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2.3. Méthylation de l’ADN

2.3.5. Déméthylation active

Chez les plantes, la déméthylation active est possible entre autres grâce à DEMETER1 (Zhu, 2009). DEMETER1 est une enzyme à double fonction : dans un premier temps, elle reconnaît la cytosine méthylée et y hydrolyse le lien N-glycosydique unissant le squelette de désoxyribose phosphate et la base méthylée. Puis, dans un second temps, elle agit à titre de lyase en créant un site apyrimidique pouvant être réparé par une DNA polymérase. Chez les animaux, aucune glycosylase capable de reconnaître les cytosines méthylées n’a été

23 découverte, ce qui suggère que des enzymes doivent altérer la cytosine ou le groupement méthyl avant qu’une glycosylase puisse détecter la base à retirer.

Activation-induced cytidine deaminase (Aicda) est une de ces enzymes qui agissent en modifiant la nature de la cytosine méthylée. Il s’agit d’une déaminase connue depuis longtemps pour son rôle dans l’hypermutation somatique et le changement de classe des immunoglobulines au sein des lymphocytes B immatures (Neuberger et al., 2003). Sa présence a néanmoins été révélée chez la souris dans l’ovocyte, les tissus embryonnaires et les cellules germinales primordiales (Morgan et al., 2004) de même que dans l’ovule du poisson zèbre (Rai et al., 2008), ce qui sous-entend une deuxième fonction pour cette enzyme. Au niveau du génome, le gène Aicda fait partie d’un groupe de gènes de pluripotence tels Stella et Nanog, gènes qui s’expriment exclusivement dans les zygotes et les CGP. Un séquençage au bisulfite a mis en évidence que les niveaux de méthylation de l’ADN des CGP mâles et femelles de souris déficientes en Aicda étaient respectivement 4% et 13% plus élevés que chez des CGP normaux, ce qui montre que Aicda contribue à la déméthylation des cellules germinales (Popp et al., 2010). L’activité de Aicda se fait en retirant le groupement NH2 d’une cytosine méthylée et en y substituant un atome d’oxygène. La cytosine prend alors la forme d’une thymine et, ce faisant, fait naître un mésappariement G : T. La base mésappariée est alors reconnue puis retirée par une glycosylase (Thymine DNA glycosylase chez la souris (TDG) (Morgan et al., 2004) et Methyl binding protein 4 (MBD4) chez le poisson-zèbre (Rai et al., 2008) qui brise le double lien carbone unissant la base au corps phosphaté de l’ADN. Une lyase du système de réparation de l’ADN par excision de base (REB) est ensuite recrutée pour retirer la pyrimidine, puis le trou est comblé par une ADN polymérase. Par contre, les souris déficientes en Aicda ne présentent pas de phénotype particulier, hormis des difficultés au niveau de l’hypermutation somatique dans les lymphocytes B immatures, et demeurent fertiles. La contribution de Aicda ne serait donc pas essentielle au développement embryonnaire et fœtal (Muramatsu et al., 2000).

Néanmoins, si Aicda n’est pas essentielle au développement embryonnaire des souris, il a dernièrement été démontré que TDG l’est. Des souris homozygotes TDG-/- présentaient de

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graves troubles du développement et mourraient avant la 2e semaine de gestation. L’enzyme de réparation de l’ADN a donc un rôle crucial dans la survie embryonnaire. Récemment, un « cinquième nucléotide » a été découvert dans des cellules de Purkinje, la 5-hydrométhylcytosine (5hmC). Lors de sa première observation, ce nucléotide altéré constituait 0.6% des nucléotides du génome et l’équipe à la base de la découverte a suggéré qu’il pouvait s’agir d’une voie alternative de déméthylation de l’ADN (Kriaucionis and Heintz, 2009). Quelques mois plus tard, un autre groupe publiait qu’une protéine identifiée au début des années 2000 en association avec la méthyltransférase de l’histone H3K4, MLL (mixed-lineage leukemia) (Ono et al., 2002), dans des cellules de leucémie myéloïde aigüe possédait l’activité enzymatique dioxygénase et transformait les 5mC en 5hmC (Tahiliani et al., 2009). Cette enzyme, Ten-eleven translocation 1 (Tet), fait partie d’une famille de dioxygénases constituée de trois membres – Tet1-3 – aux fonctions similaires mais à l’expression tissulaire différentielle (Ito, D'Alessio et al . 2010). Elles sont toutes relativement ubiquitaires, mais Tet1 est nettement plus abondante dans les cellules ES alors qu’elle est absente de l’embryon préimplantatoire, et Tet3 est abondante dans le très jeune embryon ainsi que dans les cellules hématopoïétiques. Aussi, la famille Tet est souvent surexprimée ou mutée dans les cellules cancéreuses (Mercher et al., 2012; Metzeler et al., 2011; Yang et al., 2012). Ces enzymes portent toutes un domaine en doigts de zinc CXXC de liaison aux CpG non méthylés et un domaine dioxygénase dépendant de Fe(II)- et 2- oxoglutarate (2OG).

L’hydroxylation des 5mC n’est pas reconnue par les protéines possédant un domaine d’ancrage spécifique à cette modification telles que les familles MBD et Dnmt. Il est ainsi suggéré que l’hydroxylation rende silencieuse la méthylation, impliquant alors que certains gènes réprimés par des méthylations sur leurs promoteurs puissent être transcrits (Gu et al., 2011). Aussi, en considérant que des protéines de structure de la chromatine sont recrutées sur les CpG méthylés, il est plausible que l’hydroxylation puisse empêcher ce processus et contribuer à une configuration différente de la chromatine (Thalhammer et al., 2011). Aussi, dans les cellules en prolifération, on suggère que l’hydroxylation des 5mC facilite la déméthylation passive lors de la réplication en contrant la liaison de Dnmt1 et la méthylation conséquente sur le brin néosynthétisé (Salvaing et al., 2012; Tahiliani et al.,

25 2009). La fonction pourrait s’appliquer également aux pronoyaux mâle et femelle. Le niveau de 5hmC et de 5mC a été analysé dans des zygotes et des embryons de souris avec comme résultat une corrélation inverse entre les deux marques épigénétiques : le nombre de 5hmC augmentait rapidement dans les pronoyaux paternels de souris alors que celui des 5mC diminuait au même rythme (Gu et al., 2011). Les pronoyaux femelles ne subissaient pas de changement à cet égard (Gu et al., 2011). Conformément à ces résultats, la localisation par immunofluorescence a montré que Tet3 était dans le pronoyau mâle des souris pour être ensuite confiné au cytoplasme. L’importance de Tet3 a finalement été démontrée par l’impossibilité à générer des souris homozygotes mutantes pour Tet3, celles- ci mourant à l’état d’embryon.

L’hydroxylation de la 5mC n’est toutefois pas suffisante à la déméthylation active. Considérant que la glycosylase TDG est inapte à reconnaître l’hydroxylation, une étape intermédiaire est requise entre les deux activités enzymatiques. La solution vient de la famille Tet elle-même qui peut agir sur les 5mC autant que les 5hmC. L’enzyme catalyse ainsi la transformation de 5hmC en 5-formylcytosine (5fC) et en 5-carboxylcytosine (5caC) (Ito et al., 2011), deux sous-produits reconnus par TDG. De plus, la très grande rapidité avec laquelle TDG agit sur eux incite à croire en une nouvelle explication concrète du processus de déméthylation de l’ADN chez les mammifères (Maiti and Drohat 2011).

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Figure 4. Modifications des cytosines et enzymes associées. Dnmt ajoute un groupement méthyle à une cytosine pour former une 5-méthyl-cytosine (mC). Aicda déamine la cytosine en formant une thymine (T) ou une uridine (U). Tet oxyde de une à trois fois le groupement méthyle pour former une hydroxyméthylcytosine (hmC), une formylcytosine (fC) ou une carboxycytosine (caC). L’action successive de Aicda et Tet forme une hydroxyuridine. Adaptée de Nabel et al . (Nabel et al., 2012)

27 Les nucléosomes sont formés de deux copies des histones H2A, H2B, H3 et H4 et forme un octamère autour duquel l’ADN s’enroule. Cette structure est conservée chez tous les eucaryotes et est maintenant considérée comme étant un déterminant crucial, à tous les niveaux, des gènes et de leurs fonctions (Kornberg and Lorch, 1999). En effet, bien que les histones soient extrêmement conservées, elles sont sujettes à un nombre impressionnant de manipulations et de modifications post-transcriptionnelles accomplies par des enzymes, ce qui leur confère une capacité quasi infinie de variabilité (Turner, 2001). Les modifications des histones, les variants d’histones et le positionnement des nucléosomes travaillent en synergie avec la méthylation de l’ADN pour réguler l’expression des gènes et modifier l’accessibilité des régions promotrices à la machinerie de transcription (Jenuwein and Allis, 2001).

En modulant le degré de compaction de l’ADN, les histones occupent ou libèrent les promoteurs et jouent ainsi un rôle de gardien de la transcription. Des études de cristallographie ont permis de mettre en évidence la queue N-terminale des histones qui est en quelque sorte un appendice au complexe nucléosomal (Luger et al., 1997) et qui permet des interactions internucléosomales et protéiques. Des enzymes ont pour fonction de modifier post-traductionnellement les queues N-terminales des histones afin de signaler l’état de la chromatine, d’autre encore agissent en déplaçant ou démantelant temporairement les nucléosomes. Les modifications des histones semblent se faire selon un ordre précis où certaines modifications sont préalables à d’autres, créant ainsi le code des histones (Strahl and Allis, 2000). Ces modifications permettent une communication complexe et dynamique au sein du noyau et impliquent des interactions avec la chromatine et les protéines qui y sont associées, des protéines de régulation, des molécules non-protéiques, des composants du cytosquelette nucléaire et des ions.

Au grand étonnement de plusieurs, il a été observé dans des embryons et des cellules ES que plusieurs gènes portent des marques épigénétiques bivalentes, c’est-à-dire que leur signification est opposée, l’une activant la transcription et l’autre la freinant. Plusieurs des gènes impliqués dans le développement embryonnaire et la différenciation cellulaire sont touchés par ce chevauchement de signaux. On constate qu’ils sont maintenus dans un état

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actif et qu’ils sont exprimés, quoique faiblement et à des moments précis (Zhao et al., 2007).

2.4.1 L’acétylation

Certaines lysines des queues N-terminales des histones sont très conservées et servent de sites pour des modifications post-traductionnelles. Des groupements acétyles peuvent ainsi influencer d’une manière électrostatique les interactions entre les histones et l’ADN de par la charge nette négative qu’ils portent. Ces groupements sont ajoutés par des enzymes de la famille histones acétyltransférase (HAT) et viennent former la ε-N-acetyl lysine (Kleff et al., 1995). Le groupement acétyle provient d’un cofacteur, l’acétyl-coenzyme A (acétyl- CoA) (Marmorstein, 2001). Ces marques épigénétiques sont temporaires et peuvent être retirées par des histones déacetylases (HDAC) (Kleff et al., 1995).

Les HAT se divisent en deux grandes classes chez les mammifères : la classe A dont les membres agissent sur les histones après l’assemblage du nucléosome et la classe B dont les membres sont localisés dans le cytoplasme et acétylent les histones avant leur inclusion dans la chromatine. La classe A se subdivise en trois sous-classes : les MYST (MOZ, Ybf2/Sas3, Sas2 et TIP60), les GNAT (Gcn5 N-Acetyltransférase related) et les « Autres » dont p300/CBP et ATF-2 font partie. On trouve souvent les HAT liées à des complexes multimériques. Cette association a des sous-unités de liaison à l’ADN ou d’interaction protéine-protéine et guide les HAT vers leurs sites d’action.

29 Tableau 1. Histone acétyltransférases

Classe Sous-classe Membres Phénotype -/-

A GNAT GCN5L PCAF m.e. J10.5 viable MYST Tip60 et MOF HBOI, MORF, MOZ, CLOCK, NCOAT, MOF m.e. J3.5 - - - Autres P300/CBP, TFIIIC, ACTR/SRC-I, ATF-2 m.e. J11.5 - - - B Hat1 HAT1 -

Tableau 1. Les membres des différentes classes de HAT chez les mammifères et le phénotype associé à la déplétion homozygote du gène. m.e. J: mort embryonnaire au jour X postfécondation. NAD+ : nicotinamide adénine dinucléotide (Lemoine and Younes, 2010; Voss and Thomas, 2009).

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Tableau 2. Histone déacétylases

Classe Substrat Membres Phénotype -/-

I Zn2+ HDAC1 HDAC2 HDAC3 HDAC8 m.e. J10.5 mort post-natale m.e. J9.5 - Iia Zn2+ HDAC4 HDAC5 HDAC7 HDAC9

viable, troubles cartilagineux viable, troubles cardiaques

m.e.

viable, troubles cardiaques

IIb Zn2+ HDAC6

HDAC10

viable -

III NAD+ SIRT1-7 -

-

IV Zn2+ HDAC11 -

Tableau 2. Les membres des différentes classes de HDAC chez les mammifères et le phénotype associé à la déplétion homozygote du gène. m.e. J: mort embryonnaire au jour X postfécondation. NAD+ : nicotinamide adénine dinucléotide (Lemoine and Younes, 2010; Voss and Thomas, 2009).

Les déacétylases des histones sont très nombreuses – dix-huit identifiées chez l’humain – et sont regroupées en quatre classes qui reflètent à la fois leur localisation cellulaire, leur homologie avec les HDAC de levure et leur activité enzymatique (Lemoine and Younes, 2010). Les classes I, II et IV sont dépendantes du zinc pour exercer leur activité catalytique alors que la classe III, aussi appelée sirtuine, est dépendante du dinucléotide nicotinamide adénine (NAD+).

Depuis la découverte des HAT et des HDAC, le ratio acétylation/déacétylation des histones a été démontré comme jouant un rôle prépondérant dans la régulation de l’expression des

31 gènes. Les effets des acétylations sont multiples (Efroni et al., 2008). Premièrement, puisque les groupements acétyles sont chargés négativement, ils neutralisent les charges positives portées par l’histone (Allfrey et al., 1964). De ce fait, l’affinité ADN-nucléosome est réduite et le déplacement des histones est facilité, libérant l’accès aux facteurs de transcription et à l’ARN polymérase II (Mathis et al., 1978). Des complexes de remodelage de la chromatine ATPasiques tel que SWI/SNF doivent cependant être recrutés par les lysines acétylées car ce sont ces enzymes qui s’associent sur l’ADN et qui permettent le déplacement des nucléosomes (Cote et al., 1994). Une fois la transcription terminée, des histones déacétylases retirent les groupements acétyles afin de rendre ces sites à nouveau inaccessibles. Deuxièmement, l’acétylation des histones peut inhiber l’enchevêtrement des nucléosomes en des structures complexes de compaction de l’ADN. L’effet de l’acétylation peut donc rendre le promoteur et le site d’initiation de la transcription accessible à la machinerie de transcription. Toutefois, quelques exceptions existent où l’acétylation est associée à la répression plutôt qu’à l’activation d’un gène, notamment les lysines H4K8 et H4K16 chez la levure (Lennartsson and Ekwall, 2009). Cette fonction en apparence contradictoire avec l’effet électrostatique de l’acétylation sur l’affinité nucléosome-ADN s’explique par le recrutement de protéines aux actions diverses qui sont recrutées en fonction des marques épigénétiques présentes (Gu and Roeder, 1997). Les sites d’acétylation connus à ce jour ont été déterminés par Bjerling et al . en 2002 (Bjerling et al., 2002) en utilisant comme modèle eucaryote la levure Schizosaccharomycespombe. Il s’agit

des lysines K5, K8, K12 et K16 de l’histone H4 et des lysines K9, K14, K18 et K23 de l’histone H3.

2.4.2 La méthylation

Contrairement aux acétylations, les groupements méthyles ne portent pas de charges et n’ont donc aucun impact sur les interactions électrostatiques entre les histones et l’ADN. En revanche, ces groupements ont une grande influence puisqu’ils sont reconnus par des

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protéines portant des domaines chromo (chromatin modification organizer), tudor, MBT (malignant brain tumor) et PHD (plant homeobox domain) en plus de modifier les sites reconnus par d’autres protéines. Ainsi, selon le positionnement de l’histone méthylée par rapport au gène, la lysine ou l’arginine modifiée et l’enzyme qui entre en jeu, la méthylation peut favoriser ou réprimer la transcription d’un gène (Martin and Zhang, 2005).

Les lysines sont méthylées par des KMT (lysine méthyltransférases) qui possèdent presque toutes un domaine SET (su(var)3-9, enhancer-of-zest, trithorax) conservé. Il est maintenant connu que la méthylation de H3K4, H3K36 et H3K79 est associée à une activité transcriptionnelle alors que celle sur H3K9, H3K27 et H4K20 est plutôt liée à la répression. Dans l’embryon, de nombreuses méthyltransférases spécifiques de H3K4 assurent l’expression des gènes de développement, notamment MLL 1 et 2 (mixed lineage leukemia) qui maintiennent l’expression des gènes Hox (Milne et al., 2002). Ces gènes de pluripotence doivent tout de même être éteints le moment venu. Ainsi, le Polycomb group repressive complex 2 (PRC2) regroupe des KMT telles que Suz12, Eed et Ezh2 qui, ensemble, catalysent la triméthylation de H3K27 afin de promouvoir la condensation de la chromatine et de permettre la poursuite de l’embryogenèse. Aussi, la méthyltransférase G9a est présente dans l’embryon afin de triméthyler H3K9 et d’induire la formation d’hétérochromatine facultative au niveau des gènes de pluripotence, notamment OCT3/4 (Feldman et al., 2006).

Les méthyltransférases des arginines (RMT), à la différence des KMT, n’ont pas pour unique cible les histones. Elles peuvent en effet agir sur différentes protéines de la transduction des signaux, de la prolifération cellulaire, de la réparation de l’ADN et de la maturation des ARN (Bedford and Richard, 2005). On regroupe ces méthyltransférases dans la famille des protéines arginine N-methyltransferases (PRMT). PRMT1, PRMT2 et PRMT4, en exerçant leur fonction catalytique, agissent comme coactivateurs de la transcription alors que PRMT5 agit comme répresseur.

33 Figure 5 Principales méthylations des lysines situées sur les queues N-terminales des histones H3 et H4. Les chiffres inscrits dans le corps des queues des histones correspondent aux acides aminés méthylés sur les résidus lysine (K) et les points de couleur correspondent à la fonction de chaque méthylation. Adapté de Nima Mosammaparast, 2010 (Mosammaparast and Shi, 2010).

2.4.3 Déméthylation

L’énergie requise pour défaire le lien N-CH3 est très grande puisqu’il est thermodynamiquement très stable. Ainsi, jusqu’à tout récemment, la méthylation des histones était considérée comme une marque épigénétique indélébile. En 2004 toutefois, ce postulat tomba grâce à la découverte chez la levure de la première vraie déméthylase, Lysine Specific Demethylase 1 (Shi et al., 2004) (LSD1 ou KDM1A selon la nouvelle nomenclature (Allis et al., 2007; Shi et al., 2004). Les limitations de cette amine oxydase,

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dont le site catalytique ne permet que de retirer les mono- et les diméthylations, ont entretenu l’idée que la haute stabilité des méthylations rendait impossible le retrait des triméthylations et que cette marque était donc non-modifiable. En 2006, une autre équipe a néanmoins découvert une déméthylase appartenant à une autre classe d’enzyme et qui pouvait retirer les triméthylations. Celle-ci portait un domaine catalytique Jumonji en C- terminal et fut baptisée Jumonji histone demethylase 1, ou Jhdm1. D’autres protéines contenant le même domaine catalytique ont par la suite été identifiées. Finalement, une troisième classe de déméthylases des histones a été révélée en 2006 avec la découverte de Jarid1, dont le nom provient de son domaine de liaison à l’ADN riche en AT. Une nouvelle nomenclature a regroupé ces enzymes sous l’acronyme KDM, soit lysine déméthylase.

2.4.3.1 KDM1

KDM1A est une amine oxydase dépendante du cofacteur FAD (flavin adenine dinucleotide) et est hautement conservée de la levure à l’humain (Shi et al., 2004). Elle agit à la fois sur H3K4me2/me1 et sur H3K9me2/me1. Toujours selon les travaux de Shi et al, la déméthylation se produit par l’oxydation du lien Nɛ-CH3, transformant alors la lysine méthylée en méthyllysine imine et le cofacteur FAD en FADH2. L’hydrolyse de la méthyllysine imine permet ensuite la déméthylation par la libération du sous-produit formaldéhyde. En 2009, LSD2/KDM1B, une seconde amine oxydase dépendante de FAD, a été identifiée grâce à une très forte homologie avec KDM1A (Karytinos et al., 2009).

Il a été démontré que la sous-unité amine oxydase de ces enzymes se liait à un complexe répresseur des histones déacétylases (HDAC) et qu’elle exerçait ensuite une activité déméthylase sur les lysines mono- et diméthylées H3K4 (Shi et al., 2004). Puisque H3K4me2 est associé à la transcription des gènes, son retrait par KDM1A est un signe de répression de la transcription. À l’opposé, puisque H3K9me2 est lié à la répression des gènes, sa déméthylation par KDM1A est activatrice de la transcription (Metzger et al., 2005). Quelques années plus tard et grâce à une très grande homologie, LSD2 a été découverte chez la levure (Opel et al., 2007).

35 KDM1A est essentielle à la survie embryonnaire, comme l’ont démontré Wang et al dans deux études portant sur cette enzyme (Wang et al., 2007) (Wang et al., 2009). En effet, les souris déficientes en KDM1A qu’ils ont générées mourraient à un stade embryonnaire précoce et les cellules ES déficientes en KDM1A présentaient des problèmes de croissance et de différenciation cellulaire. Sans expliquer les liens entre le développement embryonnaire et l’enzyme, ces études mettent à tout le moins l’emphase sur le rôle critique de KDM1A dans certaines fonctions critiques du développement. Des réponses ont par la suite été fournies par d’autres auteurs qui ont associé KDM1A à de nombreux facteurs de transcription. Parmi ces facteurs de transcription, notons GFI1/1B (growth-factor independent 1 and 1B), OCT4, RBPJ (recombination signal binding protein for immunoglobulin kappa J region), ZEB1 (zinc finger E-box-binding homeobox 1), TAL1 (T-cell acute lymphocytic leukemia protein 1), PRDM1 (PR domain zinc finger protein 1), TLX (human homologue of Drosophila tailless), AR (androgen receptor) et p53 (revue,(Pedersen and Helin, 2010)). Puisque plusieurs de ces facteurs de transcription sont impliqués dans le développement embryonnaire, l’importance de KDM1A dans la régulation d’une vaste gamme de processus cellulaires est maintenant établie et comprise. McGraw et al a, en 2007, étudié le patron d’expression de KDM1A dans plusieurs stades embryonnaires préimplantatoires chez le bovin. Ils ont observé une forte présence d’ARNm dans le stade GV suivit d’une constante diminution jusqu’à atteindre un niveau très faible au stade 8-cellules, moment à partir duquel la transcription embryonnaire reprend chez le bovin et permet à KDM1A d’être à nouveau transcrite et présente fortement au stade blastocyste, du moins sous forme d’ARNm. Shao et al ont proposé en 2008 (Shao et al., 2008) que la présence de KDM1A au stade blastocyste permette la différenciation cellulaire

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