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L’objet de ce paragraphe est de recenser les dégradations de lames de découpage déjà observées par la littérature sur le découpage à froid et à chaud.

2.6.1 Découpe à température ambiante d’aciers doux

Très tôt, la littérature s’est attachée à décrire la dégradation des outils de découpage à froid [Maeda+1967;Luo1997]. Dès 1967, Maeda [Maeda+1967] décrit la forme des poinçons après découpage. Maeda [Maeda+1967] montre que les poinçons ("SBD" 192HV20) découpant une tôle d’acier de 0,5 mm d’épaisseur présentent des usures en "cratère" (crater wear) ou en "pente" (slope wear).

Plus tard, grâce à l’utilisation d’un microscope électronique à balayage permettant une meilleure description des endommagements, Luo [Luo1997] montre (figure2.33) que des poinçons en SKH9 (acier rapide HS6-5-2 à 62 HRC) découpant des tôles d’acier AISI 52100 (nuance 100Cr6) de 11,5 mm d’épaisseur présentent les mécanismes d’usure suivants :

— du micro-écaillage sur la face d’attaque (figure2.33.A), — des fissures sur la face d’attaque (figure2.33.B),

— de l’usure par abrasion sur la face de dépouille (figure2.33.C),

— de l’usure par adhésion du matériau de tôle sur la face de dépouille (figure2.33.D). Luo [Luo1999] explique que le micro-écaillage est accentué par la taille des stries d’usinage de la face d’attaque car elles agissent comme des ancrages mécaniques qui s’ouvrent avec la découpe de la tôle. D’après Luo [Luo1999], les fissures sur la face d’attaque en face de dépouille sont soit d’origine mécanique, soit d’origine thermique (augmentation de la température locale du poinçon lors de la découpe liée à l’échauffement adiabatique de la tôle). Selon Luo [Luo1999], l’usure par abrasion est liée à la propagation de micro-fissures le long de la face de dépouille dont les amorçages peuvent être liés encore une fois aux stries d’usinage. L’usure par adhésion en face de dépouille est le fruit d’un frottement très intense et localisé qui "soude" le matériau de tôle à l’outil. L’adhésion engendre une augmentation des forces de frottement et il en résulte des ruptures locales du matériau d’outil.

A B

C D

Figure 2.33 – Dégradations en face d’attaque d’un poinçon SKH9 (acier rapide 62 HRC) découpant des tôles d’acier AISI 52100 (100Cr6) de 11,5 mm d’épaisseur, d’après [Luo1999]. (A) Micro-écaillage. (B) Micro fissures sur l’arête de coupe en face d’attaque. (C) Vue générale de la face de dépouille. (D) Adhésion du matériau de tôle sur la face de dépouille

2.6.2 Découpe à température ambiante de tôles d’acier

22MnB5 martensitique

Picas [Picas2012] observe (figure2.34), en découpage à froid du 22MnB5 martensitique (2 mm d’épaisseur) sur des outils en HS6-5-4 et DIN 1.3202 (HS-12-1-5-5) ayant effectué 10000 cycles, des dégradations de type écaillage et fissurations (figures2.34.A et2.34.C), de l’adhésion du revêtement de la tôle Al-Si sur les lames (figure 2.34.B) et de la déformation plastique.

Selon Picas [Picas2012], le micro-écaillage des outils de découpe est la résultante de l’amorçage, de la coalescence et de la croissance de micro-fissures partant en dessous de la surface de l’outil et notamment des carbures de chrome vanadium constituant l’outil. Les fissures rejoignent la surface ce qui provoque la rupture d’un morceau de matière. D’après Picas [Picas2012], la déformation plastique de l’arête de coupe est liée à une dureté locale plus faible qu’à coeur et à un chargement mécanique localisé très intense (de l’ordre de 1600 MPa, d’après les résultats des simulations éléments finis de Picas

[Picas2012]) qui provoque l’écoulement du matériau.

Pour la même nuance de tôle, Nothhaft [Nothhaft2014] et So [So2015] observent aussi une déformation plastique de l’arête de coupe (lames en X153CrMoV12 à 60 HRC) qui s’écoule de la face d’attaque vers la face de dépouille (figure 2.35).

A B

C D

Figure 2.34 –Dégradations de lames de découpage de tôles 22MnB5 martensitiques de 2 mm d’épaisseur, d’après [Picas2012]. (A) Rupture de l’arête (lames en HS6-5-4). (B) Adhésion du revêtement Al-Si de la tôle sur l’arête de coupe. (C) Fissures en

face d’attaque de la lame en HS-12-1-5-5. (D) Abrasion de la lame en HS-12-1-5-5 en face d’attaque

A B

Figure 2.35 – Exemples de déformation plastique de l’arête de coupe d’une lame en X153CrMoV12 à 60 HRC observés par la littérature. (A) Après 59000 cycles selon [Nothhaft2014]. (B) Selon [So2015]

2.6.3 Découpage à chaud de tôles épaisses en acier

Torres [Torres+2013] présente les endommagements observés sur une lame de cisaillage à chaud (approximativement 800◦C) en X38CrMoV5-3 (640 HV

10) d’une tôle épaisse

(50 mm) en acier doux (nuance non communiquée) au bout de 17000 cycles. Son analyse montre que les endommagements sont relatifs à des aspects thermiques comme la corrosion et la fatigue thermique. Des observations macroscopiques (figure2.36) révèlent que l’outil est complètement couvert d’oxyde, sauf sur l’arête de coupe. De plus, la face d’attaque (rake face) subit un délaminage prononcé (figure2.36.A). Dans la direction parallèle à l’arête de coupe, de la déformation plastique est observée en face de dépouille (flank face, figure 2.36.B). Les chargements mécaniques forts (600 MPa) combinés à une forte élévation de la température (450◦C au niveau de l’arête de coupe pour des

températures de tôles comprises entre 700◦C et 800◦C) peuvent amorcer ces dégradations

[Torres+2015].

A B

Figure 2.36 – Observation macroscopique d’une lame de cisaillage à chaud en X38CrMoV5-3 après 17000 cycles d’utilisation, d’après [Torres+2013]. (A) Face d’attaque. (B) Face de dépouille

En outre, l’arête de coupe présente des fissures perpendiculaires au fil de la lame (donc parallèle à la direction de glissement) et régulièrement espacées de 200 µm suggérant une dégradation résultant d’une sollicitation de type fatigue thermique (figure2.37). Selon Torres [Torres+2013], la géométrie locale de la lame (angle d’attaque et faible rayon) favorise le transfert thermique ce qui conduit aux déformations thermiques, à l’amorçage et à la propagation des fissures (figure 2.37.A). De plus, le gradient thermique lié à la massivité de la lame accélère la dégradation par fatigue thermique. Des micrographies montrent que des oxydes fragiles de chrome et de molybdène se forment en fond de fissure ce qui suggère que les fissures canalisent l’oxygène (figure 2.37.B) et que la fissuration a lieu pendant l’opération. La dégradation observée est de la corrosion.

A B

Figure 2.37 – Observation en coupe de l’arête de coupe d’une lame de cisaillage à chaud en X38CrMoV5-3 après 17000 cycles d’utilisation, d’après [Torres+2013]. (A) Fissure se propageant dans la lame. (B) Cartographie des éléments chimiques en présence

2.7 Indicateurs expérimentaux de la cinétique