• Aucun résultat trouvé

Avant de m’intéresser plus en détail à ce renouvellement de la voix et du langage, une brève exploration, non plus d’un parterre de fleurs mais d’un verger, permettra de confirmer l’ouverture de la perspective opérée dans les nouvelles de Woolf. Dans le titre de la nouvelle, « In the Orchard », la préposition « in » insiste d’emblée sur la localisation. Portés par le vent,

19 Diana L. Swanson note ainsi que la nouvelle nous invite à être dans le jardin plutôt qu’à le traverser, en nous concentrant sur l’expérience sensorielle du monde plutôt que sur une narration linéaire. Voir Diana L. Swanson, « Woolf’s Copernican Shift: Nonhuman Nature in Virginia Woolf’s Short Fiction », in Woolf Studies Annual, n° 18, 2012, p. 108-125 ; et « Woolf and the Unsayable: The Roar on the Other Side of Silence », in Jane de Gay et Marion Dell (dir.), Voyages Out, Voyages Home. Clemson : Clemson University Digital Press, 2010, p. 92-96. Elle propose en outre une lecture éco-critique de la nouvelle : « ‘Kew Gardens’ suggests that what has been viewed instrumentally as ‘natural resources’ has its own presence and subjectivity, lives alongside us and with us even as we use and study it for our own purposes whether commercial or aesthetic » (Diana L. Swanson, « ‘The Real World’: Virginia Woolf and Ecofeminism », in Kristin Czarnecki et Carrie Rohman [dir.], Virginia Woolf and the Natural World. Clemson : Clemson University Digital Press, 2011, p. 24-34, p. 31).

53

les sons qui traversent les branches de pommier transportent pourtant immédiatement la lectrice hors du verger, et la construction même de la nouvelle complique la notion apparemment évidente de ce « in » trompeur.

Divisée en trois parties, la nouvelle propose trois versions d’une même « scène », trois variations sur un même thème ou les trois panneaux d’un triptyque, à partir de l’anaphore « Miranda slept in the orchard » (« In the Orchard » 143). La jeune fille s’est en effet assoupie à l’ombre d’un pommier, sombrant dans un espace qui défie les lois de la gravité. Ce n’est pas la pomme proverbiale de Newton mais le livre qu’elle lisait qui est tombé dans l’herbe, dévoilant une phrase pointée du doigt par Miranda et mise en exergue par l’irruption du français dans la nouvelle : « Ce pays est vraiment un des coins du monde où le rire des filles éclate le mieux… »1. Outre la mise en abyme évidente, ce n’est pas le rire des filles mais l’espace tridimensionnel qui éclate en dépit de la précision des mesures qui le balisent (« four feet above her head », « thirty feet above the earth », « two hundred feet above », ibid.) et qui rendent visibles la stratification de l’air et la superposition de couches jusqu’alors transparentes. La lumière du soleil et les sons portés par le vent apparaissent eux aussi comme des corps solides, matière opaque ou liquide poisseux : « The opals on her finger flushed green, flushed rosy, and again flushed orange as the sun, oozing through the apple trees, filled them » ; « [t]he sound floated out and was cut into atoms by a stock of fieldfares flying at an enormous speed » (ibid.). Les notes détachées les unes des autres ne peuvent plus former de mélodie, et la cacophonie de sons ainsi propagés de pomme en pomme fait des branches un carillon : « as if they were gongs of cracked brass beaten violently irregularly and brutally » ; « the very topmost leaves of the apple tree […] chimed with a pensive and lugubrious note » ; « bells thudded, intermittent, sullen, didactic » (ibid.). Le corps de Miranda, immobile et pris dans un réseau de cloches aux accents macabres, est assimilé aux éléments naturels qui l’entourent et l’ensevelissent presque : « Then, when the breeze blew, her purple dress rippled like a flower attached to a stalk ; the grasses nodded ; and the white butterfly came blowing this way and that just above her face » (ibid.), à tel point que l’on pourrait se demander si elle est réellement endormie ou s’il s’agit là d’une Ophélie ou d’une Dormeuse du Val. C’est finalement le grondement sourd du vent, au-dessus de tout le reste, qui tire Miranda de sa torpeur. Est-ce parce qu’il n’a ni œil ni conscience (« eyeless, brainless »2, id., 144) que le vent étire l’espace à l’infini et bouscule la perspective ?

1 La citation est extraite de Ramuntcho (1897) de Pierre Loti.

2 Rossana Bonadei assimile la vision de la première partie au vent qui balaye le paysage du regard et offre un « point de vue panoramique ». Elle suggère que Miranda serait elle-même une sœur du vent, qui voit le monde les yeux fermés, comme le poète (« what the poet saw with his eyes shut when the landscape had melted indistinguibly into the mood » [Virginia Woolf, « Flumina Amem Silvasque », Essays II, 162]) (Rossana Bonadei, « Glimpses

54

« Above everything else it droned, above the woods, the meadows, the hills, miles above Miranda lying in the orchard asleep. […] Miles below, in a space as big as the eye of a needle » (ibid.) : par la construction antithétique qui suggère l’interchangeabilité de l’immense et du minuscule, Miranda – et l’être humain, évidemment – est à la fois un point minuscule et le pivot autour duquel tourne la nouvelle, qui se poursuit dans la deuxième partie par le trou de la lorgnette, comme si la lectrice regardait elle aussi à travers l’« œil » d’une aiguille.

L’intrusion d’un doute au début de la deuxième partie (« – or perhaps she was not asleep », ibid.) marque l’instabilité de la description et fait pénétrer la perspective à l’intérieur de la rêverie de Miranda. Au moment où elle sombre dans le sommeil, son corps sombre dans la terre (« let her body sink », ibid.), et la narration sombre dans ses pensées, bercées par les bruits environnants qui font retour comme des échos, métamorphosés par les impressions de Miranda. Cette deuxième version de la scène montre bien le décalage de la perception, et chaque son perçu déclenche une pensée vagabonde. De même que Miranda se trouve au seuil du sommeil, à la limite de l’inconscient, le texte oscille entre discours indirect et discours indirect libre, comme si la répétition, en français qui plus est, « éclate … éclate … éclate … »3, avait fait éclater le point de vue adopté par la narration. Celle-ci hésite entre les pronoms de première et troisième personnes, et joue avec une ponctuation faite de virgules, guillemets, parenthèses, qui brouillent les distinctions entre les niveaux du discours :

the enormous earth which rises, she thought, to carry me on its back or, Miranda went on, I might be lying

(‘Ah, I have only to wait!’ she sighed)

Miranda jumped up and cried: ‘Oh, I shall be late for tea!’ (ibid., je souligne)

Le glissement des pronoms entremêle rêve et réalité, tandis que Miranda se perd dans un espace rendu impossible par les prépositions de localisation contradictoires : « it seemed to her that everything had already begun moving, crying, riding, flying round her, across her, towards her in a pattern » ; « she traced out the lines that the men, the carts, the birds, and the rider made over the countryside until they all seemed driven out, round, and across by the beat of her own heart » (ibid., je souligne). Pour autant, la voix narrative se détache petit à petit du corps de

into a system: ‘In the Orchard’ with Virginia Woolf », en cours de publication in TEXTUS – Rivista dell’Associazione Italiana di Anglistica, vol. 2, 2006, n. p.).

3 La répétition, et le livre abandonné dans l’herbe, pourraient rappeler le célèbre « Tolle, lege » (« prends et lis ») de Saint Augustin. Les mots, répétés comme une comptine par un enfant dont il entend la voix par hasard, deviennent une injonction à reprendre sa lecture, mettent un terme à ses hésitations et jouent un rôle capital dans sa conversion (voir Les Confessions, livre VIII, chapitre XII). Ici, la tension ne se joue pas entre plaisirs terrestres et rédemption divine mais entre narration conventionnelle et expérimentale ; il devient alors possible de lire la répétition comme une injonction à la voix narrative d’en éclater le format habituel et rigide.

55

Miranda. « I might be lying », semble-t-elle dire à la lectrice depuis la polysémie du verbe – duperie d’une narration couchée sur l’espace bidimensionnel de la page.

Introduite par une hésitation interrogative qui questionne la certitude et la construction du langage (« Miranda slept in the orchard, or was she asleep or was she not asleep? », ibid.), la dernière partie relègue l’humain à l’arrière-plan, fait taire les différents sons de cloches, et enferme l’unique évocation de Miranda dans une parenthèse4. « The whole was compacted by the orchard walls » (id., 145) : la description très précise (« There were twenty-four apple-trees », ibid.) ressemble à une ekphrasis, un tableau du monde encadré par les murs du verger et les pages de la nouvelle, organisé de manière parfaitement harmonieuse, respectant à la lettre les rapports dictés par la proportion : « Each apple-tree had sufficient space. The sky exactly fitted the leaves » (ibid.). L’oiseau ne fait pas voler la musique en éclat comme au début de la nouvelle, mais unifie l’espace en créant un motif : « A wagtail flew diagonally from one corner to another », « across the corner of the orchard the blue-green was slit by a purple streak » (ibid.). La diagonale anticipe le coup de pinceau final de Lily Briscoe à son tableau quasi abstrait tandis que la répétition de « slanting slightly » y ajoute un mouvement à peine perceptible, faisant de la scène un tableau mouvant qui annonce « The Lady in the Looking-Glass » ou les interludes de The Waves.

La nouvelle présente donc une triple description de l’espace qui s’étire et se rétracte, tantôt mesuré soigneusement, presque scientifiquement, tantôt perçu dans son rapport aux ondes lumineuses ou sonores qui s’y propagent ou encore démultiplié à l’infini dans la caisse de résonance de la conscience. Pour Miranda, l’espace du verger devient une synecdoque du monde, parcouru du brouhaha de la vie même : « she thought she heard life itself crying out from a rough tongue in a scarlet mouth, from the wind, from the bells, from the curved green leaves of the cabbages » (id., 144). Pour la lectrice, l’image de la langue émergeant de la bouche rouge, associée à la pomme et sifflant aux oreilles de la jeune fille ouvre un autre espace, espace intertextuel et lieu commun culturel, celui du serpent dans le jardin d’Eden5. Cette combinaison kaléidoscopique de l’espace multiple remet en question la centralité de l’humain dans le monde

4 Amy Bromley voit les parenthèses comme un moyen de recadrer la perspective en jouant sur le système de référence : « referring back and recalling another frame of reference » (Amy Bromley, « ‘Flying Round Her, Across Her, Towards Her in a Pattern’: Towards a Materialist Historiography of Virginia Woolf’s Short Fiction », in Journal of the Short Story in English [En ligne], n° 64, 2015, n. p. URL : <http://jsse.revues.org/1559>, consulté le 02/05/2017).

5 Cette référence est au cœur de l’étude d’Amy Bromley, qui analyse les liens entre le contexte de publication et les questions de canon littéraire : les publications successives de « In the Orchard » dans The Criterion (avril 1923) et dans Broom (1923) juxtaposent, dans une même revue, artistes modernistes et œuvres de l’avant-garde surréaliste. Amy Bromley indique donc que les résonances bibliques de la nouvelle sont accentuées par la présence, dans The Criterion, du poème « Le Serpent » de Paul Valéry (voir ibid.).

56

et, par ailleurs, souligne la place de la « fille » dans une société qui ne souffrira aucun retard à l’heure du thé6. Federico Sabatini exploite l’image du « prisme » afin de rendre compte de la déformation opérée à la fois par la conscience et par le langage7. Il analyse la nouvelle en tant que représentative de « l’omnispatialité »8 développée dans les nouvelles de Woolf qui ne tranche jamais l’ambivalence entre le « cadre de référence cartésien » mesurable et l’espace « traversé, interprété, et même recréé et métamorphosé par la conscience des personnages et par leur perception changeante »9. Il lit ainsi dans la structure de « In the Orchard » une juxtaposition d’une vision matérialiste de la réalité héritée de l’humanisme et d’une vision phénoménologique, représentant les « forces opposées qui agissent dans et sur l’esprit »10. Rossana Bonadei parle quant à elle d’une « dysphorie de la perception » proche d’une illusion d’optique à la limite de la sphère de l’intelligible, dans la mesure où la narration interrompt la vision et se retourne sur elle-même, rejouant la scène pour embarquer le personnage et la lectrice dans une « aventure cognitive ». « In the Orchard » serait donc le « texte épistémologique par excellence », puisque la seule histoire qui y est racontée est en fait celle du rapport entre le sujet et l’espace11. Sans doute la nouvelle nous place-t-elle autant « In Miranda’s mind » que « In the Orchard », mais cette juxtaposition révèle plutôt ce qui se trouve hors de la conscience de Miranda et que Virginia Woolf ressaisit dans l’espace de la nouvelle. La nouvelle délimite un espace textuel plutôt que géographique. Amy Bromley précise que chacune des « parties » de la nouvelle était séparée par une ligne vierge lors de sa publication dans The Criterion, lignes qui divisent et unissent chacune des réécritures de la

6 Rossana Bonadei rappelle que, même si la vie sociale est mise entre parenthèses, il revient à la femme de répondre à son appel : « A feeble but significant gender vibration wavers in the text, introduced right in the very first lines, where a sentence in French poses a female figure […] at the centre of narration and at the centre of the spatial processing […]. The girl’s name – Miranda – and the given spatial context – in a locus amoenus, on the grass, under the trees – inscribe the fille in a rich and well recognisable literary genealogy: a Shakespearean Miranda or a modern Alice in Wonderland, Woolf’s Miranda revives the myth of the young girl who faces the world, while boldly imagining other worlds » (Bonadei, « Glimpses into a system »).

7 « [C]onsciousness (and language) cannot recreate a stable immutable space nor can they fully grasp the measurably physical space in their mental or artistic ‘recreations’ » (Federico Sabatini, « ‘Dark pours over the outlines of houses and towers’: Virginia Woolf’s Prismatic Poetics of Space », in Elizabeth F. Evans et Sarah E. Cornish (dir.), Woolf and the City. Clemson : Clemson University Digital Press, 2010, p. 77-86, p. 78).

8 Sabatini reprend le terme d’Erich Auerbach, « omnitemporality », qu’il adapte à l’espace (voir Auerbach, « The Brown Stocking », in Mimesis, p. 525-553, p. 544).

9 Sabatini, « Virginia Woolf’s Prismatic Poetics of Space », p. 77.

10 Id., p. 80. Federico Sabatini fait explicitement référence à la phénoménologie développée par Merleau-Ponty, et insiste sur l’amalgamation de l’espace dans le corps autant que dans l’esprit de Miranda. Cette dernière est le point d’observation central, à partir duquel rayonnent la description du narrateur et les mesures de l’espace, tout en restant passive. L’espace permettrait donc d’amorcer le processus d’exploration de la conscience humaine comme élément passif ou actif, en confrontant réalisme et symbolisme, omniscience et interprétation (id., p. 78-79).

57

même scène12. La disparition de ces blancs dans la version publiée quelques mois plus tard dans Broom fait du texte un espace piégeux. Notre expérience de lecture s’en trouve modifiée, sans cesse interrompue et reprenant comme le mouvement de la pensée même, de telle sorte qu’il s’agirait de « lire en levant la tête »13, comme Miranda dont le livre glisse des mains.

I.1.D. « Wild outbursts of freedom »

Deux nouvelles furent rétrospectivement décrites par Woolf en termes apparemment peu flatteurs, dans une lettre à Ethel Smyth : « Green and blue and the heron were the wild outbursts of freedom, inarticulate, ridiculous, unprintable, mere outcries » (Letters IV, 16 oct. 1930, 231). Le choix des termes attire cependant mon attention : il ne s’agit pas ici de dénigrer purement et simplement des textes « ridicules, impubliables », dans la mesure où ceux-ci constituent surtout des prises de liberté. La répétition du préfixe « out- », la négation introduite par les préfixes « in- » et « un- », et l’insistance sur l’absence d’articulation de ces « cris » en font des écarts de la norme, des éclats préverbaux qui indiquent qu’il s’agit bien de franchir les limites des structures établies du langage.

Si « Blue and Green » fut en effet laissé de côté en 1944 lors de la réédition posthume des nouvelles de Virginia Woolf par Leonard Woolf, qui justifie ce choix dans la préface1, « Monday or Tuesday » donna en revanche son titre au recueil publié en 1921. En dépit de la réévaluation a posteriori dont témoigne la remarque précédente, ce choix trahit l’importance pour Woolf d’une nouvelle qui exprime le projet énoncé dans « Modern Fiction » (1925) : « Let us record the atoms as they fall upon the mind », « as they shape themselves into the life of

Monday or Tuesday » (« Modern Fiction », Essays II, 160, je souligne). Woolf reprend plus tard l’image de l’atome et précise :

The idea has come to me that what I want now to do is to saturate every atom. I mean to eliminate all waste, deadness, superfluity: to give the moment whole; whatever it includes. Say that the moment is a combination of thought; sensation; the voice of the sea. Waste, deadness, come from the inclusion of

12 Bromley, « Towards a Materialist Historiography ». Elle interroge le texte à la lumière de ces séparations, évoquant la possibilité qu’il s’agisse de trois scènes différentes en série et non dans une seule et même nouvelle.

13 Christine Reynier reprend l’expression de Roland Barthes dans « Écrire la lecture » (Roland Barthes, Le Bruissement de la langue. Essais Critiques. Paris : Seuil, 1984, p. 33, cité dans Reynier, Woolf’s Ethics of the Short Story, p. 160).

1 « I am practically certain that she would not have included ‘Blue and Green’ » (Virginia Woolf, A Haunted House and Other Stories. Londres : Hogarth Press, 1944).

58

things that don’t belong to the moment; this appalling narrative business of the realist: getting on from lunch to dinner: it is false, unreal, merely conventional. (Diary III, 28 nov. 1928, 209)

Il ne s’agit plus seulement de rendre compte de la multitude d’« atomes » qui nous assaillent de toutes parts, mais d’en percer le noyau. Ce complément explique en outre la clocherie introduite par « or », qui fait des deux jours habituellement successifs des entités interchangeables. « Monday or Tuesday » dénonce l’artifice des intrigues suivant la chronologie imposée par l’ordre trivial et arbitraire qui fait se succéder le déjeuner et le dîner. L’absurdité d’une vie suivant son cours au fil des jours transparaît de même de manière évidente dans The Waves, où les répétitions et inversions perturbent la procession des jours de la semaine :

Life is pleasant. Life is good. The mere process of life is satisfactory. […] Tuesday follows Monday; Wednesday Tuesday. (W 201)

After Monday, Tuesday comes. (W 206)

Life is pleasant; life is good. After Monday comes Tuesday, and Wednesday follows. (W 208) Tuesday follows Monday; Wednesday, Tuesday. Each spreads the same ripple. (W 217)

On pourrait ajouter que le titre « Blue and Green » n’est pas moins trompeur : l’ordre créé par la conjonction de coordination n’est qu’une illusion puisque le vert est évoqué en premier et précède le bleu. Bribes inarticulées ou élans de liberté, les deux nouvelles prolongent le tourbillon des couleurs de « Kew Gardens », et opèrent une re-catégorisation, voire une dé-catégorisation, du cadre spatio-temporel habituel. Ce chamboulement passe par les jeux du langage dans la syntaxe discontinue de « Monday or Tuesday » et jongle avec les sonorités colorées de « Blue and Green ».

Katherine N. Benzel lit dans les deux nouvelles une nouvelle forme de narration qui subsume la dichotomie conventionnelle entre la raison et l’émotion, et qui établit une connexion entre la lectrice et l’autrice2. Selon elle, le partage de la créativité entre ces derniers ne passe pas par une accumulation de détails, comme c’est le cas dans une intrigue conventionnelle, mais

Documents relatifs