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1. Synthèse bibliographique

1.4 La biodégradation des HAP

1.4.2 Dégradation aérobie

1.4.2.1 Cas des HAP légers

1.4.2.1.1 Implication des bactéries

L’étude de la dégradation aérobie du naphtalène comme HAP modèle a permis de mettre en évidence la voie catabolique de cette molécule chez une variété de souches bactériennes

(Cerniglia 1992), puis de caractériser précisément les voies de dégradation de différents HAP

de faible poids moléculaire (naphtalène, phénanthrène, anthracène, fluorène), qui peuvent différer notamment de par la position des carbones attaqués.

La dégradation de ces molécules peut être réalisée par une variété d’espèces bactériennes

différentes, appartenant par exemple aux Actinobacteria (Mycobacterium spp., Rhodococcus

spp., Arthrobacter sulphureus RKJ4), Alpha- (Rhizobium galegae, Sphingomonas paucimobilis EPA 505, Beijerinckia mobilis), Beta- (Ralstonia sp., Comamonas sp., Alcaligenes sp.), Gamma-Proteobacteria (Pseudomonas aeruginosa, Cycloclasticus sp., Haemophilus spp.), Firmicutes (Bacillus subtilis, Stapphylococcus sp. PN/Y) et Bacteroidetes (Flavobacterium spp.) (Peng et al. 2008; Fernández-Luqueño et al. 2011; Vila et al. 2015;

Gupta et al. 2015; Bisht et al. 2015).

Globalement, après l’incorporation de deux atomes d’oxygène dans le cycle aromatique par une dioxygénase, le cis-dihydrodiol produit est transformé en catéchol par une déshydrogénase. Puis suivant la position des groupements hydroxyles de cette molécule, une ortho- ou une méta- fission du composé aromatique par une deuxième dioxygénase, permet la production respectivement d’acide succinique et d’acétyle CoA (en position ortho) ou d’acide pyruvique et d’acétaldéhyde (en position meta), pouvant par la suite rejoindre le métabolisme

du carbone via le cycle de Krebs (Figure 1.13). Actuellement les voies de dégradation

d’autres HAP sont connues et des étapes similaires à celles décrites pour la dégradation du

Figure 1.13. Synthèse des principales voies de biodégradation des HAP légers en aérobiose et en anaérobiose, chez les bactéries et les champignons, (d’après Cerniglia et al. 1992, Peng et al. 2008 et Haritash et al. 2009).

Gènes de dégradation : les HAP dioxygénases 1.4.2.1.1.1

Le genre bactérien Pseudomonas putida a été le premier à partir duquel les gènes de

dégradation des HAP et notamment la dioxygénase PAH-RHD (Ring Hydroxylating Dioxygenase) ont été identifiés. Depuis ces gènes de dégradation ont été identifiés chez une

variété de genres bactériens (Habe and Omori 2003). Les HAP dioxygénases sont impliquées

dans la première étape du métabolisme aérobie des HAP. Bien que ces enzymes présentent une variabilité et une spécificité selon les composés, certaines d’entre elles permettent

l’oxydation de plusieurs molécules (Cerniglia 1992). Cette enzyme clé est constituée de 3

éléments : une ferredoxine, une ferredoxine-réductase et une protéine fer-soufre, elle-même

formée de 2 sous-unités alpha et beta (Habe and Omori 2003).

Il existe une variabilité de la sous-unité alpha de cette enzyme, selon la spécificité de substrat

et selon que les dioxygénases sont produites par des bactéries à Gram-positif (Actinobacteria)

ou à Gram-négatif (Proteobacteria). Ainsi, ces enzymes, et les gènes codant leur synthèse,

sont des cibles privilégiées pour quantifier les populations impliquées dans la biodégradation des HAP. Afin de pouvoir quantifier par la technique de PCR (polymerase chain reaction) quantitative en temps réel l’abondance de ces populations bactériennes, potentiellement capables de dégrader les HAP dans les sols, deux couples d’amorces dégénérées, ciblant le

(2008). Ces amorces ont été construites dans le but de pouvoir détecter les genres les plus couramment impliqués dans la biodégradation des HAP. Ainsi le couple d’amorces PAH-RHD Gram-positif permet d’amplifier les gènes codant les HAP dioxygénases chez les genres

Rhodococcus, Mycobacterium, Nocardioides et Terrabacter, appartenant aux Actinobacteria,

tandis que les amorces PAH-RHD Gram-négatif sont spécifiques des genres Pseudomonas,

Ralstonia, Commamonas, Burkholderia, Sphingomonas, Alcaligenes, et Polaromonas,

appartenant aux Proteobacteria. L’utilisation de ces amorces permet de quantifier dans les

sols une diversité de populations dégradantes, présentant des capacités cataboliques

différentes selon les composés (Cébron et al. 2008). Par exemple, les populations dégradantes

à Gram-positif seraient davantage impliquées dans la dégradation des HAP lourds que les

populations à Gram-négatif (Kästner et al. 1994).

Bien qu’ils puissent être génomiques, les gènes codant les HAP dioxygénases peuvent aussi être localisés sur des plasmides, qui peuvent être échangés entre les bactéries par des

transferts horizontaux (Akhmetov et al. 2008), favorisant ainsi l’adaptation des communautés

bactériennes à la pollution.

1.4.2.1.2 Implication des champignons

Les champignons participent à la dégradation des HAP principalement par co-métabolisme. Une variété d’espèces fongiques a pu être identifiée comme capables de dégrader des HAP de

différents poids moléculaires. Par exemple des espèces appartenant aux Ascomycota

(Aspergillus ochraceus, Cladosporium herbarum, Trichoderma sp.), Glomeromycota (Glomus intraradices) et aux Basidiomycota (Trametes versicolor, Phanerochaete chryzosporium,

Irpex lacteous) ont été identifiées (Gupta et al. 2015). Ces microorganismes transforment les HAP en composés intermédiaires moins complexes. Globalement les espèces fongiques dégradantes peuvent être classées en deux groupes ; les champignons ligninolytiques et non-ligninolytiques, présentant deux mécanismes de dégradation différents.

Les champignons ligninolytiques 1.4.2.1.2.1

Les basidiomycètes de la pourriture blanche possèdent différentes enzymes non spécifiques, qui leur permettent de dégrader la lignine, un polymère du bois possédant des cycles aromatiques. Par homologie structurale, d’autres molécules aromatiques telles que les HAP, peuvent également être oxydées par ces enzymes. Ces enzymes extracellulaires, regroupant la lignine et manganèse peroxydase et la laccase (phénol-oxydase), ont la possibilité d’accéder

et de dégrader plus facilement des HAP adsorbés à la matrice du sol que les enzymes

bactériennes qui sont intracellulaires (Gianfreda and Rao 2004). L’action de ces différentes

enzymes conduit à une oxydation des HAP (par l’oxygène ou le peroxyde d’hydrogène) en quinone, qui ensuite, par une cassure du cycle aromatique, produit des composés pouvant

intégrer le catabolisme bactérien (Cerniglia 1992; Peng et al. 2008). Parmi les espèces de

champignons ligninolytiques décrites comme capables de dégrader les HAP selon l’action de

ces enzymes, Phanerochaete chrysosporium, Pleurotus ostreatus et Trametes versicolor sont

les plus étudiées (Gupta et al. 2015).

Les champignons non-ligninolytiques 1.4.2.1.2.2

Chez ce groupe de champignons, la première étape d’oxydation des HAP y est réalisée par la cytochrome P450 mono-oxygénase. Il s’agit d’une enzyme impliquée dans la détoxification de xénobiotiques, que l’on peut également retrouver chez d’autres organismes tels que des bactéries et même chez certains mammifères. Dans la voie catabolique décrite chez ces champignons, après l’insertion d’un atome d’oxygène par la cytochrome P450, la molécule de HAP époxyde peut soit subir un arrangement non enzymatique et être converti en phénol, ou alors subir l’action d’une époxyde hydrolase qui conduit à la production d’un HAP

trans-dihydrodiol, pouvant ensuite être utilisé par les bactéries (Cerniglia 1992; Peng et al. 2008).

Ce mécanisme de détoxification des HAP, principalement décrit chez Cunninghamella

elegans, peut être également observé chez d’autres groupes fongiques (Peng et al. 2008;

Gupta et al. 2015).

1.4.2.2 Cas des HAP de haut poids moléculaire

Ces molécules de haut poids moléculaire, présentant une importante hydrophobicité, sont

davantage adsorbées à la matrice du sol que les HAP légers (Styrishave et al. 2012) et sont

donc moins facilement accessibles à la biodégradation microbienne. Toutefois, différentes espèces et consortia bactériens capables de dégrader des HAP à 4 cycles ont été identifiés, ce qui a permis de proposer des voies cataboliques pour ces molécules persistantes dans

l’environnement (Kanaly and Harayama 2000). Par exemple, Mycobacterium est une espèce

bactérienne fortement impliquée dans la dégradation des HAP de haut poids moléculaire, notamment le fluoranthène et le pyrène. Ce dernier composé a été décrit comme pouvant être

utilisé comme seule source de carbone et d’énergie pour la croissance bactérienne (Grosser et

pour le pyrène et le fluoranthène chez la souche Mycobacterium vanbaalenii PYR-1

(Cerniglia 1992). La dégradation de ce composé a également été indiquée par un consortium

bactérien isolé à partir d’un sol contaminé à la créosote (Mueller et al. 1989). Les voies

cataboliques de la dégradation bactérienne du fluoranthène ont pu ainsi être décrites. D’autres études ont également montré l’implication de différentes souches bactériennes appartenant à

l’espèce Beijerinckia dans la dégradation du benzo(a)anthracène (Gibson et al. 1975;

Mahaffey et al. 1988). Par ailleurs, l’implication de bactéries appartenant aux espèces

Pseudomonas putida, Pseudomonas aeruginosa et Flabobacterium dans la dégradation de

HAP à 4 cycles a également été mise en évidence (Kanaly and Harayama 2000).

Alors que les HAP à 4 cycles peuvent être dégradés grâce au métabolisme bactérien, la dissipation des HAP plus complexes à 5 ou 6 cycles ferait intervenir essentiellement des associations de microorganismes (consortium de bactéries associées ou non à des

champignons) dans le cadre du co-métabolisme (Juhasz and Naidu 2000). Bien que la

dégradation microbienne de ces composés soit peu renseignée, quelques études se sont

intéressées à la biodégradation du benzo(a)pyrene (Kanaly and Harayama 2000).Une voie de

dégradation de ce HAP a notamment été proposée chez Mycobacterium vanbaalenii PYR-1

qui possède la capacité de l’oxyder grâce à des mono- et dioxygénases et de produire un métabolite complexe à 4 cycles proche du pyrène. Par ailleurs, l’utilisation de consortium bactérien provenant de site industriel historiquement contaminé a montré des résultats prometteurs quant à la dégradation de HAP de haut poids moléculaire d’un autre sol contaminé, induisant une dégradation plus importante que celle obtenue par la communauté endogène du sol étudié et atteignant près de 33, 25 et 18 % pour le benzo(a)anthracène, le

benzo(a)pyrene et le dibenzo(a,h)anthracène, respectivement en 90 jours (Juhasz et al. 2000).

De plus la préparation de consortium artificiel, impliquant des souches bactériennes et fongiques isolées à partir de sols de friches industriels différents, et qui présentent des capacités de dégradations complémentaires peut permettre de favoriser la dégradation de HAP de haut poids moléculaires, alors que ces souches ne pouvaient pas les dégrader en culture

pure (Boonchan et al. 2000).

1.4.2.3 Cas de la contamination complexe des sols

Bien que la caractérisation des mécanismes de dégradation microbienne des HAP ait été principalement réalisée en condition simplifiée, en étudiant la biodégradation de composés uniques par des microorganismes en culture pure, il est important de considérer le fait que la

pollution environnementale est plus complexe et impacte les communautés microbiennes dans leur globalité. En effet, dans le sol la pollution est constituée par un mélange de HAP pouvant

présenter différents niveaux d’hydrophobicité et de réactivité (Biache et al. 2008; Cébron et

al. 2011a; Mukherjee et al. 2014). Ainsi, la dégradation de cette contamination complexe dans

un sol doit impliquer des interactions métaboliques de types compétitives ou associatives entre les communautés bactériennes et fongiques. En effet il a été montré que l’ajout d’un HAP de faible poids moléculaire dans un système pouvait favoriser la dégradation d’un HAP

de plus haut poids moléculaire. C’est le cas par exemple dans une étude de Juhasz et al.

(1997), où la dégradation de certains HAP à 4 cycles (benzo(a)anthracène et

dibenzo(a,h)anthracène) par une culture pure de Burkolderia cepacia , a été favorisée par

l’ajout de phénanthrène. La dégradation microbienne des HAP dans les sols impliquerait différentes communautés, présentant des capacités de dégradation variées et complémentaires,

et intervenant de manière transitoire dans le temps (Cerniglia 1992). Ainsi certaines

populations pourraient permettre le développement d’autres populations en dégradant une molécule qui leur est toxique ou en produisant un métabolite intermédiaire qu’elles peuvent utiliser comme source de carbone.

La dégradation de molécules de HAP de haut poids moléculaire impliquerait sans doute l’intervention successive des communautés fongiques et bactériennes. De tels consortia bactéries-champignons, favorisant la dégradation notamment de HAP de haut poids

moléculaire, ont déjà fait l’objet d’études (Li et al. 2008; Boonchan et al. 2000; Jacques et al.

2008). Ces communautés peuvent également mettre en place des interactions métaboliques

antagonistes et entrer en compétition pour les ressources nutritives du milieu, comme ont pu

le montrer Thion et al. (2012b) lors d’une expérience de biodégradation de HAP avec un

champignon (Fusarium solani) et une bactérie (Arthrobacter oxydans) en co-culture.

Contrairement aux conditions optimales de croissance que l’on peut contrôler lors de l’étude de la dégradation des HAP par des cultures pures au laboratoire, les activités enzymatiques et la diversité des microorganismes peuvent être soumises dans un sol à différents facteurs environnementaux tels que l’humidité, la température, le pH et les ressources en nutriments

(§1.1.2) ce qui peut indirectement entrainer une variabilité de l’efficacité de biodégradation

microbienne (Haritash and Kaushik 2009; Pandey et al. 2009; Gupta et al. 2015). Ainsi, dans

il a été présenté au paragraphe §1.2.2, la présence d’un couvert végétal peut impacter notamment ces différents paramètres, et donc avoir des conséquences sur le potentiel de dégradation des HAP par la communauté microbienne du sol.

1.4.2.4 Production de biosurfactant

Certaines bactéries, telles que Pseudomonas aeruginosa et Bacillus subtilis, possèdent la

capacité à sécréter des molécules biosurfactantes (par exemple les rhamnolipides et les surfactines), qui augmentent la biodisponibilité des HAP dans le sol, favorisant leur

accessibilité aux bactéries pouvant les dégrader (Johnsen et al. 2005; Fernández-Luqueño et

al. 2011). Ces molécules dites amphiphiles présentent une partie hydrophobe et une partie

hydrophile, ce qui facilite le transfert des HAP de la phase solide du sol où ils sont adsorbés à

la phase liquide, où ils peuvent être plus facilement dégradés(Kuiper et al. 2004). Cependant

certaines études ont également montré que l’augmentation de la teneur en HAP dans le milieu par ces molécules pouvait entrainer davantage de toxicité pour les populations microbiennes

et ainsi inhiber leur dégradation (Cerniglia 1997; Carmichael and Pfaender 1997).