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Dégradation de la tenue au flux laser en multicoup

1.4 Etude bibliographique de l’impact de la contamination chimique dans le domaine des lasers

1.4.3 Dégradation de la tenue au flux laser en multicoup

Les travaux présentés ci-dessous relèvent des fabricants de laser, de l’utilisation des lasers dans le domaine spatial ou encore de grands projets utilisant des lasers.

La génération de dommages sur les optiques d’un laser en cadence résultant de pollution organique à l’état de traces (ppm) a été montrée par Hovis35, il y a plus d’une dizaine

d’années. Les éléments sous test étaient des hublots en quartz irradiés par un laser Q-switched Nd:YAG à 1,06 µm à une fluence de 0,6 J/cm² à 20 Hz durant 6 heures. Les produits siliconés et les aromatiques sont responsables d’une pollution systématique des optiques et ce pour des concentrations résiduelles très faibles. Il constate que l’initiation de dommages par les hydrocarbures est accompagnée d’une émission de photons dans le visible. Ces dommages se présentent sous la forme d’un dépôt d’une couche graphitique. Dans le cas des silicones, le dépôt croit sous forme dendritique, et sa composition est différente de celle du matériau testé. Il existe donc un processus photo-induit de dépôt et de dégradation des molécules. De plus, seuls les aromatiques (toluène) provoquent des dommages sévères. Il montre que le temps nécessaire à l’apparition du premier dommage est inversement proportionnel à la concentration en polluant (toluène). En outre, la présence d’oxygène est défavorable à l’apparition de dommages. L’initiation thermique des dommages a été écartée, l’élévation en température provoquée par le laser étant trop faible. La cause de l’endommagement n’est pas expliquée mais il pose la question du rôle des défauts de surface et dans le cas d’une contamination par des silicones, il suspecte une absorption multiphotonique.

33 R. Chow, R. Bickel, J. Ertel, “Cleanliness validation of NIF small optics”, Proc. of SPIE, vol. 4774, 2002 34 “Damage in fused silica spatial filter lenses on omega laser system”, LLE Review, volume 78

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Floyd E. Hovis, Bart A. Shepherd, Christopher T. Radcliffe, Henry A. Maliborski, “Contamination damage in pulsed 1 µm laser”, Proc. of SPIE, vol.2714, p707; 1994

Des travaux similaires à ceux de Hovis ont été menés par Scurlock36. Il étudia l’effet de la contamination par du toluène sur des optiques en silice polies irradiées à 1064 nm à une fluence de 800 mJ/cm². Contrairement à Hovis, aucune couche graphitique n’a été observée sur ces optiques. Cependant, ils montrent tous les deux : l’effet bénéfique de l’oxygène et l’apparition des dommages d’autant plus rapide que la concentration en toluène est importante. La cause de l’endommagement est inconnue mais ne peut pas être expliquée par une « simple » réaction photochimique. Des expériences similaires menées avec de l’acétone ne montrent aucun endommagement même à des concentrations très importantes.

Pour une application du système laser LIDAR, Sheng37 étudia l’effet du dégazage de rubans adhésifs chauffés entre 45 et 60° C sur la tenue au flux de hublots irradiés par un laser Nd :Yag à 1064 nm à une fréquence de 20 Hz et une fluence de 1 J/cm² dans des conditions de vide secondaire l. Le type de contaminants dégazés et la morphologie du dommage varient en fonction du ruban adhésif utilisé. Une analyse chimique préalable recense les composés dégazés en majorité par chaque ruban adhésif; pour le stycast 2850, il s’agit des xylènes et du dibutylphthalate. Le type de dommages qui apparaît est, selon l’auteur, caractéristique de la propagation de microfractures subsurfaciques. Le dégazage du ruban adhésif aurait donc accéléré le phénomène.

Le vieillissement de composants optiques sous différents environnements, et irradiés sur de longue période, a été étudié par Bruel38 dans le but de déterminer les conditions optimales de fonctionnement du système laser du projet SILVA (vide de 10-3 mbar, pression faible 10 mbar, air propre, gaz neutre), et pour lesquelles les interventions humaines de nettoyage sont les moins fréquentes. Plusieurs configurations expérimentales ont été étudiées : longueur d’onde de 511 nm, 532 nm, 578 nm, fréquence entre 5 kHz et 20 kHz, intensité entre 1 kW/cm² et 10 kW/cm², durée d’exposition entre 250 et 500 heures. Il constate que la pollution organique se dépose dans la zone irradiée par le laser, et préférentiellement sur les défauts de surface des optiques sous forme de gouttes de moins de 0,1 µm à 10 µm. Ces dernières se regroupent et ont tendance à former un film quand l’exposition se prolonge. L’échauffement induit par le laser donne de la mobilité aux molécules en surface qui se déplacent vers les zones moins chaudes. La pollution se retrouve sur les bords du faisceau. Une mesure ESCA des espèces présentes au niveau des marques du faisceau montre que le carbone est sous forme aliphatique C-H et C=C. Par conséquent, les dommages apparaissent sur les optiques traitées par élévation de température due à l’augmentation de l’absorption induite par le dépôt de carbone. Il montre que l’apparition des dommages dépend de la longueur d’onde, la pression et la fluence, et confirme le rôle favorable de l’oxygène.

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C. Scurlock, “A phenomenological study of pollution enhanced laser-induced damage in sealed lasers”, Proc. of SPIE vol. 5647, p 86, 2004

37 Chad Y. Sheng, “Effects of laser induced damage on optical windows in the presence of adhesives under

simulated thermal vacuum conditions”, Proc. of SPIE, vol. 6403, 64030H, 2007

Enfin, Becker39 a étudié les mécanismes physico-chimiques mis en jeu lors de la dégradation de couches minces de silice sous flux laser (532 nm, 10 Hz, 100 ns, 600 mJ/cm²) polluées par du toluène. Il constate une augmentation de la cinétique de dépôt à une pression partielle de toluène de 10-7 mbar sous vide. En fait, selon son schéma phénoménologique, les molécules de toluène sont adsorbées en surface, l’énergie apportée par le laser conduit à une dissociation d’une partie des molécules qui vont créer des liaisons chimiques avec le substrat. Les molécules constitutives du dépôt sont dégradées chimiquement par le laser, l’augmentation de l’absorption de dépôt conduit à une élévation de la température de la surface soumise au flux laser jusqu'à la rupture thermomécanique de la silice.

Il a donc été démontré que la pollution chimique pouvait être responsable d’un endommagement des optiques. En multicoup, le dépôt de polluant est photoinduit et le dommage apparaît suite à une élévation de la température de l’optique due à l’augmentation de l’absorption du dépôt en surface. Le paragraphe suivant est un état des lieux des études menées sur les problèmes de pollution moléculaire dans nos conditions particulières (monocoup, forte fluence).