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Chapitre 3 : Enseigner la danse : un défi

B. Démarche d’enseignement

On l’a compris, l’enseignement de la danse à l’école ne vise pas à initier à un style de danse mais bien de permettre à l’élève d’effectuer des choix pour construire une gestuelle qui lui est propre. Sa

81 danse sera signifiante et significative dans la mesure où elle sera expressive pour les spectateurs. Les différents rôles de danseur et de spectateur, voire de chorégraphe sont étroitement liés dans toutes les situations d’apprentissages, ils ne peuvent s’enseigner l’un sans l’autre. L’enseignant doit construire sa pédagogie sur les fondamentaux pour aider l’élève à développer une motricité expressive et organiser sa démarche autour du processus de création.

1. Les fondamentaux

Nous l’avons vu, c’est par le corps du danseur, ici le corps de l’élève, que le mouvement prend forme. Le rôle de l’enseignant est de faire découvrir à l’élève les différentes possibilités qui s’offrent à lui pour donner de l’intention à sa motricité en convoquant l’espace, le temps, le corps, les énergies et ses relations aux autres. (PEREZ & THOMAS, 1994)

Quand il s’agit d’élèves de l’école primaire, nous nous adressons à des enfants chez qui la notion d’espace n’est pas encore stabilisée. Il apparaît important que l’enseignant propose aux élèves des situations qui les aident à se construire leur espace proche et leur espace de déplacement. L’enseignant fixe des contraintes d’ « utilisation de l’espace », c’est-à-dire de directions, d’orientations, de niveaux de hauteurs, de tracés et de dimensions.

Si l’espace de danse est délimité au sol, l’enseignant permet à l’élève de choisir d’être dans l’espace, donc danseur ou hors l’espace, donc spectateur. C’est alors l’aider dans une première « structuration du temps » en lui permettant de gérer les entrées et les sorties. L’enseignant l’encourage aussi à fixer le déroulement de son mouvement par rapport à la structuration métrique et non métrique. La première s’appuie sur la pulsation, les accents, la mesure, le rythme, le tempo. La seconde permet de jouer sur la durée avec la vitesse, la lenteur, les accélérations ou les décélérations.

Le Professeur des Écoles amène l’élève à explorer les différentes parties de son corps pour permettre une « mobilisation corporelle ». Il lui propose alors de visiter l’espace intérieur de son corps, sensations, respiration et régulation du tonus. C’est aussi avec la gravité du corps, la verticalité et le déséquilibre, les mouvements de modulation des segments, la flexion, l’extension, la rotation, la circumduction et la translation, les actions de base pour mobiliser le corps en entier, les déplacements, les sauts, les tours, que le danseur varie sa gestuelle.

Dans le mouvement, en matière de « mobilisation de l’énergie », trois facteurs sont indissociables. Il s’agit du facteur poids qui définit la quantité d’énergie, des facteurs temps et espace qui déterminent la libération de celle-ci. Le Professeur des Écoles doit mettre l’élève en situation d’apprendre à réguler son tonus musculaire et à ressentir les nuances dans la quantité et la qualité d’énergie utilisée.

82 Enfin, le Professeur des Écoles doit engager l’élève à tenir compte de ses camarades et des spectateurs. La « relation entre danseurs » peut s’organiser en fonction du corps de l’autre, de l’espace, du temps ou des rôles à tenir. La relation avec les spectateurs rejoint la notion de projet d’émouvoir. La concentration, l’écoute et la position du regard doivent être en relation avec l’intention choisie comme les moments de silence corporel et la précision des actions. « La lisibilité

des actions est au service du projet de communication des danseurs » Ces fondamentaux

constituent un ensemble de points théoriques incontournables à l’enseignement de la danse.

2. Le processus de création

Le Professeur des Écoles conduit l’élève à créer seul ou avec les autres des phrases dansées avant de les présenter. Pour donner vie à des chorégraphies qui n’existent pas encore, l’enseignant aide l’élève à entrer dans une démarche de création. Il doit soutenir au développement de la créativité en interrogeant la faculté d’évoquer des élèves. L’enfant rappelle à sa mémoire et fait apparaître à son esprit des images qu’il traduit en formes gestuelles. Pour cela, il est nécessaire d’enrichir l’imaginaire des élèves.

a) La démarche

Le processus de création formalisé par PEREZ & THOMAS (1994, p. 27) propose de passer d’une « pensée divergente » mobilisant la créativité à une « pensée convergente » aboutissant à la création.

Mode de pensée divergente —————————— à ————————→ convergente Du spontané ———————————————— à ————→ l’élaboré, au structuré De l’habituel ———————————————— à ————————→ l’inhabituel De la créativité ——————————————— à —————————→la création

Processus de création

D’après les définitions de DUNKIN &BIDDLE fournies par GAUTHIER & Al (1997) « Dans une

opération de pensée divergente, où la situation donnée est faiblement structurée, les individus sont libres de créer de façon indépendante leurs propres idées et de produire une nouvelle orientation ou perspective. » (p. 165) Dans un premier temps, on libère l’imagination de l’élève en donnant des

consignes à partir d’inducteurs simples et variés qui permettent aux élèves de se mettre en mouvement. Les enseignants fournissent aux élèves des contraintes suffisamment ouvertes pour leur permettre de proposer des réponses multiples en toute sécurité. « La pensée convergente est une

opération de la pensée qui sollicite l’analyse et l’intégration de données actuelles ou remémorées. Elle conduit à un résultat attendu à cause du cadre de travail très serré qui la délimite. » (p. 165)

83 Dans un second temps, on contraint les élèves à faire des choix, à sélectionner les trouvailles gestuelles pour composer une pièce de danse. Ils sont ensuite amenés à ordonner, répéter et fixer la chorégraphie ainsi élaborée.

Pour cette partie du processus de création, comment les Professeurs des Écoles qui ne maîtrisent pas la discipline peuvent-ils organiser l’activité en suivant un objectif précis ?

b) L’enrichissement de l’imaginaire

Dans les programmes de 2002, l’une des finalités annoncées de l’EPS est « l’accès au patrimoine

culturel que représentent diverses activités physiques, sportives et artistiques, pratiques sociales de références ». Il s’agit alors de l'ouverture à la culture artistique par la connaissance du Patrimoine

culturel pour permettre à l’élève de « réaliser son autonomie de jugement tout en lui donnant la

conscience de son appartenance à un monde commun » (ARDOUIN, 1997, p. 20). En matière de

danse, la culture artistique, ce pourrait être : aborder l’ensemble des savoir-faire et techniques qui ont constitué à un moment donné des solutions à des problèmes que se posent des artistes, à des inventions de créations. Il s’agit de « penser les œuvres comme « champ de culture » c’est-à-dire

comme champ de réflexion » (ARDOUIN, 1997, p. 23), l’élève devenant capable d’entrer en

résonance avec les œuvres. En découvrant des œuvres chorégraphiques, l’élève se rend compte que des artistes ont travaillé sur des sujets proches de ceux qui le questionnent lui-même. Dans cette perceptive, il devient capable de se comporter comme un danseur ou comme un chorégraphe, par exemple d’emprunter des postures, des gestes, des mouvements d’artistes pour les introduire dans sa production personnelle. La finalité de ces propositions n’est pas, pour le Professeur des Ecoles de positionner l’élève dans un processus d’imitation mais de lui permettre de reconsidérer des savoirs et des questions posées par des artistes, de les situer dans leur contexte pour ensuite les repenser dans le contexte actuel. On retrouve bien là les objectifs fixés pour la danse à l’école qui n’est pas une danse d’imitation mais plutôt de création.

Il s’agit alors pour le Professeur des Écoles de mettre à disposition des élèves un certain nombre d’œuvres pour qu’ils puissent les relier entre elles et agencer les outils et les possibilités posturales rencontrés. Le maître devra accompagner les élèves à des spectacles vivants et à défaut présenter des « vidéos danse » en classe. Comment alors mettre à disposition d’autrui des outils qu’on ne possède ni ne connaît pas soi-même ?

c) Du mouvement à la danse

Comme le dit ARGUEL (1992), déjà cité plus haut, la danse est un art du mouvement, son matériau essentiel est le corps. Outre l’incidence sur l’assouplissement, la coordination ou la maîtrise du

84 corps, la formation physique, la dynamique et la variété des actions apportent une autre qualité, une autre manière de se mouvoir. Pour permettre à l’élève de danser, l’enseignant doit l’aider à apprendre son corps puisque le corps du danseur est à la fois outil, véhicule et matière.

Une spécificité de la danse se matérialise dans « l’appropriation esthétique du réel »

(BAFFALIO-DELACROIX & ORSSAUD-FLAMAND, 1984, p. 43). C’est cette idée qui est reprise dans le processus de création. On incite l’élève à agir sur la réalité de sa motricité quotidienne pour évoquer le réel et donner naissance à une gestuelle esthétique, signifiante et culturellement référencée. La danse réclame communication et donc présence d’un public qui apprécie la qualité technique et intentionnelle de mouvement. L’émotion du spectateur dépend de l’originalité esthétique de la production. C’est lui qui impose le passage de l’expression à l’intention et permet l’inscription d’une œuvre dans le répertoire.

L’enseignant est le médiateur qui permet de relier l’élève au monde et sa pratique aux objets culturels. Il doit « …donner l’accès et les pouvoirs nécessaires pour participer à une culture vivante

qui réintègre les données du passé et dont l’enseigné devient(ne) un des acteurs » (BAFFALIO-

DELACROIX & ORSSAUD-FLAMAND, 1984, p. 104). Le Professeur des Écoles invite l’élève à observer des spectacles pour la motricité des danseurs, le monde sonore, les décors, les costumes, les éclairages, les accessoires et la structure spatio-temporelle des danseurs.