3. Concepts et champs disciplinaires infirmiers
3.1. Démarche de soins infirmiers
La démarche de soins infirmiers est une approche globale de santé
centrée sur la personne, sa situation de vie et non sur la maladie. Elle est
complémentaire de la démarche médicale, son but étant de produire un
jugement clinique sur l’état de la personne afin de prendre les décisions
relatives aux soins à donner, qui seront ainsi réfléchis (Perlemuter,
Quedauviliers, Perlemuter, Amar, & Aubert, 1999). Les auteurs ne
différencient d’ailleurs pas « la démarche de soins » et le « processus de
soins ». C’est une démarche dynamique, composée de plusieurs étapes qui
vont du recueil de données à la connaissance du patient et de son état de
santé et jusqu’à l’évaluation des soins fournis. Pour Perlemuter et al. (1999),
il y aurait deux étapes : l’évaluation de la santé d’une personne d’une part et
l’élaboration d’une stratégie qui vise la résolution du problème de l’autre. La
première se conclut avec la production d’un jugement clinique et
l’identification du problème, formulée avec un diagnostic infirmier. La
deuxième étape, l’élaboration d’une stratégie, vise la résolution du problème
et comprend les objectifs de soins, les actions à entreprendre, la planification
de celles-ci, leur mise en œuvre puis leur évaluation.
Selon le Groupe infirmières enseignantes Xavier-Arnozan du CHR de
Bordeaux (1987), ce seraient plutôt quatre étapes majeures qui constituent
la démarche de soins, similaires à celles présentées ci-dessus.
1) Identification des besoins en soins infirmiers de la
personne soignée : il s’agit de connaître le patient et de le situer dans son
contexte. Pour cela, il est nécessaire de passer par une phase de recueil de
données ou anamnèse, dans le but de recueillir de manière plus ou moins
orientée, toute information en lien avec la situation. Ces données peuvent
être mineures, comme les émotions, le ressenti et les représentations ; ou
alors majeures, comme des indicateurs fiables et mesurables, des
caractéristiques physiopathologiques ou comportementales (Perlemuter et
al., 1999). Cette récolte peut être réalisée selon différents points de vue :
avec une anamnèse selon les dimensions bio-psycho-sociales et spirituelles
ou selon une théorie de soin infirmières. Elle peut aussi se faire avec
plusieurs sources d’information : les dires du patient et des proches,
l’observation, les membres de l’équipe soignante ou encore le dossier
médical.
La situation est ensuite analysée pour donner sens aux données
récoltées ; il s’agit de la décomposer pour comprendre les rapports entre ses
éléments et la manière dont ils sont organisés. C’est lors de cette étape que
l’infirmière fait appel à ce qu’on appelle le jugement clinique. Phaneuf (2008)
le présente comme un cycle d’activités perpétuelles impliquant ce qui est
reçu par les sens, associé à un traitement intellectuel de l’information où
interviennent le raisonnement et le jugement. L’infirmière relie donc ses
connaissances préalables à sa capacité d’observation, de sélection des
données pertinentes, d’établissement de liens et de déductions logiques.
Pour l’auteure, la capacité à émettre un jugement clinique se développe avec
l’expérience. Le processus intellectuel sera plus lent en début de carrière,
comme le précise la théorie de l’excellence de Benner (que nous définissons
dans la partie 3.4. « Cadre conceptuel »). Cette compétence exige également
une certaine confiance en soi et engage la responsabilité de l’infirmière. Le
jugement clinique est donc au cœur même de la démarche de soins.
A partir de cette analyse, il est possible de dégager les problèmes
réels ou potentiels pour le patient, ses besoins en soins infirmiers, ainsi que
ses ressources. Ces problématiques peuvent être de nature fonctionnelle
(p.ex. constipation) ou au niveau du ressenti (p.ex. angoisse) et doivent être
importantes pour la personne concernée. L’infirmière est alors en mesure de
poser des diagnostics infirmiers qui sont une formulation codifiée du
jugement clinique ; ceux-ci comprennent la difficulté en cours, les causes
probables et les manifestations, c’est-à-dire ce qui est observé. Il est en
général formulé de la façon suivante : « Problème (le nommer) … relié à
(causes) … se manifestant par (signes et symptômes).
Les problématiques ou les diagnostics infirmiers, lorsqu’ils sont
formulés, seront ensuite priorisés selon des critères d’urgence (lorsque le
pronostic vital est en jeu), d’importance (qui peut varier pour l’infirmière ou
le patient), d’effort et d’intérêt pour les deux parties. Selon l’ANADI (1990,
dans Perlemuter et al., 1999, p.103), le diagnostic infirmier est « l’énoncé
d’un jugement clinique sur les réactions aux problèmes de santé actuels ou
potentiels, aux processus de vie d’une personne, d’une famille, d’une
collectivité. Les diagnostics infirmiers servent de base pour choisir les
interventions de soins visant l’atteinte de résultats dont l’infirmier(e) est
responsable ». Il est donc bien différent du diagnostic médical.
Le diagnostic infirmier doit être validé d’une part avec le patient ou
son entourage, qui va confirmer ou non l’existence du problème et sa nature,
mais aussi auprès de l’équipe soignante qui atteste de la pertinence de
l’analyse réalisée (Perlemuter et al., 1999).
2) La planification : avant de chercher à résoudre les problèmes
soulevés, cette étape a pour but de mettre en place des objectifs à atteindre
pour la personne soignée. Les objectifs seront séparés en deux volets :
d’abord l’objectif général puis les objectifs spécifiques. Le premier désigne ce
vers quoi l’équipe infirmière souhaite tendre chez le patient. Il est exprimé en
termes généraux. Les objectifs spécifiques englobent quant à eux les
capacités qui devraient être atteintes pour obtenir le comportement souhaité
chez le patient. Des objectifs intermédiaires peuvent également être posés.
Quelques critères doivent être réunis pour que l’objectif constitué soit de
qualité : il doit être observable, mesurable, pertinent, précis et réalisable
dans le temps fixé. Les ressources ainsi que les limites du patient doivent
également être identifiées. Elles permettront d’orienter les actions et de
développer le potentiel de la personne soignée.
Les actions pourront être de nature variée : relationnelles, techniques,
éducatives, préventives, de maintenance, curative et de réhabilitation et
seront décidées toujours en accord avec la personne soignée. Elles sont
priorisées et planifiées de manière logique en suivant les priorités données
aux objectifs de soins, avec généralement en premier les actions sur le
patient lui-même puis en agissant sur son environnement.
3) La réalisation des soins : cette partie de la démarche est
constituée par le soin en lui-même et les composantes qu’apporte
l’infirmière, c’est-à-dire les connaissances et le savoir qu’elle a des
techniques et des pratiques, son savoir-faire et enfin sa connaissance de soi
et d’autrui. Les soins fournis se basent sur plusieurs principes pour être
considérés de qualité : la sécurité, le confort, l’hygiène, l’efficacité et
l’ergonomie.
4) L’évaluation et le réajustement : lors de cette dernière étape,
il s’agit de mesurer l’efficacité des actions entreprises et de rechercher une
évolution chez le patient. Pour cela, l’infirmière va se baser sur les dires ou le
comportement du patient et sur son jugement clinique, donc en utilisant ses
capacités d’observation et de récolte de données pour établir un constat. Elle
va ainsi comparer le résultat attendu avec celui qui a été effectivement
obtenu; elle pourra ensuite déterminer si l’objectif a été atteint, partiellement
atteint ou dépassé par le patient.
L’évaluation entraîne une remise en question de la part de l’infirmière
qui va se demander si ses objectifs étaient suffisamment précis, mesurables,
observables et adaptés à la personne. Elle va les reformuler si besoin. Les
actions sont également remises en question : correspondaient-elles aux
objectifs ? Comment ont-elles été réalisées ? Il est aussi important de se
demander si les besoins ont été correctement identifiés et s’ils
correspondaient aux besoins du patient, s’il y a eu un changement chez la
personne ou un imprévu au sein de l’environnement qui a fait que l’action
n’ait pas abouti (Perlemuter et al., 1999).
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L'examen physique dans la pratique infirmière : quels bénéfices ?
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