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1 Chapitre

1.3 Démarche proposée

Pour rappel, l’idée première consiste à caractériser l’état de santé d’une structure en composite thermodurcissable à l’aide de moyens de mesure industriels, en fonction des contraintes

actuelles imposées par le secteur automobile. Cela signifie qu’il faut être capable, en premier lieu,

d’identifier le type de dégradation présent dans la structure, ce qui revient à déterminer sa nature ainsi que sa localisation. Ensuite, il faut définir un champ d’investigation pertinent (au travers d’une grandeur physique) qui va permettre d’établir un lien fort entre le suivi de ces dégradations (fissuration intralaminaire, délaminage) et l’évolution de cette grandeur physique. Cela revient donc à suivre l’endommagement de la structure, de l’échelle mésoscopique jusqu’à l’échelle macroscopique.

Pour cela, il existe une discipline qui devrait se prêter tout particulièrement à ce type d’investigation : l’analyse vibratoire, qui, associée aux techniques d’analyse modale expérimentale voire opérationnelle, permet de décrire, à un instant t, la manière dont la structure va répondre à une excitation spécifique. L’idée consiste alors à établir un lien entre les paramètres modaux (tels que la fréquence de résonance, le facteur d’amortissement et la déformée modale) de chacun des modes

propres et la nature des dégradations présentes au sein de la structure pour traduire son état d’endommagement.

C’est une méthode qui est employée depuis des décennies, pour prévenir et déclencher la maintenance d’ouvrages (ponts, monuments), de systèmes mécaniques spécifiques (turbines électriques, machines-outils, …), où l’on cherche à détecter l’apparition d’un évènement majeur ou d’un franchissement de seuil d’alerte afin de prévenir d’un risque d’effondrement ou de rupture.

Cette méthode devrait répondre à notre besoin. En effet :

elle permet d’effectuer une remontée d’échelle dans la mesure où l’on cherche à apprécier, à l’échelle de l’éprouvette, l’apparition d’une perturbation locale (dont la nature et la taille sont à définir), tout en conservant son indépendance vis-à-vis du lieu d’apparition et de propagation de la dégradation.

elle nécessite l’utilisation de capteurs bon marché (accéléromètres) ainsi que d’un système d’acquisition faible coût. Rappelons à ce titre, que les moteurs de véhicules automobiles sont équipés en série de capteurs de cliquetis qui ne sont autres que des accéléromètres. Il n’est donc pas inimaginable de prendre en compte ce type de capteur, en sus de ceux déjà existants.  il serait souhaitable qu’il(s) soi(ent) intégré(s) à la structure, tout comme la source d’excitation.

Cela permettrait de minimiser les risques d’erreurs liés à l’opérateur d’une part, et de garantir la reproductibilité de l’excitation et du mesureur en maîtrisant leur localisation (ou emplacement) d’autre part. Au même titre qu’un algorithme dédié au post-traitement de ces données pourrait être implémenté dans le calculateur, ce qui ne nécessiterait pas de

compétences spécifiques de la part de l’utilisateur.

elle pourrait être applicable aux différents Métiers (validation, production, suivi en clientèle) puisque les équipements de mesure seraient intégrés à la structure.

Ce choix semble pertinent dans la mesure où il devient possible de prendre en compte les contraintes et les spécificités du secteur automobile, tout en faisant apparaître une notion très en vogue aujourd’hui et néanmoins indispensable à l’intégration d’éléments structurants voire semi-

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54 structurants en composite dans les véhicules : le monitoring de structure ou le « SHM » (Structure Health Monitoring) [51], [52], [53], [54].

Ce terme traduit le fait qu’à partir d’une population de capteurs spécifiques, il est possible de recueillir,

quasiment en temps réel (à la vitesse de propagation des ondes de structure près), une multitude d’informations provenant de l’apparition d’endommagements, causés par des chocs, par le

vieillissement, par le mode d’utilisation du client, etc …, qui est ensuite analysée in situ afin d’établir un diagnostic de l’état dans lequel se trouve l’organe considéré. Le SHM revêt donc les caractéristiques suivantes :

- Détecter l’apparition d’un évènement (de type dégradation par exemple), - Quantifier le niveau d’endommagement (définir un seuil d’alerte),

- Localiser son lieu d’apparition ou d’expansion (nature et taille), - Prédire la durée de vie de la structure.

Dans le cadre de ces travaux, notre démarche est quelque peu différente dans la mesure où nous ne

cherchons pas à collecter les signaux véhiculés par la structure (jusqu’aux capteurs) lors de l’apparition d’un évènement (énergie libérée par chaque type de dégradation). En effet, l’idée consiste à exciter

la structure à intervalle régulier, afin d’identifier à chaque contrôle sa base modale, puis à les comparer afin de suivre l’évolution de son comportement modal et par conséquent, de son état de santé. Ainsi, sous la simple impulsion d’un stimulus « contrôlé » (délivré par un actuateur

piézoélectrique), la réponse de la structure est acquise (par des accéléromètres) puis transcrite selon

un critère de santé spécifique (dont ces travaux font l’objet), afin d’identifier l’état d’endommagement de la structure. A l’aide d’un tel dispositif, nous ne sommes plus dans la « simple » collecte d’informations, mais véritablement dans un processus d’interrogation qui peut avoir lieu dans des conditions propices à la seule détection des dégradations, avec une température, une hygrométrie et des conditions d’encastrement contrôlables (par des capteurs internes au véhicule), notamment après une longue phase de repos.

De ce fait, la périodicité de ces contrôles pourrait être portée à quelques jours, afin d’obtenir une discrétisation accrue de l’état de santé de la structure, sans pour autant pénaliser l’utilisation du

véhicule, puisqu’ils s’effectueraient en 2 à 3 secondes, donc en toute transparence.

Mais la mise au point d’une telle méthode nécessite de déterminer sa sensibilité aux endommagements, qu’ils soient précoces, donc dès l’échelle mésoscopique avec l’apparition des premières fissures intralaminaires, ou bien avancés, notamment avec l’apparition de délaminages. Pour atteindre cet objectif, il est préférable de disposer de structures simples au design spécifique, dont l’agencement des plis permet de cibler, quasi unitairement, le type de dégradation souhaité afin de suivre l’évolution de leurs paramètres modaux. De plus, au regard de l’aspect vibratoire que revêt cette méthode et par conséquent du principe physique sur lequel elle repose (§1.2.2 – « Analyse Modale Expérimentale »), il est impératif de maîtriser leur géométrie. En conséquence, il est

indispensable de reproduire le processus de ruine d’une structure automobile en composite stratifiée, en laboratoire, à l’aide d’éprouvettes « calibrées » en termes de dégradations, et d’un moyen de sollicitation représentatif des conditions « naturelles » d’apparition et de propagation des dégradations (sans artifices).

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1.3.1 Choix d’une technique de sollicitation appropriée

Pour valider le cadre de cette étude, il est nécessaire d’identifier la technique de sollicitation la plus représentative, parmi les plus couramment utilisées, qui permettra d’exacerber les mécanismes de fissuration intralaminaire et de délaminage, tout en considérant les contraintes suivantes :

- Permettre l’initiation de la rupture à partir de défauts existants (propres à la phase d’élaboration) d’une part, puis suivre de manière progressive leur propagation avec une discrétisation accrue d’autre part.

- Mettre en œuvre les mécanismes de rupture macroscopiques inhérents à ce matériau composite, sans ajout d’artifices (téflon, entaille, …).

- Favoriser la répartition « naturelle » des dégradations sur toute l’éprouvette.

- Ne pas induire d’autres phénomènes physiques que ceux liés aux dégradations ciblées (hygrométrie, température, échauffement, …).

- Privilégier l’apparition de dégradations à cœur et non provoquées en surface par un agent extérieur (vieillissement, impact mécanique ou photonique, …)

- Favoriser l’observation : accéder à la localisation et favoriser le dénombrement des

dégradations, sans nuire à la représentativité de l’essai.

- Intégrer la notion de conditions aux limites, au regard des conditions d’assemblage d’une structure sur un véhicule.

Parmi les techniques de sollicitation les plus couramment employées, nous retrouvons celles liées aux essais :

de flexion 3 ou 4 points, mais elle présente une trop forte localisation du dommage [55], [56], [57] ;

de fatigue, avec des durées trop longues, peu propice à l’observation in situ lorsque le système est en fonctionnement, et génère de l’échauffement au sein du matériau [58], [59] ;

d’impact, avec des dégradations très localisées et instantanées [60], [61] ;

de flambage, avec des résultats très dispersifs et des essais non reproductibles [62], [63] ; de chargement non uniquement mécanique (hygrométrie, température, ...), sachant que ces

facteurs influents sont volontairement exclus du cadre de ces travaux [64], [65] ;  De traction monotone, qui représente le meilleur compromis [66].

Au regard des exigences portées par cette méthode et des différentes techniques de sollicitation évoquées précédemment, la mise en œuvre d’essais de traction monotone semble mieux adaptée. Pourtant, ce choix n’est pas sans conséquences sur la validité de cette méthode puisque certains thèmes ne seront volontairement pas abordés. En effet, ces travaux n’intègreront pas d’essais de fatigue, ne qualifieront pas sa sensibilité à la concentration de dégradations (essais d’impact), et ne prendront pas en compte l’impact des conditions ambiantes, et ce, malgré la pertinence de leurs interactions respectives sur le comportement modal de la structure. En revanche, ces travaux proposent de caractériser la sensibilité du critère vibratoire à détecter la présence puis la propagation de dégradations dès l’échelle mésoscopique, au cours d’un processus progressif, afin de respecter leurs lieux d’apparition naturelle, initiés par la présence de défauts ou de non-conformités lors de la phase

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56 d’élaboration. Pour cela, il est préférable de disposer de plusieurs jeux d’éprouvettes dont l’orientation des plis permet d’accéder à une dégradation ciblée.

1.3.2 Eprouvettes calibrées en dégradations

Comme nous l’avons clairement indiqué précédemment, l’objectif consiste à établir un lien fort entre l’apparition des dégradations et l’évolution du comportement modal de l’éprouvette. Mais pour mener à bien cette étude et par conséquent être à même d’identifier avec exactitude l’origine des variations comportementales, il est préférable de les appréhender unitairement. Plusieurs plaques sont donc élaborées en four autoclave, au Centre de Recherche de la société HUTCHINSON, à l’aide de ce matériau (pré imprégné UD type MTM-575©). Certaines seront dédiées à la caractérisation matériau (à partir d’un composite UD 10 plis) alors que d’autres, avec des orientations de plis spécifiques, permettront de développer la méthode de contrôle de santé structure à partir de dégradations ciblées. L’orientation et l’agencement des plis des plaques dédiées à l’élaboration du critère de santé sont définis comme suit :

- UD 10 plis - [02,904]S 12 plis - [03,903]S 12 plis - [02,+452,-452]S 12 plis - [02,+45,-45,902]S 12 plis

Puis, 7 à 8 éprouvettes seront débitées de chacune de ces plaques, élaborée de manière artisanale à l’aide d’un four autoclave.

En fonction de leurs agencements de plis, ces différentes configurations d’éprouvettes doivent nous permettre de maîtriser la cinématique de dégradation, tant par leur nature que par leur propagation. L’objectif est d’associer l’évolution du comportement modal de l’éprouvette à l’apparition puis à la propagation d’un mécanisme de rupture macroscopique ciblé pour élaborer notre critère pas-à-pas. Puis il s’agira de le valider lors d’une configuration ultime, regroupant l’intégralité des mécanismes de rupture en une seule configuration d’éprouvette.

Pour ce faire, les configurations d’éprouvettes sont ainsi définies :

 [02,904]S et [03,903]S doivent permettre d’apprécier la sensibilité de notre méthode vibratoire à la détection de dégradations de faibles niveaux (décohésion fibre/matrice et rupture matricielle), sachant que ces mécanismes de ruptures élémentaires ne sont pas retenus dans la suite de ces travaux, mais surtout de caractériser l’impact de la fissuration transversale (dans les plis à 90°) sur le comportement modal de notre structure ;

 [02,+452,-452]S doit apporter un complément d’information sur la fissuration dans les plis orientés à +45° et -45°, mais surtout nous permettre d’appréhender le délaminage en bord d’éprouvette, à l’interface de ces plis. Malheureusement, ce cas ne pourra pas être traité en raison d’un problème majeur d’élaboration lié à une orientation des plis non conforme ;

 [02,+45,-45,902]S doit rendre compte de l’ensemble des phénomènes de dégradations préalablement caractérisés, et ainsi permettre d’apprécier l’impact de la fissuration intralaminaire et

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57 C’est donc pour ces raisons, que nous avons fait le choix de réaliser de telles plaques,

« calibrées » ou représentatives en termes de dégradations, afin de mieux appréhender leurs

interactions respectives sur les modes propres de nos éprouvettes au fil de leurs apparitions, et ce, de la manière la plus naturelle qui soit (sans insertion d’éléments externes tels que des morceaux de téflon par exemple). Et c’est par le biais de cette démarche, que nous souhaitons construire un critère

de santé, élaboré autour d’une variable fréquentielle, représentatif de l’endommagement de la structure.

L’intérêt de ce critère de santé est motivé par la remontée d’échelle qui s’opère entre la manifestation

des dégradations locales (mésoscopique – macroscopique) ciblées et l’aspect global (macroscopique) de l’information renvoyée par l’éprouvette, et qui permet de les détecter et d’estimer leur sévérité

sans pour autant accéder à leur localisation.

Mais avant d’initier cette démarche, il faut en préambule caractériser ce matériau UD MTM-575 © au travers de plaques UD 10 plis. Ce n’est pas tant l’aspect expérimental lié à l’analyse modale expérimentale de cette approche vibratoire qui requiert cette caractérisation matériau, mais davantage la nécessité de valider les interprétations issues des observations, par la simulation numérique (FE). Pour rappel, nous ne cherchons pas à prédire l’état d’endommagement de nos éprouvettes mais véritablement à diagnostiquer leur état de santé à l’instant t.