A NALYZING ECOSYSTEM SERVICES IN APPLE ORCHARDS USING THE STICS MODEL3
2. Matériels et méthodes
2.4. Démarche générale de conception et d’évaluation du modèle
La conception et l’évaluation du modèle IPSIM‐Pommier ont été réalisées en trois grandes étapes (Fig. 4.5).
Une première étape a consisté à recueillir les informations nécessaires pour les transcrire dans l’arbre de décision du modèle. Cette étape s’est faite avec plusieurs itérations : réalisation d’une importante étude bibliographique, entretiens individuels avec huit experts présentant des domaines de compétences différents, entretiens collectifs. L’expertise des personnes interrogées englobait un large champ de connaissances dans le sud‐est de la France : aussi bien sur le comportement de chacun des bioagresseurs, que sur le choix des pratiques et sur la biodiversité fonctionnelle* des vergers de pommiers.
La deuxième étape a consisté à saisir les variables d’entrée dans le modèle à partir des données recueillies sur les dispositifs expérimentaux de la Pugère et de Gotheron pour les années 2014 et 2015, puis à simuler la sévérité des dégâts des bioagresseurs sur ces bases. Cette sévérité se décline en plusieurs valeurs ordinales : « faible », « moyenne », « forte » et « très forte ». Les dégâts du carpocapse et de la tavelure ont été considérés sur la pomme à la récolte, alors que ceux du puceron ont été considérés sur les rameaux vers la mi‐mai, juste avant la migration des pucerons vers un hôte secondaire. Les experts ont également été sollicités pour cette étape, cette fois comme utilisateurs potentiels du modèle. Cela a permis de considérer la difficulté pour l’utilisateur à transcrire la réalité du terrain en variables d’entrée du modèle. Nous avons ainsi procédé à de nouvelles modifications de la structure de l’arbre de décision, donc à un retour sur la première étape. La troisième et dernière étape a consisté à confronter les valeurs simulées par IPSIM‐Pommier aux valeurs observées sur les deux dispositifs expérimentaux, à savoir les comptages de fruits piqués et tavelés à la récolte et le nombre de rameaux infestés juste avant la migration des pucerons vers un hôte secondaire. Ceci nous a permis d’évaluer la qualité d’ajustement du modèle. En revanche nous n’avons pas pu procéder à une évaluation de la qualité prédictive du modèle, qui aurait nécessité des données indépendantes, ou une quantité suffisante de données pour une validation croisée (Wallach et al. 2001).
Figure 4.5 : Diagramme méthodologique de la conception et de l’évaluation de la qualité d’ajustement d’IPSIM‐Pommier. L’arbre de décision est dans un premier temps décrit par une étude bibliographique puis ajusté par des dires d’experts. Ces données sont transcrites dans le logiciel DEXI. Puis des simulations sont lancées sur la base des itinéraires techniques et conditions des deux dispositifs expérimentaux en 2014 et 2015. Enfin les résultats du modèle sont comparés aux observations de dégâts, à la récolte pour le carpocapse et la tavelure et au pic de vol mi‐mai du puceron cendré.
L’effet des pratiques culturales et des conditions du milieu sur les dégâts des bioagresseurs reprend la démarche générale d’analyse des services écosystémiques utilisée dans cette thèse (Fig. 4.6). Nous avons utilisé la sévérité des dégâts des bioagresseurs comme un indicateur de fonction écosystémique, décrivant une perte de fruits ou de feuilles selon le bioagresseur considéré. Ces valeurs qualitatives sont transformées en valeurs quantitatives et sont soit introduites dans le modèle STICS via un effeuillage dans le cas des rameaux infestés par le puceron (correspondant au pic de vol des pucerons vers la mi‐mai), soit liées aux sorties du modèle STICS par une diminution de rendement liée aux pertes de fruits (induites par le carpocapse et la tavelure). Ce couplage des sorties du modèle IPSIM‐Pommier avec le modèle STICS est détaillée dans le chapitre 5.
Figure 4.6: Démarche d'analyse du service écosystémique de régulation des bioagresseurs au sein d'un verger de pommier (adapté de Haines‐Young & Potschin, 2009). Chaque entité décrit le cas particulier du service de contrôle des bioagresseurs. 2.5. Conception détaillée du modèle 2.5.1. Création de l’arbre de décision La création d’un arbre de décision transposable dans le logiciel DEXI demande une analyse conjointe entre d’une part les informations recueillies dans la littérature et auprès des experts, et d’autre part la conception du modèle dans le logiciel DEXI utilisant un langage informatique particulier (Fig.4.7). Une première étude bibliographique sur les facteurs influençant les dégâts des trois bioagresseurs étudiés a permis de choisir les principales pratiques culturales et les conditions de milieu ayant un impact sur ces dégâts dans un verger de pommier. Ce travail a été enrichi par les dires d’experts. Les entretiens réalisés ont été semi‐directifs et ont suivi une liste de questions ciblant les informations dont nous avions besoin pour étayer les données bibliographiques. Les entretiens individuels ont cependant mis en évidence des désaccords entre les avis d’experts. Nous avons donc continué d’ajuster le recueil d’informations en organisant un séminaire regroupant l’ensemble des experts. L’exercice a permis d’harmoniser les résultats.
Pour faciliter l’analyse conjointe entre les données d’experts et de la bibliographie et la conception de l’arbre de décision, les informations recueillies ont été structurées sous forme de tableaux de
données, synthétisant les impacts de pratiques culturales et de conditions du milieu sur les dégâts des bioagresseurs. L’organisation de ces tableaux est proche de celle de l’arbre de décision d’IPSIM, allant des facteurs principaux impactant le bioagresseur à la déclinaison précise de plusieurs pratiques culturales. A partir de l’étude bibliographique, un premier tableau a été réalisé pour chaque bioagresseur, comportant une liste la plus exhaustive possible des facteurs avec un impact potentiel sur les dégâts du bioagresseur. Puis, ce tableau a été rendu plus concis en ne gardant que les facteurs ayant un impact important sur les dégâts selon la convergence des avis d’experts. Ces tableaux sont disponibles en Annexes 4.A, 4.B et 4.C et se composent :
‐ de l’effet des facteurs sur les dégâts d’un bioagresseur : il peut y avoir un effet positif sur les dégâts causés par le bioagresseur (+) (c’est‐à‐dire un effet positif sur le développement du bioagresseur), un effet négatif (‐) ou pas d’effet (x).
‐ de l’intensité des effets des facteurs sur les dégâts selon une échelle allant de 0 à 3 (3 étant la plus forte).
‐ de la convergence des avis pour gérer les contradictions entre les différentes sources d’information : nous avons pris en compte la convergence d’avis, c’est‐à‐dire le nombre de fois où chacun des experts et la bibliographie ont donné des réponses allant dans le même sens, divisé par le nombre d’avis total. Le poids d’un avis pour un facteur donné est obtenu en multipliant le nombre d'avis recueillis pour ce facteur par le pourcentage de convergence (Annexes 4.A, 4.B et 4.C).
Ces tableaux ont alors été intégrés dans le logiciel DEXI, en mettant en commun d’une part les données recueillies et d’autre part les étapes de conception de l’arbre de décision (Tab. 4.2).
Figure 4.7 : Schéma de la démarche suivie pour la conception de l’arbre décisionnel décrivant les impacts des pratiques culturales et des conditions du milieu sur les dégâts de chaque bioagresseur sous IPSIM. Tableau 4.2 : Liens entre le recueil d’information et la conception de l’arbre de décision. Informations recueillies Conception de l’arbre de décision Les facteurs impactant les dégâts des bioagresseurs Les attributs et sous attributs L’effet de ces facteurs sur les dégâts des bioagresseurs les échelles décrivant les attributs L’intensité de l’effet des facteurs et la convergence des avis l’agrégation des attributs via des fonctions d’agrégation 2.5.2. Le choix des attributs et leur emplacement dans l’arbre de décision L’arbre de décision a été plusieurs fois remodelé pour se rapprocher au mieux de la réalité du terrain. Ne pouvant pas expliquer le choix de chaque attribut, nous illustrons le passage du tableau de recueil de données aux attributs d’IPSIM‐Pommier, par deux exemples : (i) la prise en compte d’une échelle temporelle dans les pratiques de protection phytosanitaire contre le carpocapse et (ii) la prise en
compte conjointe de leviers d’action et de la pression de chaque bioagresseur pour la protection phytosanitaire.
Cas 1 : prise en compte des générations du carpocapse
Pour le carpocapse (Fig. 4.8), nous avons répété des bouts d’arbre pour intégrer les différentes générations du carpocapse et les sous‐attributs jouant un rôle clé sur le développement de chacune d’elles. Nous avons ainsi créé trois sous‐arbres en donnant des pondérations différentes pour la génération 1 d’avril‐mai (G1), la génération 2 de juin‐juillet (G2) et la génération 3 d’août (G3). D’après les experts, la deuxième génération de carpocapse dans le sud‐est cause le plus de dégâts. La première génération est la population créant la G2, mais cette dernière peut aussi venir d’un mouvement inter‐parcellaire. La G3 n’a pas forcément lieu dans le sud‐est. Elle n’est donc pas assez importante pour créer une forte sévérité de dégâts, mais nous l’avons cependant prise en compte dans le modèle, avec un poids moins fort.
Figure 4.8: Sous‐arbre de décision de la protection phytosanitaire contre le carpocapse.