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2.Présentation épidémiologique

4. Dégénérescence cérébrale

4. 1. Atteinte moléculaire dans la MH

Le cortex est composé de six couches de cellules neurales aux caractéristiques et fonctions différentes. Ces couches se forment progressivement, de la partie interne vers la partie externe du cortex, grâce à la prolifération et la migration des cellules nerveuses. Pour cela, ces cellules passent d’une forme multipolaire, en étoile, à une forme bipolaire, ovale, afin de s’accrocher à des câbles le long desquels elles migrent. Or, en cas de déficience de la huntingtine, la transition multipolaire/bipolaire est perturbée, empêchant les neurones de bien s’accrocher à leur câble. Un défaut de migration neuronale similaire est observé en cas d’absence de la protéine et en cas d’expression de la protéine mutante comme dans la MH. Les couches cellulaires sont désorganisées, certaines étant plus minces, en particulier les plus externes (Saudou & Humbert, 2016). Dans la MH, la protéine HTT mutante (mHTT) entraîne alors un dysfonctionnement neuronal à travers un certain nombre de mécanismes. Ceux-ci incluent notamment des effets sur l’homéostasie cellulaire (régulation protéique), le transport axonal, la transcription, la traduction, et sur la fonction mitochondriale et synaptique (Bates et

al., 2015; Ross & Tabrizi, 2011). Les neurones les plus touchés sont les neurones dits de Golgi type II (De Diego Balaguer & Bachoud-Lévi, 2006) et la dysfonction cellulaire découlant des effets intrinsèques de la huntingtine mutante entraîne un déséquilibre du réseau et contribue aux symptômes neurologiques et non neurologiques de la MH. Les neurones du striatum sont sélectivement vulnérables aux effets du mHTT, principalement le noyau caudé et le putamen (Craufurd, Thompson, & Snowden, 2001; van der Meer et al., 2012).

La MH est alors caractérisée de pathologie « sous-corticale » puisqu’elle atteint précocement et sévèrement les ganglions de la base (ou noyaux gris centraux), ainsi que les boucles cortico-sous-corticales faisant le lien entre ces régions et le cortex. Ces structures sous- corticales sont très volumineuses et sont situées au niveau du télencéphale (voir Figure 4).

4. 2. Les structures sous-corticales

Elles sont formées d’un ensemble de structures nerveuses dont les principales sont : le noyau caudé (1, figure 4) et le putamen (2) (regroupés sous le terme de striatum), le Globus Pallidus (3 ; parties interne et externe ; encore appelé « pallidum ») et le noyau sous-thalamique (4). De façon générale, bien que cette structure ne fasse pas strictement partie des ganglions de la base, la substance noire (6) est associée à ces noyau. Il s’agit d’une structure mésencéphalique majeure, connectée avec les ganglions de la base (Dujardin & Defebvre, 2007). Ces noyaux gris centraux jouent un rôle indirect, bien que crucial, dans le contrôle moteur, et notamment dans la préparation motrice (Alexander, 1986; DeLong, 1990). Ainsi, ils reçoivent des informations en provenance de larges zones du cortex cérébral, et notamment du cortex moteur primaire, des aires prémotrices latérales, de l’aire motrice supplémentaire et du cortex pariétal. Ces informations sont ensuite traitées au niveau d’une boucle motrice « cortico- striato-thalamo-corticale », impliquant le thalamus et un retour vers le cortex, particulièrement au niveau de l’aire motrice supérieure. La fonction des noyaux gris centraux ne se limite pas au traitement de l’information sensorimotrice (segmentaire, axiale et oculomotrice). Ils participent également à diverses fonctions cognitives (fonctions exécutives) et comportementales, dites limbiques (support des émotions et de la motivation) (Middleton & Strick, 2000; Temel et al., 2005).

Figure 4 : Anatomie des ganglions de la base, coupe coronale. Figure adaptée de

www.chups.jussieu.fr/ext/neuranat

Outre celle de la fonction motrice, d’autres boucles fronto-sous-cortico-frontales ont été décrites (Alexander, 1986; Alexander, Crutcher, & DeLong, 1991; Parent, 1990). Ces boucles, au nombre de cinq (voir Figure 5), fonctionnent en parallèle et assurent chacune des activités cognitives différentes. Elles engagent des régions spécifiques du cortex, des ganglions de la base (striatum, pallidum et substance noire) et du thalamus. La boucle oculomotrice prend naissance dans le « Frontal Eye Field » et le cortex pariétal postérieur. Elle se projette sur le corps central du noyau caudé. La boucle préfrontale dorsolatérale emprunte quant à elle la région dorsolatérale des noyaux caudés, dont l’intégrité est nécessaire aux fonctions exécutives. Un circuit orbitofrontal, impliqué dans l’adaptation du comportement (intégration des informations viscérales et amygdaliennes sur l’état interne de l’organisme, ainsi que des informations limbiques et émotionnelles), se projette sur les parties ventrales des noyaux caudés. Les boucles préfrontales dorsolatérale et orbitofrontale sont également regroupées sous le terme de « boucles associatives ». Enfin, la « boucle limbique », émanant du cortex cingulaire antérieur, implique principalement le noyau accumbens (striatum ventral), essentiel aux fonctions motivationnelles (Albin, Young, & Penney, 1989; Alexander et al., 1991; Parent, 1990). Les ganglions de la base se situent donc au carrefour des informations en provenance de diverses régions du cortex. En ce sens, ils constituent une interface fondamentale entre les boucles motrices, associatives et limbique.

Ils facilitent notamment le déroulement des plans moteurs et de la pensée (habitude, fluidité), inhibent les mouvements anormaux et les interférences de la pensée (concentration, nouveauté), ou encore modulent l’interaction entre la motivation, l’affect, le stress et le mouvement ou la pensée.

Figure 5 : Organisation anatomique « parallèle » des boucles fronto-sous-cortico- frontales selon Alexander (1986).

Note : CDM : DorsoMédian Caudal ; DM : DorsoMédian ; LDM : DorsoMédian Latéral ; M : Médian ; V : Ventral ; VA : Ventro Antérieur ; VL : Ventro Latéral ; GPI : Globus Pallidus Interne.

4. 3. Atteinte de ces structures

La recherche en neuropathologie et neuroimagerie a renforcé l'hypothèse selon laquelle les anomalies cérébrales de la MH, telles la perte de volume dans le noyau caudé, la perte de volume cérébral global et la désorganisation de la substance blanche, seraient présentes bien avant l’apparition clinique des symptômes (Aylward et al., 1994; Kassubek et al., 2004;

Paulsen et al., 2006; Reading et al., 2005; Rosas et al., 2005; Squitieri et al., 2009). Cette évolution progressive impliquerait finalement quasiment la globalité du cerveau, entraînant une perte de 25% de la masse cérébrale (Halliday et al., 1998; Sharp & Ross, 1996). Néanmoins, les modifications neuropathologiques les plus notables se situent dans la partie striatale des ganglions de la base. En effet, cette région présente une atrophie majeure, s'accompagnant d'une perte neuronale et d'une astrogliose (remplacement des neurones perdus, par des cellules astrocytaires). Ces phénomènes deviennent plus sévères à mesure que la maladie progress. L'atrophie entraîne alors un agrandissement important des ventricules latéraux. Au stade le plus avancé de la maladie, la perte neuronale se reflète dans l'atrophie cérébrale globale avec des pertes volumétriques des grandeurs suivantes: 20% dans le cortex, 30% dans la substance blanche, 60% dans le striatum, 55% dans le pallidum et 30% dans le thalamus (de la Monte, Vonsattel, & Richardson, 1988; Lange et al., 1976).

4. 3. 1. Atteinte sous-corticale

Les études post mortem révèlent une atrophie diffuse du noyau caudé et du putamen avec une dégénérescence se produisant le long d'un gradient caudo-rostral, dorso-ventral et médio- latéral (Roos, Pruyt, de Vries, & Bots, 1985; Vonsattel, 2007). Les examens d’imagerie cérébrale (IRM et scanner) ont mis en évidence une corrélation entre l’atrophie du noyau caudé, le nombre de répétitions de CAG et l’aggravation du score moteur à l’UHDRS (Jech et al., 2007). La perte neuronale et l’atrophie cérébrale est également retrouvée dans les couches profondes du cortex cérébral. Notamment, on constate une atrophie, dans une moindre mesure, du globus pallidus et du noyau accumbens (Vonsattel & DiFiglia, 1998). D'autres régions, comprenant l'hippocampe, l'amygdale, le thalamus, le noyau subthalamique, la substance noire et le cervelet, montrent des degrés variables d'atrophie et / ou de perte neuronale, selon le stade de la maladie (Douaud et al., 2006; Rosas et al., 2003). Un système de classification de la gravité neuropathologique de la MH a été développé sur la base de critères macroscopiques et microscopiques liés à la morphologie striatale (Vonsattel et al., 1985). Il se compose de 5 degrés d’évolution (0-4), désignés dans un ordre de gravité croissant, en étroite corrélation avec le degré d’incapacité clinique :

- Grade 0 : Il existe une preuve clinique en faveur d’un diagnostic de MH, mais pas d'anomalies grossières ou microscopiques qui pourraient être liées à la MH. C’est le stade présymptomatique.

- Grade 1 : Aucune anomalie macroscopique dans le noyau caudé ou le putamen n’est détectée, mais on relève une astrocytose fibrillaire modérée au niveau microscopique (Gomez-Tortosa et al., 2001; Vonsattel, 2007).

- Grade 2 : On note des changements macroscopiques dans le noyau caudé et le putamen, mais pas de changements macroscopiques dans le globus pallidus. L’atrophie striatale est présente, mais le profil ventriculaire du noyau caudé reste relativement convexe comparé à un cerveau sain.

- Grade 3 : L'atrophie striatale est plus sévère et le profil ventriculaire du noyau caudé est plat. Le segment latéral du globus pallidus montre une astrocytose fibrillaire, mais le segment médian reste inchangé.

- Grade 4 : 95% des neurones caudés sont perdus, l'atrophie striatale est sévère et la surface ventriculaire du noyau caudé est concave. Le cornet antérieur du ventricule latéral est agrandi et le noyau accumbens est plus petit.

Les astrocytes sont en forte augmentation dès le grade 2 et continuent d’augmenter jusqu’au grade 4. Aux 3ème et 4ème grades, des changements sont également observés dans d'autres

régions du cerveau, y compris le thalamus, le noyau subthalamique, la substance blanche et le cervelet (Vonsattel et al., 1985). Ce système de classement est largement utilisé dans les études neuropathologiques de la MH cherchant à décrire les modifications à mesure que la maladie progresse. Plus récemment, les progrès de l'imagerie par résonance magnétique ont confirmé ces résultats pathologiques précoces in vivo, en particulier la perte de volume de substance grise du noyau caudé et du putamen, et la perte de la substance blanche striatale mais aussi corticale (Tabrizi et al., 2011).

4. 3. 2. Atteinte corticale

Bien que moins importantes que dans les régions sous-corticales, les modifications au niveau du cortex cérébral sont notables, avec notamment une perte neuronale, une gliose et une

atrophie globale (de la Monte et al., 1988; Passani, Vonsattel, & Coyle, 1997; Selemon, Rajkowska, & Goldman-Rakic, 2004; Vonsattel et al., 1985). Elles interviennent principalement entre les grades 2 et 4 d’évolution de la pathologie et deviennent véritablement sévères au cours du grade 4 (Sotrel et al., 1991). La perte se produit principalement dans les couches neurales 3, 5 et 6. On note une perte de 57% dans la couche 6 et une perte de 71% dans la couche 5 au cours du grade 4 (Hedreen et al., 1991). Les études en IRM et IRMf montrent que l'amincissement cortical est corrélé à la progression de la maladie et à la longueur de répétition de CAG (Jech et al., 2007; Kassubek et al., 2004), et entraîne une diminution des connexions au striatum (Klöppel et al., 2008; Wolf et al., 2011).

Les régions corticales touchées le plus sévèrement et le plus précocement, parfois dès le grade 1, sont les aires somatosensorielles, motrices et visuelles, ainsi que les cortex frontaux supérieurs et pariétaux supérieurs. La découverte de changements précoces significatifs dans le cortex moteur (gyrus précentral) s’explique cliniquement, puisque la MH affecte les systèmes moteurs involontaires et volontaires. Bien que la faiblesse du contrôle moteur volontaire dans la MH ait été attribuée historiquement à la dégénérescence du striatum et associée au dysfonctionnement des voies de sortie striatale, la dégénérescence prononcée et précoce du cortex moteur primaire en est également une cause probable (de la Monte et al., 1988; Macdonald & Halliday, 2002; Mann, Oliver, & Snowden, 1993).

Une étude post-mortem a démontré que le lobe occipital présentait l'atrophie la plus significative parmi les régions corticales (Lange et al., 1976), ainsi que des changements dans son métabolisme (Feigin et al., 2001; Jenkins et al., 2005). Le cortex cingulaire antérieur a reçu peu d'attention dans la MH, mais l’hypothèse de son rôle dans les troubles cognitifs a été proposée (Georgiou-Karistianis et al., 2013; Thiruvady et al., 2007). Il a été constaté que le ruban cortical cingulaire antérieur était plus épais, peut-être en raison de la gliose. En effet, une publication récente a révélé une augmentation de l'activation microgliale dans le cortex cingulaire antérieur chez des patients MH (Pavese et al., 2006).

Au cours du grade 2, le cortex auditif primaire et les zones corticales adjacentes sont sensiblement diminuées par rapport au grade 1. Les patients MH présentent alors une atteinte

plus étendue du cortex occipital et des régions pariétales supplémentaires, y compris le précuneus, ainsi que des régions frontales antérieures, correspondant à l’aire préfrontale et prémotrice. Aux grades 3 et 4, la plupart des régions cérébrales présentent une atrophie, y compris le cortex entorhinal situé dans les lobes temporaux médians (Braak & Braak, 1992; Selemon et al., 2004). Cependant, même à ces stades avancés, des portions de régions temporales antérieures et inférieures peuvent rester relativement préservées.

Au-delà de ces atteintes anatomiques, il convient de souligner que parallèlement à ces changements, les réseaux fonctionnels cortico-sous-corticaux sont également affectés dans la MH. Les régions corticales recevant l'apport des structures des ganglions de la base à travers le thalamus, sont des régions atrophiées dès le grade 1. Cependant, l’atrophie précoce se produit également dans des régions corticales pariétales et occipitales, qui elles ne sont pas reliées directement aux structures striatales. Ces données suggèrent donc une relative indépendance entre le modèle de dégénérescence corticale régionale et la connectivité striatale (Rosas et al., 2008).