: ghost that (‘ce fantôme’)

c. waʔtkahà:hi:Ɵ hè:ni:kӛ: (…) ruyaʔkwàhehr it.met.it that (…) he.body.carries (‘il a rencontré ce dinosaure’)

En anglais, la situation est tout autre : le déterminant démonstratif occupe une position fixe

par rapport au groupe lexical qu’il accompagne, et tous deux partagent le même contour

mélodique. De plus et à l’inverse des pronoms, les déterminants requièrent la présence d’un

élément lexical, sont défocalisés, voire clitiques dans certaines langues – les articles en

français par exemple –, et peuvent présenter un phénomène d’incorporation, comme l’élément au qui est composé de la préposition à associée à l’article le. Par conséquent, déterminants et pronoms démonstratifs en anglais sont en relation paradigmatique avec d’autres éléments qui

appartiennent à des catégories différentes : les déterminants démonstratifs occupent la même place syntaxique que les articles et les déterminants possessifs, tandis que les pronoms démonstratifs relèvent du même paradigme que d’autres pronoms. Pour toutes ces raisons,

nous pourrions trouver légitime de penser que déterminants et pronoms démonstratifs en anglais appartiennent à deux catégories différentes, bien que non distinguables d’un point de

vue morphologique. Nous reviendrons sur la catégorisation des déterminants et pronoms démonstratifs lors de leur analyse syntactico-sémantique dans les chapitres VII et VIII.

D’autre part, les déterminants démonstratifs ne sont plus considérés comme des

adjectifs (bien que cette appellation persiste chez certains linguistes, comme dans les écrits de Kleiber par exemple, peut-être par respect de la tradition4). En effet, les déterminants

4Le te e déterminant e ta t ue « mot précédant le substantif, de même genre et de même nombre que lui, qui le caractérise, en précise la valeur dans la phrase » fait son entrée dans la neuvième édition de la

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indiquent un mode d’accès à la référence*, mais ne modifient pas le référent* en tant qu’altération de sens*. Ces deux catégories se doivent par conséquent de rester distinctes. En

anglais, les déterminants démonstratifs se distinguent des autres déterminants – article défini,

déterminants possessifs – par la marque du nombre selon le nom qu’ils accompagnent – this/that + nom au singulier, these/those + nom au pluriel – et, comme nous l’avons déjà

souligné, par leur capacité à agir seuls en tant que SN ; de cette dernière propriété se dégagent

les déterminants et pronoms démonstratifs, mentionnés comme ‘pronoms’ et ‘pronoms sans nom’5

(Jespersen, 1933), ou comme ‘adjoints’ et ‘têtes’ (Strang, 1968). Notons ici la présence

dialectale de them en instance de those, attestée dans de nombreuses régions de l’Angleterre

(cf. Britain, 2007 ; Kortmann & Upton, 2008).

THIS et THAT6, déterminants et pronoms, appartiennent à la même catégorie indexicale que les adverbes here et there, now et then, qui sont des déictiques* (cf. entre autres Jespersen, 1933 ; Strang, 1968). Du grec ancien deiktikos (‘action de montrer’), les déictiques sont intimement liés à l’acte énonciatif afin de pouvoir être référentiellement interprétés. En d’autres termes, here et there ne pourront désigner un « ici » et un « là » qu’en fonction d’un centre locatif (hic7

), now et then seront interprétables grâce à un ancrage temporel (nunc) ; les déictiques n’ayant pas de signifié fixe, ces items sont parfois appelés ‘embrayeurs’ – ‘shifters’ en anglais. A ce système hic et nunc s’ajoute un troisième point de

référence, le locuteur/scripteur je. Ainsi, ce hic/nunc/je représente un espace vectoriel dont le locuteur/scripteur je est le ‘centre déictique’, ou origo (Bühler, 1934[2009]). Au sein de cet

espace déictique, THIS et THAT auront la fonction prototypique de désigner des « choses »,

ostension souvent accompagnée d’un geste déictique, généralement un signe du doigt, de la

tête, ou du regard. Il est à noter que THIS marque la proximité, et THAT l’éloignement (cf.

5 Dans sa théorie des rangs, Jespersen distingue parties du discours et syntaxe, et propose une classification selon trois rangs – rang 1, rang 2, rang 3 : « Dans la combinaison extremely hot weather te ps e t e e t haud , le dernier mot, weather te ps , ui ep se te ide e t l id e p i ipale, peut t e d signé comme de rang 1 ; hot haud , ui d fi it weather, est alors de rang 2, et extremely extrêmement , qui définit hot, de a g . ... Il est i utile de disti gue plus de t ois a gs, a il e iste au u t ait, fo el ou autre, qui permette de disti gue es ots d u ang inférieur des mots de rang 3 » (Jespersen, 1971). Ainsi, le pronom démonstratif serait de rang 1, tandis que le déterminant démonstratif serait de rang 2.

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THIS et THAT écrits en lettres majuscules signalent que nous incluons les formes déclinées sans les énumérer.

7 Tout au long de cette thèse, hic/nunc, here/there et now/then seront tour à tour employés pour renvoyer aux repères spatio-temporels.

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entre autres Jespersen, 19338 ; Tellier, 1971 ; Halliday & Hasan, 1976). Cette distance relative est souvent perçue comme relevant du domaine spatial, mais peut également être décrite en

termes d’affectivité ou de rejet en faveur du référent évoqué (Zandvoort, 1970). Strang (1968) avance l’idée de this comme étant le membre marqué* de la paire this/that, notamment pour

des raisons de substitution – en théorie, chaque occurrence de this peut être remplacée par that, mais pas l’inverse. Nous mentionnons ici cette notion de marque plus ou moins distale sans plus l’expliciter, mais nous aurons le loisir d’approfondir cette relation de ‘distance’ dans

les chapitres VII et VIII. Notons cependant que l’association de THIS/THAT (ou d’autres

déictiques tels que les pronoms personnels de troisième personne) et du geste déictique ne désigne pas forcément l’« objet » physiquement montré (le demonstratum), mais constitue

parfois un point de départ à l’identification du référent. Mentionnons ici les exemples bien

connus de Nunberg (1993 : 42) et de Kleiber (1994), reproduits en (6) et en (7) :

(6) The ham sandwich is sitting at table 7.

(7) [A s’adresse à B, désignant du doigt le chapeau d’un homme, ce dernier étant absent]

Il avait une grosse tête.

The ham sandwich en (6) réfère au « client du restaurant », il en (7) désigne un chapeau (le demonstratum) mais réfère à « l’homme qui portait ce chapeau » ; ces cas d’ostension sont appelés ‘deferred reference’, depuis les travaux de Quine (1971). La notion de deixis* va de pair avec celle d’anaphore* : si la deixis sert à désigner un « objet », l’anaphore est utile pour

reprendre un « objet » déjà mentionné. Une conception traditionnelle de l’anaphore la définit

comme étant un rapport de dépendance entre deux unités linguistiques, la première – appelée ‘antécédent’*, ‘interprétant’ (Ducrot & Todorov, 197β : 358), ‘référent’ (Dubois, 1965), ou encore ‘source sémantique’ (Tesnière, 1959[1988] : 87) – étant nécessaire à l’interprétation de

la seconde – l’‘anaphorique’*. Selon cette conception, la deixis et l’anaphore seraient en

opposition, la deixis – également connue sous le nom d’‘exophore’* – référant à l’‘extralinguistique’, l’anaphore – parfois nommée ‘endophore’* – étant une manifestation textuelle. Il existe cependant une approche différente de la deixis et de l’anaphore, avancée dans les travaux de Lyons en particulier (1977), où l’anaphorique ne reprend pas un

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Jespersen remarque que la notion de proximité ou de distance se reflète en phonologie, this [ðIs] comportant une voyelle haute fermée, that [ðæt] une voyelle basse ouverte, tout comme ici [isi] et là [la] en français (Jespersen, 1933 : 157).

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antécédent textuel, mais réfère à l’entité discursive générée par cet antécédent textuel. Ainsi, la deixis et l’anaphore réfèrent toutes deux à des objets du discours, mais la distinction entre

univers extralinguistique et texte* disparaît : l’anaphore, contrairement à la deixis, présuppose l’existence d’une entité* discursive au sein de l’univers du discours*. L’anaphore serait donc

un procédé dérivé de la deixis, celle-ci étant première, tant au niveau du développement

historique de quelque langue donnée, qu’à celui de l’acquisition du langage. Nous reviendrons sur les notions de deixis et d’anaphore dans le chapitre IV. THIS et THAT peuvent donc être employés comme anaphoriques. Néanmoins, Jespersen remarque que l’effet de ‘monstration’ est annihilé lors d’une reprise effectuée par l’un ou l’autre des démonstratifs, au profit d’une simple fonction de ‘représentation’, qui peut être celle d’un objet stable ou d’une action,

auquel cas le pronom démonstratif « remplace une proposition » (Jespersen, 1933 : 158).

2. Le traitement des démonstratifs anglais dans un cadre génératif moderne

La linguistique générative émerge dans les années 50 avec les travaux de Chomsky (Syntactic Structures, 1957) et va par de nombreux côtés à l’encontre du distributionnalisme

de Bloomfield. Si ce dernier est fortement influencé par le behaviourisme, Chomsky envisage la capacité de langage comme innée. Ce raisonnement naît de plusieurs observations, parmi lesquelles la faculté qu’ont les enfants de produire des phrases construites selon des règles syntaxiques précises, sans que personne ne les leur enseigne. Ainsi, Chomsky pense qu’en tout être humain est intégré le savoir tacite d’un ensemble fini de règles formelles à partir

desquelles est productible une infinité de phrases9 bien formées. Dès lors, Chomsky distingue

la ‘compétence’ langagière, qui est le savoir-faire linguistique d’un locuteur idéal, de la ‘performance’, qui est le résultat observable de la production langagière. Ainsi, l’énoncé

perçu par un destinataire quelconque est le produit d’une série de transformations appliquées à

la structure de base, origine de cet énoncé. Ces structures – ‘structure de surface’ correspondant à l’output perçu, ‘structure profonde’ correspondant à l’agencement

fondamental – ainsi que les transformations opérées sont représentées de manière formelle, sous forme linéaire ou sous forme d’arbre syntaxique. La conception chomskyenne de la

production langagière trouve ses fondements dans la logique mathématique, plus particulièrement dans la théorie des automates et celle des systèmes formels. Ainsi, toute

9Nous e plo o s i i le te e de ph ase e f e e au a al ses g ati es. Nous d att o s de la fo e canonique de la phrase et des modifications terminologiques et conceptuelles à apporter dès lors que nous passo s à l tude de do es authe ti ues dans le chapitre VI.

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phrase jugée syntaxiquement incorrecte en sortie est mal formée et exclue (‘ruled out’). La

théorie développée par Chomsky connaît plusieurs étapes successives, mais a toujours

conservé la syntaxe au centre de ses préoccupations, dans le but ultime d’extraire des règles

communes à toutes les langues du monde – la bien nommée Grammaire Universelle* (GU).

Néanmoins, la Théorie X-barre (Jackendoff, 1977), au cœur de la Théorie du Gouvernement

et du Liage* (Chomsky, 1981), est une version remaniée et améliorée de l’analyse en

constituants immédiats proposée par la Théorie Standard* (Chomsky, 1965), ou TS, et la Théorie Standard Etendue* (Chomsky, 1972), ou TSE, de la Grammaire Générative (désormais GG). En effet, la TS et la TSE stipulent que les unités syntaxiques complexes –

syntagmes, propositions, phrases – sont composées d’unités plus simples, le dernier niveau

étant constitué des items lexicaux ; très vite, il est constaté que ces règles de réécriture* ne permettaient pas de rendre compte du fait des principes universaux régissant les langues naturelles. La Théorie du Gouvernement et du Liage est une théorie des principes universaux qui alimentent la GU et des paramètres qui satisfont ces principes. Ainsi, le principe de projection permet de rendre compte du fait que les informations lexicales –

sous-catégorisation, rôle sémantique – sont conservées dans les dérivations syntaxiques. De plus, la

GU est composée d’un jeu de six modules (cf. Fodor, 1983) – dont le module X-barre,

constitué des règles de réécriture telles que présentes dans la TS et la TSE – connectés par un

ensemble de paramètres. Quatre niveaux de représentation linguistique sont pris en compte dans ce modèle : la ‘structure-D’ ou ‘structure profonde’ qui schématise la structure fondamentale de la phrase, la ‘structure-S’ ou ‘structure de surface’ qui figure la structure superficielle de la phrase, la ‘forme phonétique’ et la ‘forme logique’, sorties de la

structure-S. Le module X-barre génère la structure profonde de la phrase.

2.1. L’analyse des syntagmes dans la Théorie X-barre ‘classique’

Dans un premier temps, et ce afin de bien cerner ce qu’est la Théorie X-barre dans son

ensemble, regardons les exemples suivants, qui illustrent quatre types de syntagmes :

(8) The picture of John (syntagme nominal) (9) Hardly know this girl (syntagme verbal) (10) Very important to me (syntagme adjectival) (11) Just after the break (syntagme prépositionnel)

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- Un syntagme est organisé autour d’une tête lexicale, élément recteur du syntagme : le

nom picture pour le syntagme nominal, le verbe know pour le syntagme verbal,

l’adjectif important pour le syntagme adjectival, la préposition after pour le syntagme

prépositionnel.

- A la nature de la tête lexicale correspond le nom du syntagme : syntagme nominal

(NP), syntagme verbal (VP), syntagme adjectival (AP), syntagme prépositionnel (PP).

- Les syntagmes ont tous la même structure endocentrique : une tête lexicale précédée d’un spécifieur – the, hardly, very, just – et suivie d’un complément – of John, this girl, to me, the break. Si l’on généralise la nature de la tête – N, V, A, ou P – à une

variable X, nous obtenons la structure suivante : « XP = SpecX + X + Complément ».

Cette première représentation formelle des syntagmes ne satisfaisant pas à la structure à niveaux requise par la Théorie X-barre, « XP = SpecX + X + Complément » est ainsi formulée :

(12) a. XP  SpecX + X’

b. X’  X° + Complément

où X° représente la tête du syntagme, XP la projection maximale de la tête, et X’ la projection

intermédiaire de la tête. Le spécifieur et le complément sont des projections maximales, ces valeurs pouvant être nulles. La structure en (12) peut être représentée sous forme

d’arborescence :

XP

SpecX X’

X° Complément

Ainsi, le SN en (8) aura la structure suivante :

(13) a. NP  D + N’

b. N’  N (PP) ou, sous forme d’arborescence :

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NP

D N’

N PP

the picture of John

Il est à noter que des constituants non obligatoires – des modifieurs – peuvent s’ajouter à deux

niveaux différents :

- ajout d’un modifieur au niveau X’ :

(14) A beautiful picture (ici, un syntagme adjectival)

NP

D N’

AP N’

N a beautiful picture

- Ajout d’un modifieur au niveau XP :

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NP

NP RelS

D N’

N

this picture which is beautiful

Les modifieurs, contrairement à certains spécifieurs et aux compléments, sont récursifs et optionnels : leur présence, unique ou multiple, n’est pas requise par la tête – ils ne constituent pas un ‘argument’. C’est pour cette raison qu’un syntagme adjectival AP, par exemple, est à la fois fille de N’ et sœur de N’ :

(16) The beautiful new picture

NP

D N’

AP N’

AP N’

N

the beautiful new picture

Cette analyse des syntagmes soulève plusieurs problèmes, notamment la différence entre spécifieurs et modifieurs, qui ne semble pas nette ; en effet, very dans very important to me est considéré comme spécifieur, mais nous ne voyons pas ce qui le démarque de beautiful dans a beautiful picture, qui lui, est considéré comme étant un modifieur : very et beautiful sont tous

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deux optionnels (non requis par la tête). Nous verrons quelle(s) réponse(s) peu(ven)t être apportée(s) en section 2.3, lorsque nous étudierons l’hypothèse avancée par Abney (1987).

2.2. L’analyse de la phrase dans la Théorie X-barre

En ce qui concerne la structure de la phrase, deux problèmes se posent. Tout d’abord,

la phrase est jusqu’alors considérée comme étant une structure exocentrique, c’est-à-dire composée d’un ensemble de syntagmes : « S  NP + VP ». Si la Théorie X-barre permet de

rendre compte de la structure de la phrase, celle-ci se doit de s’articuler autour d’un noyau ; si nous partons d’un exemple tel que Mary will borrow the book, il est tentant de décider que l’auxiliaire will est l’élément recteur, donc la tête. En revanche, que faire d’une phrase telle

que Mary borrowed the book ? Une manipulation simple telle qu’une extraction – what Mary did was borrow the book – montre que la flexion pour le temps (ici, -ed) ne porte plus sur le verbe mais sur l’auxiliaire (ici, did). Par conséquent, l’élément flexionnel pour le temps est relativement indépendant du verbe dans l’exemple Mary borrowed the book. Il en est conclu

que la tête de la phrase n’est ni l’auxiliaire – puisque celui-ci peut être absent en sortie – ni le

verbe, mais un élément plus abstrait, noté INFL :

(17) Marry will borrow the book.

(18) Marry borrowed the book.

S

NP INFL VP

Mary will borrow the book Mary -ed borrow the book

21 IP NP I’ I VP V’ V NP

Mary will borrow the book

Mary -ed borrow the book10

Où IP – ‘Inflectional Phrase’ – est la projection maximale de la tête flexionnelle. A présent, si

nous étendons cette analyse aux complétives de la forme :

(19) I will ask if Mary will borrow the book.

nous aurons la structure suivante, où la tête de la complétive est l’élément complémenteur C,