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PARTIE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

I. 2 : Dégradation anaérobie

La biodégradation anaérobie fait référence à un enchaînement d’étapes métaboliques souvent simultanées où les sous-produits d’une étape deviennent les substrats de l’étape suivante. Les produits de cette chaîne de réaction sont majoritairement le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), dont le mélange est communément appelé biogaz. Les trois étapes de la dégradation anaérobie de la matière organique ont été abondamment décrites dans la littérature (Aragno, 1988 ; Christensen et al., 1989) :

1. La fermentation acide ou l’acidogénèse des molécules hydrolysées en Acides Gras Volatils (AGV), alcools, hydrogène et dioxyde de carbone par des bactéries fermentatives.

2. L’acétogénèse, où les bactéries acétogènes transforment les AGV (principalement les acides organiques de 3 à 6 atomes de carbone) et les alcools en l’AGV le plus simple : l’acide acétique, en hydrogène et en dioxyde de carbone.

3. La méthanogénèse qui est l’étape finale conduisant à la production de méthane et de dioxyde de carbone soit à partir de l’acide acétique par les méthanogènes acétoclastes, soit par la voie hydrogénophile où les bactéries convertissent l’hydrogène et le dioxyde de carbone en méthane.

Les bactéries acidogènes sont anaérobies facultatives, c'est-à-dire qu’elles vont prioritairement consommer l’oxygène présent mais peuvent vivre en conditions anaérobies, alors que les acétogènes et les méthanogènes sont anaérobies strictes.

La chaîne de réaction de méthanisation qui transforme la matière organique en méthane et en dioxyde de carbone est faiblement exothermique par rapport à la réaction aérobie (401 kJ pour une mole de glucose convertie en 3 moles de CH4 et trois moles de CO2, Gourdon, 2002). Selon Hartz et al. (1982), la température optimale de dégradation anaérobie pour les ordures ménagères est comprise entre 35 et 41°C. La méthanogénèse et plus généralement la croissance anaérobie sont ralenties à une température inférieure à 20°C (Gourdon, 2002).

En conditions réelles de centre de stockage, les trois phases de la dégradation anaérobie décrites ci-dessus sont précédées par une courte phase aérobie pendant laquelle l’oxygène résiduel contenu dans les pores du déchet est consommé par des microorganismes aérobies. La durée de cette phase est fonction des possibilités de diffusion de l’oxygène dans le massif de déchet à partir de la surface (Aguilar-Juarez, 2000), ie : le mode de mise en place des déchets (fréquence et épaisseur des couches), la qualité du compactage des déchets, la présence d’une couverture temporaire, l’intensité des précipitations pendant la phase d’exploitation. C’est pendant cette phase, grâce au dégagement de chaleur caractéristique de l’activité biologique aérobie que le déchet subit une montée en température. Durant cette phase, certains polymères difficilement biodégradables sont solubilisés et donc rendus accessibles pour la phase anaérobie à venir. D’après Aguilar-Juarez (2000), entre 5 et 15 % de la matière organique est consommée durant cette phase.

Figure 4 : Evolution de la composition du biogaz au cours de la biodégradation (Rees, 1980)

Le suivi du gaz produit tout au long de la vie d’une décharge renseigne sur les processus biologiques au sein du massif, et donc permet d’appréhender la succession des différentes phases théoriques de la dégradation de la matière organique. Le graphique publié par Farquhar et Rover en 1973, repris et complété par de nombreux auteurs (Rees, 1980 ; Christensen et al., 1989 ; Reinhart et al., 1996 ; Williams, 1998 ; Pohland et al., 1999) montre l’évolution de la composition du biogaz au cours de la stabilisation des déchets (Figure 4). Différentes phases se distinguent : la phase aérobie, la phase d’anaérobie non méthanogène, dite de transition, la phase de formation d’acides comprenant l’hydrolyse et

l’acidogénèse, la phase de méthanogénèse stable puis le déclin final qui voit les concentrations en CO2 et CH4 chuter.

Facteurs d’influence

Paramètres / Commentaires Références

Humidité Taux d’humidité optimal :

60 % et plus Pohland (1986) et Rees (1980)

Oxygène Potentiel Redox optimal pour la méthanogénèse:

-200 mV -300 mV < -100 mV

Farquhar & Rovers (1973) Christensen & Kjelden (1989) Pohland (1980)

pH pH optimal pour la méthanogénèse

6 to 8 6,4 to 7,2

Ehrig (1983)

Farquhar and Rovers (1973)

Alcalinité Alcalinité optimale pour la méthanogénèse :

2000 mg.L-1

Concentration en acides organiques max. pour la méthanogénèse :

3000 mg.L-1

Farquhar and Rovers (1973)

Farquhar and Rovers (1973)

Température Température optimale pour la méthanogénèse :

40 °C 41 °C 34-38 °C Rees (1980) Hartz et al. (1982) Mata-Alvarez et al. (1986)

Hydrogène Pression partielle d’hydrogène pour l’acétogénèse

inférieure à 10-6 atm.

Barlaz et al. (1987)

Nutriments Généralement en quantité suffisante sauf zone

localisée due à l’hétérogénéité des déchets

Christensen & Kjelden (1989)

Sulfate Concentration de sulfates élevée ralentit la

méthanisation (compétition avec les bactéries sulfactoréductrices)

Christensen & Kjelden (1989)

Inhibiteurs Légère inhibition causée par les cations suivants (en mg.L-1) : Sodium 3500-5500 Potassium 2500-4500 Calcium 2500-4500 Magnésium 1000-1500 Ammonium (total) 1500-3000 Métaux lourds :

Pas d’influence significative Composés organiques :

Inhibiteur pour des concentrations élevées

McCarty & McKinney (1961)

Ehrig(1983)

Christensen & Kjelden(1989)

Tableau 1 : Facteurs influençant la dégradation biologique en CSD (Yuen, 1999)

L’installation des conditions nécessaires au développement des microorganismes anaérobies dans un centre de stockage peut être longue (plusieurs mois voire plusieurs années) du fait de la présence d’inhibiteurs. En effet, certaines espèces présentes dans le milieu peuvent limiter, suivant leur concentration et leur disponibilité dans le milieu, la capacité métabolique de la flore microbienne : les hydrocarbures chlorés, les AGV, les détergents, les substances analogues au méthane (chloroforme), l’ammoniaque, les oxydants tels que l’oxygène (Taylor, 1982). Les conditions du milieu comme la température, le potentiel redox, l’humidité, la quantité de nutriments, le pH peuvent aussi être responsables d’un ralentissement ou d’une disparition de l’activité microbiologique (Gourdon, 2002). Le Tableau 1, d’après Yuen (1999), résume l’état des

connaissances des différents facteurs et conditions de milieu qui affectent le développement des bactéries.