2.3 Les différentes possibilités d’optimisations galéniques
2.3.2 Polymères biodégradables pour la libération prolongée des principes actifs
2.3.2.2 Dégradation et érosion des polymères d’acide lactique et/ou glycolique
Le terme « dégradation » a un sens plus chimique et consiste en un clivage des chaînes
polymériques conduisant à l’obtention d’unités plus petites telles que les oligomères et les
monomères. Par contre, « l’érosion » fait référence à la perte physique (diffusion) du matériau
(oligomères et monomères) quittant la masse initiale de polymère suite à la dégradation. Tous les
polymères biodégradables partagent la propriété d’être érodés après s’être dégradés (Göpferich,
1996).
La dégradation des polyesters aliphatiques en contact avec des tissus vivants ou des fluides
corporels possédant des enzymes est vue, de façon générale, comme le résultat d’une hydrolyse
abiotique des liaisons ester (Brannon-Peppas and Vert, 2000). En effet, comme ces polymères ne
sont pas naturels, le système enzymatique ne participe pas de façon importante, au moins dans les
étapes initiales, à la dégradation des polyesters. C’est pourquoi, ils sont principalement dégradés par
simple hydrolyse chimique (Vert, 2005). En effet, lorsqu’un système de libération de principes
actifs à base de ces polymères est mis en contact avec un milieu aqueux, l’eau pénètre dans le
système induisant l’hydrolyse des liaisons esters. Chaque hydrolyse d’une liaison ester génère un
nouveau groupe carboxyle terminal qui peut à son tour catalyser l’hydrolyse d’autres groupes
esters ; il s’agit d’un phénomène appelé « autocatalyse» (Grizzi et al., 1995; Pitt et al., 1981;
Siepmann et al., 2005). De ce fait, un microenvironnement acide au sein de ces systèmes a été
constaté (Fu et al., 2000). Ceci explique que l’absorption d’eau est un paramètre critique dans la
biodégradation de ces polymères. Ensuite, les macromolécules partiellement dégradées restent
insolubles dans l’environnement aqueux et la dégradation continue de façon homogène. Néanmoins,
une fois que la masse moléculaire des macromolécules partiellement dégradées soit devenue
suffisamment faible pour permettre la solubilisation des oligomères dans le milieu aqueux
environnant, ceux-ci diffusent dans la masse en se déplaçant lentement vers et hors de la surface
tout en continuant à se dégrader. Ce processus impliquant des phénomènes de diffusion, de réaction
chimique et de solubilisation conduit à une différence entre les vitesses de dégradation à la surface
et à l’intérieur de la matrice de libération. En effet, les oligomères quittent la surface du système de
libération avant qu’ils soient complètement dégradés contrairement à ceux issus de la dégradation
interne. Ainsi, l’effet catalytique à la surface est faible en comparaison avec celui subi à l’intérieur.
La perte des chaînes oligomériques à partir de la matrice de libération entraîne « l’érosion » de cette
dernière (Brannon-Peppas and Vert, 2000; Vert, 2005).
Les poly(esters) subissent donc une érosion dans la masse (« bulk erosion ») (homogène) résultant
d’une vitesse de dégradation des chaînes polymériques plus faible par rapport à la vitesse de
pénétration de l’eau à l’intérieur de la matrice. Dans ce type d’érosion, la matrice entière subit la
perte de masse de façon homogène et donc, la taille de la matrice reste constante durant un temps
considérable. Par contre, lorsque la vitesse de dégradation du polymère est plus importante par
(« surface erosion ») (hétérogène) et la matrice devient plus réduite au cours du temps bien qu’elle
conserve sa forme (Göpferich, 1996; Shah et al., 1992) (Figure 12). Les systèmes à base de
poly(ortho-esters) ou poly(anhydrides) subissent ce type d’érosion dû au fait qu’ils possèdent des
liaisons chimiques plus sensibles à l’hydrolyse (Arifin et al., 2006; Göpferich, 1996, 1997; Uhrich
et al., 1999).
Figure 12.
Changements physiques subis dans une matrice polymérique suite à une dégradation dans la masse ou à la
surface (Burkersroda et al., 2002)
Suite à l’érosion de la matrice, des structures poreuses peuvent être obtenues notamment lorsque
des polymères amorphes ont été utilisés (Shah et al., 1992), ce qui n’est pas le cas avec les
polymères cristallins, pour lesquels la cristallisation des produits de dégradation suite à leur
dégradation empêche la formation des pores (Brannon-Peppas and Vert, 2000). La porosité acquise
par le système de libération lors de son érosion peut être mise en évidence par des méthodes comme
la porosimétrie au mercure (Göpferich, 1996) ou la microscopie électronique à balayage (MEB)
(Shah et al., 1992). Le processus d’érosion peut également être suivi par la diminution de la masse
molaire du polymère (Pitt et al., 1981) ou par la perte gravimétrique de l’échantillon étudié
(Göpferich, 1996).
Plusieurs facteurs peuvent affecter la dégradation du système de libération et donc la libération du
principe actif. Parmi eux, les plus importants sont la composition chimique de la matrice, la masse
molaire du polymère, la morphologie et la taille de la matrice et logiquement, la nature du milieu
dans lequel la dégradation a lieu (pH, enzymes…) (Brannon-Peppas and Vert, 2000). Certains de
ces facteurs ont une influence sur le processus sans doute le plus critique pour la dégradation des
polyesters à savoir la pénétration d’eau dans la matrice (Göpferich, 1996; Pitt and Shah, 1995).
La composition chimique du polymère détermine les deux propriétés fondamentales pour sa
dégradation que sont la cristallinité et l’hydrophobicité. En effet, plus la cristallinité et
l’hydrophobicité du polymère augmentent, moins sa vitesse de dégradation est importante. D’un
point de vue chimique, la dégradation du polymère doit être comprise comme un phénomène
complexe et multifactoriel. Par exemple, le monomère glycolique est plus hydrophile que le
monomère lactique, porteur d’un groupement méthyle exerçant un effet stérique sur la molécule
d’eau et gênant ainsi son approche. Toutefois, malgré le degré de cristallinité plus faible des
homopolymères de PLA par rapport à ceux de PGA, les premiers sont plus lentement dégradés
(Uhrich et al., 1999). Ainsi, comme le PLA est plus hydrophobe que le PGA, les copolymères de
PLGA à teneur élevée en PLA sont moins hydrophiles, absorbent moins d’eau et donc sont
dégradés plus lentement (Jain, 2000). De plus, l’hydrolyse des régions amorphes du polymère est
plus rapide que celle des régions cristallines (Huang, 2005). C’est pourquoi, différents temps de
dégradation peuvent être obtenus avec les copolymères de PLGA simplement en modifiant le
rapport lactique/glycolique (Frank et al., 2005; Park, 1995; Yang et al., 2001). La cristallinité des
PLGA dépend du type et du rapport molaire des monomères dans les chaînes du copolymère. C’est
pourquoi, les PLGA de rapport lactique : glycolique (50:50) sont dégradés plus rapidement que
ceux contenant des proportions plus élevées d’un des deux monomères (Brannon-Peppas and Vert,
2000) (Figure 13). Ces copolymères sont actuellement les plus utilisés pour des applications
Figure 13.
Demi-vie chez le rat des implants à base des homopolymères de PLA et PGA et de leurs copolymères de
PLGA (Miller et al., 1977).
Les extrémités des chaînes polymériques peuvent également affecter l’hydrophilie des polymères et
ce, quelle que soit leur composition de base (PLA, PGA ou PLGA). En effet, en modifiant ces
terminaisons par des procédés chimiques comme l’estérification du groupement acide carboxylique,
des polymères plus hydrophobes sont obtenus. Ces dérivés plus hydrophobes, sont dégradés moins
vite, induisant une vitesse de libération moins importante des principes actifs qu’ils contiennent
(Chhabra et al., 2007; Tracy et al., 1999).
En ce qui concerne la masse molaire des polymères utilisés pour la fabrication des systèmes à
libération prolongée, il a été observé que plus la masse molaire augmentait, moins la vitesse de
dégradation était importante (Jaraswekin et al., 2007; Zolnik and Burgess, 2008). Ce comportement
est le résultat d’une différence dans les Tg et en conséquence des volumes libres entre les chaînes
des polymères (Freiberg and Zhu, 2004). En effet, pour une température donnée, moins la Tg d’un
polymère est importante, plus le volume libre entre ses chaînes est grand et plus le taux de
pénétration d’eau dans le système et sa dégradation sont élevés. L’eau diminue la g des polymères
en raison de son rôle de plastifiant (Blasi et al., 2005) ce qui a pour conséquence d’augmenter leur
vitesse de dégradation.
La vitesse de dégradation des polyesters augmente parallèlement avec une augmentation de la taille
du système de libération. Ce comportement est le résultat d’un effet autocatalytique plus important
dans les systèmes de plus grande taille. En effet, plus la taille du système est élevée, plus le temps
nécessaire pour que les produits de dégradation acides quittent le système sera long et plus ils
auront du temps pour exercer leur effet catalytique sur l’hydrolyse des groupements esters (Figure
14). En revanche, pour des systèmes de même taille, plus la porosité est élevée et moins la vitesse
de dégradation est importante. En effet, lorsque la porosité du système augmente, les produits de
dégradation acides quittent plus facilement le système réduisant ainsi leur effet catalytique sur la
dégradation (Dunne et al., 2000; Grizzi et al., 1995; Klose et al., 2006; Klose et al., 2008; Siepmann
et al., 2005; Vert, 2005)
Figure 14.
Importance de la taille sur l’effet « autocalytique » lors de la dégradation de microparticles à base des
polyesters d’acide lactique et/ou glycolique. Les régions sombres au centre des cercles représentent le micro-pH acide à
l’intérieur du système (région claire: pH neutre ; région foncée: pH faible) (Klose et al., 2008).
importante in vivo qu’in vitro, ce qui entraîne également une libération plus rapide du principe actif
(Tracy et al., 1999; Zolnik and Burgess, 2008).
2.3.2.3 Mécanisme de libération des principes actifs à partir des polymères d’acide lactique et/ou
Dans le document
Systèmes injectables biodégradables pour la libération prolongée d'ivermectine
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