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Les délais d’attente se sont accrus avec un risque de perte de chance

2 LES CAMSP, CMPP ET CMP-IJ FONT FACE A DES PROBLEMATIQUES CONVERGENTES ET A

2.2 Les centres sont soumis à de fortes contraintes sur les moyens

2.3.1 Les délais d’attente se sont accrus avec un risque de perte de chance

Dans les CMPP, les délais moyens d’attente étaient d’environ 6 mois entre un premier contact et un premier rendez-vous médical en 2006 et en 2010, avec une légère hausse du temps d’attente entre la première consultation médicale et le début de la prise en charge (3,5 mois en 2010 contre 3,4 mois en 2006). En 2016, les délais d’attente entre le premier contact et la prise en charge sont en moyenne de 7,3 mois.

Dans les CMP-IJ, un certain niveau de saturation a vraisemblablement été atteint depuis quelques années, ce qui se traduit par l’allongement moyen des délais d’attente. En 2008, le délai pour obtenir une première consultation avec un médecin nécessitait ainsi une attente d’une semaine à un mois

132 Source : Intervention du réseau Santé Arc en Ciel lors des Journées de l’ANECAMSP.

dans 42 % des cas et de plus de 3 mois dans 14 % des cas (chiffres RAPSY). D’après les professionnels auditionnés par la mission, cette durée d’attente aurait augmenté, ce qui corrobore des constats formulés dans le rapport d’information du Sénat de 2017 sur la psychiatrie des mineurs133.

Dans les CAMSP, les délais moyens d’attente étaient de 5 mois entre un premier contact et le début de prise en charge en 2010 (contre 4,5 mois en 2006) avec une légère hausse du temps d’attente entre la première consultation médicale et le début de la prise en charge (3,5 mois en 2010 contre 2,9 mois en 2006). En 2016, 13 % des enfants attendent plus de 6 mois avant leur première consultation médicale. Les délais d’attente entre le premier contact et la prise en charge sont en moyenne de 4,3 mois, ce qui indique une légère baisse depuis 2010.

Délais moyens d’attente aux moments clés du parcours en centre

Délais d'attente moyens CAMSP CMPP

Entre le premier contact et le premier rendez-vous médical Source : Mission d’après DREES, CNSA. Les données ne sont pas disponibles pour les CMP-IJ.

Ces délais d’attente peuvent aboutir sur un report de la demande sur d’autres services moins adaptés, dont notamment les urgences pédiatriques ou psychiatriques

Les situations qui ne peuvent pas être prises en charge au CMP-IJ sont réorientées, en cas de besoin, vers les urgences. Celles-ci deviennent un sas d’entrée vers les CMP-IJ qui permet d’éviter les files d’attente.

Selon les professionnels des services des Départements rencontrés, le passage aux urgences est devenue une étape fréquente dans le début de la prise en charge des adolescents bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance en situation de crise, faute de dispositif d’accueil disponible le soir et en fin de semaine pour soulager les services sociaux.

Si cette prise en charge médicale suffit dans certains cas à apaiser la situation à court-terme, elle n’est pas adaptée aux besoins de l’adolescent et ne peut se substituer à un suivi médical et à un projet de soins de long-terme, en lien avec les services de l’aide sociale à l’enfance.

133 Rapport d’information de Michel AMIEL au nom de la mission d’information du Sénat sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France de 2017.

Les centres ne peuvent plus remplir l’ensemble de leurs missions

Si les professionnels des CAMSP, CMPP et CMP-IJ reconnaissent tous la valeur ajoutée des partenariats pour la qualité de la prise en charge, ils ont indiqué à la mission que leurs équipes n’ont malheureusement plus le temps de s’y consacrer autant qu’auparavant134.

Selon la CNSA, la moitié des CAMSP ont participé à moins de 38 réunions d’équipe de suivi de la scolarisation (ESS) en 2016. Selon des professionnels rencontrés par la mission, le médecin ne peut se rendre physiquement à l’école que pour cinq ou six réunions par an. Il est donc contraint de choisir les réunions prioritaires en raison de la complexité de la situation ou du caractère stratégique de la décision à prendre (sortie en Unités localisées pour l'inclusion scolaire, réorientations). Pour de nombreuses réunions, les professionnels doivent envoyer leurs directives par courriel ou contacter les enseignants par téléphone, faute de temps pour s’y rendre135.

De même, les équipes du CMP Adolescents de Thuirs (Pyrénées-Orientales) ont indiqué à la mission que le centre participait, dans le passé, à des réunions suivi scolaire santé social (4S). Ciblées sur les collèges d’éducation prioritaire, ces réunions mensuelles rassemblaient des professionnels de santé et l’équipe technique du collège afin d’évoquer les cas problématiques et d’exercer une régulation des flux en amont grâce au partage d’avis cliniques avec l’équipe pédagogique. Inspirée d’une expérimentation menée à Poitiers, cette intervention du CMP-IJ à l’école était jugée très utile mais n’est plus possible faute de moyens et compte tenu de la hausse des files actives.

En 2016 selon la CNSA, les personnels des CAMSP n’ont pu consacrer en moyenne que 5 jours par an et par équivalent temps plein (ETP) à leur propre formation continue et à la réactualisation de leurs compétences. Des professionnels rencontrés ont indiqué devoir se former sur leur temps personnel et/ou en finançant leurs formations avec leurs propres moyens.

S’agissant des actions de formation des partenaires dans le cadre de la « mission ressource » (interventions de leurs professionnels dans des colloques ou journées d’étude), elles mobilisent en moyenne 10 jours par an dans chaque CAMSP selon la CNSA. Toutefois la valeur médiane (deux jours par an) indique une forte dispersion selon les centres136. Des professionnels rencontrés dans les CMPP ont indiqué une participation d’une ou deux journées par an au maximum, leur temps de soin étant déjà insuffisant pour réduire les listes d’attente (cf. 2.3.2).

Dans certains cas, l’attente peut aboutir à un retrait ou à une évolution de la demande.

En Guadeloupe, les délais d’attente pour obtenir le premier rendez-vous médical en CAMSP peuvent aller jusqu’à un an, selon l’ARS. Selon une mission d’inspection conjointe ARS - PMI sur les CAMSP du département d’outre-mer en 2017, l’attente moyenne entre le premier contact et le début de la prise en charge était de 15 mois. Dans les CMPP, la file active comprend 533 enfants malgré un agrément fixé pour 140 enfants. Ainsi, l’attente est de 18 mois entre l’inscription et le premier rendez-vous médical en CMPP, comme au CMP-IJ de Pointe-à-Pitre.

134 La mission note aussi que l’absence de systèmes d’informations adaptés freine la fluidité de ces échanges, d’autant plus que l’utilisation de messageries électroniques non sécurisées et l’absence de protocole consensuel sur les échanges d’informations confidentielles contrevient aux règles du secret médical.

135 De la même façon, beaucoup de libéraux qui prennent en charge les enfants en complément du centre ne peuvent pas participer aux réunions de synthèse, leur participation n’étant pas valorisée comme un acte et ne faisant pas l’objet d’une compensation.

136 Donnée recueillie par la CNSA sur une base de 169 CAMSP.

De la même façon, dans certains CMPP, les délais d’attente conduisent les professionnels à refuser d’inscrire de nouveaux enfants sur la liste d’attente. Ainsi, le secrétariat peut demander aux familles de rappeler à la fin de l’année scolaire ou à la rentrée prochaine, ce qui conduit à priver de suivi un enfant pendant plusieurs mois.

De tels délais sont de nature à dissuader les familles et à engendrer une évolution significative de la situation clinique entre le moment de la demande et celui de la prise en charge. S’il est parfois possible d’observer, après le temps d’attente, une situation apaisée (cas des demandes « virtuelles » dues à une obligation de soins par l’Education nationale ou l’ASE, cas des troubles réactionnels dus à une difficulté précise qui aurait pu se dénouer), l’absence de soins en temps utile risque surtout de conduire à une perte de chance et à une aggravation, voire une chronicisation, des troubles.

Ces délais excessifs constituent, en tout cas, une rupture de l’égalité des droits des enfants à accéder aux soins.

2.3.2 Les centres mettent en place des stratégies pour gérer ces listes d’attente, dont