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Nous allons tout d’abord définir plus précisément le mécanisme d’avalanche élec- tronique et en présenter quelques caractéristiques importantes, ce qui nous per- mettra d’envisager un certain nombre de mesures visant à déterminer si ce pro- cessus d’injection de porteurs intervient ou non lors du claquage optique.

2.1.1

Avalanche électronique induite par laser

Considérons un isolant soumis à un champ laser intense, et contenant une densité non-nulle d’électrons de conduction, injectés par l’impulsion laser elle-même ou déjà présents dans le solide avant l’arrivée de cette impulsion (Cf. figure 2.1). Si l’un de ces électrons acquiert une énergie cinétique supérieure au seuil d’ionisation

par impact ET par collisions électron-photon-phonon, il peut entrer en collision

avec un électron de valence et injecter cet électron dans la bande de conduction. Suite à cette collision, les deux électrons se situent au voisinage du bas de la bande. Ils ont une certaine probabilité d’atteindre à nouveau une énergie supérieure à

ET, puis de faire une ionisation par impact, générant ainsi de nouveaux électrons

de conduction, et ainsi de suite. L’avalanche électronique est la multiplication du nombre d’électron de conduction résultant de ce processus récurrent.

L’évolution temporelle de la densité N d’électrons de conduction due à ce méca- nisme d’excitation est souvent décrite de façon phénoménologique par l’équation suivante, selon laquelle le taux d’injection par avalanche est proportionnel à N et à la densité d’électrons de valence :

dN

dt = γ [I(t)] · N · (

NV − N

NV

) (2.1)

où I(t) est l’intensité de l’impulsion laser excitatrice et NV la densité d’électrons

de valence du solide non-excité. γ(I) est le coefficient d’avalanche, qui donne

l’efficacité de ce mécanisme d’injection à l’intensité I. Le terme (NV − N)/NV

rend compte de la déplétion de la bande de valence à haute densité d’excitation. Si

l’on néglige cette déplétion (NV ≫ N), et que l’on suppose que seul ce mécanisme

d’injection intervient, on a alors :

N(t) = N0· exp Z t 0 γ [I(t′ )] .dt′  (2.2)

où N0 est une densité d’électrons supposés présents en bande de conduction avant

l’arrivée de l’impulsion laser, et qui permet à l’avalanche électronique de se déve- lopper.

t

G ap ~ 10 eV ET > g ap Ionisations par impact Bande de conduction Bande de valence

Fig. 2.1: Schématisation de deux ”pas” du processus récurrent d’avalanche élec- tronique. L’axe horizontal représente le temps. Les petites flèches verticales ↑ et ↓ représentent respectivement l’absorption et l’émission de photons par collisions électron-photon-phonon, et les flèches ց et ր l’émission et l’absorption de pho- nons.

Le coefficient γ(I) est déterminé par la dynamique des électrons de conduction dans le champ laser, et dépend plus précisément :

1. de la probabilité qu’a un électron de conduction d’atteindre une énergie su-

périeure au seuil d’ionisation par impact ET. Cette probabilité est elle-même

déterminée par la compétition entre les gains d’énergie du gaz d’électrons de conduction, par collisions électron-photon-phonon, et les pertes d’énergie, dues à l’émission de phonons.

2. du taux d’ionisation par impact Wimp(E).

La relation entre ces différents processus élémentaires et γ(I) peut également s’exprimer en terme de bilan énergétique. L’énergie absorbée par les électrons de

conduction lors des collisions électron-photon-phonon peut en effet se retrouver sous trois formes :

1. sous forme d’énergie cinétique des électrons de conduction, i.e. sous forme d’un ”chauffage” de la distribution en énergie de ces électrons.

2. sous forme de phonons.

3. sous forme de paires électron-trou : lorsqu’un électron de conduction fait une ionisation par impact, l’énergie lumineuse qu’il a précédemment absorbée est convertie en une augmentation de la densité d’excitation électronique. La compétition entre les processus 1. et 2., ainsi que le taux d’ionisation par

impact Wimp(E) fixent l’intensité du processus 3, c’est-à-dire la valeur de γ(I).

Qualitativement, l’idée des modèles de claquage optique par avalanche électro- nique est généralement la suivante [1]. A ”basse” intensité, l’émission de phonons suffit à compenser les gains d’énergie par collision électron-photon-phonon : l’éner- gie cinétique des électrons dans le champ laser est faible. Le coefficient d’avalanche γ(I) est donc petit, et il ne se produit pas d’avalanche électrononique. A partir

d’une intensité seuil IT, les gains d’énergie par collision électron-photon-phonon

l’emportent sur les pertes d’énergie par émission de phonons : les électrons vont alors gagner de l’énergie cinétique, jusqu’à ce qu’ils atteignent des énergies telles que l’ionisation par impact entre en jeu. γ(I) augmente donc brusquement à par-

tir de l’intensité IT. Une avalanche électronique se déclenche alors : elle donne

lieu à une très forte densité d’excitation électronique, donc à une forte absorption du laser par le diélectrique excité, qui aboutit à la destruction du solide.

2.1.2

Mesures réalisées

L’interférométrie fréquentielle permet de mesurer le changement de phase d’une impulsion sonde, due aux changements d’indice de réfraction induits dans le solide par une impulsion pompe. Nous verrons que lorsque l’impulsion sonde arrive après l’impulsion pompe, ce ”déphasage” est proportionnel à la densité d’électrons injectés dans la bande de conduction par l’impulsion pompe. Afin d’étudier les mécanismes d’excitation électronique qui entrent en jeu dans le claquage optique, nous nous sommes fondés sur cette relation de proportionnalité pour obtenir les informations suivantes :

1. Evolution de la densité d’excitation N avec l’intensité crête I de l’impulsion pompe, en-dessous et au-dessus du seuil de claquage. Si le cla-

quage optique est associé à une avalanche électronique, on s’attend d’après les considérations du paragraphe précédent à une brusque augmentation de N lorsque l’intensité atteint le seuil de claquage.

2. Evolution de la loi N(I) avec la durée τ de l’impulsion pompe. Des évolutions très différentes sont attendues selon que l’avalanche électronique ou l’absorption multiphotonique domine. Dans le premier cas, un chan- gement de variable (t → I) dans l’intégrale de l’équation (2.2) permet de montrer qu’à intensité fixée, la densité d’excitation augmente exponentielle- ment avec la durée de l’impulsion laser. Dans le second, cette augmentation est seulement linéaire avec la durée de l’impulsion laser, à intensité fixée

(par exemple, N ∝ σnIn· τ en régime perturbatif).

3. Modification de la loi N(I) lorsque l’impulsion pompe arrive sur un milieu déjà excité par une pré-impulsion. Si une avalanche se produit, l’équation (2.2) montre que la densité d’électrons excités par l’impulsion

laser est proportionnelle à la densité initiale N0 d’électrons de conduction.

En injectant, grâce à une pré-impulsion, des électrons dans la bande de conduction avant l’arrivée de l’impulsion pompe, un décalage de la fonction N(I) vers les plus fortes densités d’excitation devrait donc être observé. La densité initiale d’électrons de conduction ne doit en revanche avoir aucun effet sur la densité d’excitation générée par la pompe si seule l’absorption multiphotonique intervient.