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18 La Position Commune Africaine sur la Campagne d’Elimination du Mariage d’Enfants adoptée par les Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Union Africaine en Juillet 2015 (disponible sur http://pages.au.int/sites/default/files/CAP%20on%20Ending%20 Child%20Marriage%20-English_0.pdf).

coutumes ancestrales. Beaucoup de parents se représentent la fille comme exclusivement destinée au mariage. Dès la puberté, une fille non mariée est considérée comme une célibataire pour laquelle un conjoint est souhaitable. Les filles qui ont des relations ou qui tombent enceintes en dehors du

mariage sont souvent accusées d’avoir déshonoré leur famille19. De nombreuses coutumes en Afrique de l’Ouest facilitent les mariages d’enfants, malgré qu’elles soient interdites par les législations (cf tableau n°1).

Le mariage doit être célébrer à l’état civil par un officier de l’état civil

C’est l’homme qui doit nourrir sa femme et ses enfants

Tableau n° 1 : Exemples de coutumes et de règles étatiques qui s’y opposent

Sources : WILDAF-AO, 2018

19 American Jewish World Service (AJWS) and al., Child, Early and Force Marriage and the Control of Sexuality and Reproduction, 2015

Le défi de l’éducation des filles Le niveau d’éducation est bas dans les pays concernés (en particulier au Niger, Mali et Burkina Faso), alors que l’éducation est un élément essentiel dans la constitution d’un capital humain et un facteur déterminant pour les demandes en contraception. Par exemple, en Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), on estime que 70% des filles entrent à l’école primaire, mais seulement 36%

terminent le premier cycle du secondaire 20. Par ailleurs, envoyer un enfant à l’école, entraîne pour les familles des coûts qui peuvent être prohibitifs, surtout pour les familles pauvres et rurales. Cela dit, lorsque des parents, surtout ceux des milieux défavorisés, doivent décider de la priorité pour leurs enfants de se concentrer sur le travail scolaire ou de contribuer aux tâches productives ou ménagères dans la famille, il arrive souvent qu’ils privilégient les secondes au détriment du premier. Ce choix montre qu’ils préfèrent les avantages immédiats de l’activité aux bénéfices lointains qui pourraient être retirés de l’éducation. De nombreux parents ne jugent toujours pas important de scolariser leurs filles, arguant que cela revenait à « cultiver le champ d’autrui ».

La scolarisation des filles est un défi majeur qu’il faudra relever en tenant les engagements pris en faveur de l’Education pour tous, en particulier en rendant véritablement gratuite l’école fondamentale.

L’engagement et la synergie multi-acteurs pour mettre fin au mariage d’enfants

Même si les Etats sont les premiers garants de l’intégrité des filles, ils ne peuvent, à eux seuls, venir à bout du fléau des mariages d’enfant. En effet, la fin du mariage d’enfants nécessite un engagement multi acteurs et multisectoriel; les stratégies de mobilisation

de différents secteurs devraient être intégrées aux stratégies visant à mettre fin au mariage d’enfants. Intégrer la prévention et la lutte contre le mariage d’enfants dans de nombreux secteurs (tels que l’éducation, la santé, la croissance économique, la gouvernance, l’agriculture, la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et la nutrition, l’emploi, les programmes pour les jeunes, les programmes de gestion des crises humanitaires et des conflits, etc.) et dans les activités existantes permettra à la fois de promouvoir les objectifs des activités et de répondre aux besoins de protection des filles (Girls Not Brides et ICRW, 2016).

Enfin, l’engagement avec les leaders religieux et traditionnels est un défi majeur à relever. Certes, des dynamiques sont en cours, à l’exemple de l’engagement additionnel des chefs traditionnels et religieux du Togo axé sur la lutte contre le mariage des enfants (2016). Mais il n’en demeure pas moins que de nombreux mariages d’enfants sont encore célébrés par des leaders traditionnels et religieux. Il est nécessaire d’amener le plus grand nombre de ces leaders à comprendre et à s’engager pour la fin des mariages d’enfants. Dans ce processus, le renforcement des capacités d’intervention de la société civile et des coalitions multipartites en place, sont des priorités à prendre en compte.

20 Save the Children (2017), Promoting girls’ right to learn in West and Central Africa. (Basée sur les données d’UIS.)

Le défi de la lutte contre la pauvreté et de l’autonomisation des femmes et des filles

Plus de la moitié des filles des familles les plus pauvres du monde en développement sont mariées dans leur enfance 21. Dans les situations de pauvreté extrême, les familles et parfois les filles elles-mêmes croient que le mariage sera une solution pour assurer leur avenir. En effet, donner une fille au mariage permet aux parents de réduire les dépenses familiales en s’assurant qu’ils ont une personne de moins pour nourrir, habiller et éduquer. Les familles croient également qu’investir dans l’éducation de leur fils est un meilleur investissement que l’éducation de leur fille. Dans certains cas, le mariage d’une fille est un moyen de rembourser les dettes, de gérer des différends ou de former des alliances sociales, économiques et politiques. Dans les communautés où une dot ou un « prix de la mariée » est payé, le mariage est souvent une forme de revenu pour les familles pauvres. Dans les communautés où la famille de la mariée doit payer une dot au mari, celle-ci est souvent moins cher si la mariée est jeune et sans éducation.

Ainsi, les logiques économiques prévalent dans la décision de marier précocement une fille. Pour ce faire, il sera question de s’attaquer à la pauvreté comme facteur favorisant.

Les faits sont aujourd’hui très parlants : le mariage d’enfants est un fait social majeur et un véritable handicap au développement de nombre de pays africains. Les divers engagements pris çà et là par les Chefs d’Etats sont une preuve que cette question demeure une préoccupation majeure aujourd’hui. Cependant, les discours continuent par primer sur les actions concrètes. Il urge alors que les pays se dotent de plans d’action spécifique sur l’élimination du mariage d’enfants. Certes, au niveau des différents pays, des coalitions et plateformes se mettent en place, des programmes nationaux sont en cours d’élaboration ou de mise en œuvre et des législations sont en cours de révision 22. Mais le chemin est encore assez long.

En s’inspirant de la feuille de route de la CEDEAO, et en partant des entretiens avec les personnes-ressources dans les pays concernés, il est proposé huit (08) axes pour construire, de façon participative, des plans d’action nationaux de lutte contre les mariages des enfants.

1. Améliorer la situation juridique, politique et d’application dans les États membres

Tout gouvernement cherchant à mettre fin à aux mariages d’enfants doit se doter d’un cadre juridique et politique solide visant à empêcher les mariages d’enfants et à soutenir les filles déjà mariées. Pour ce faire, les plans d’actions doivent prioritairement

viser des réformes politiques, juridiques et institutionnelles permettant de lutter efficacement contre les mariages d’enfants.

Les réformes juridiques doivent s’attaquer prioritairement à l’âge au mariage. Les États doivent avoir des lois claires et cohérentes qui fixent à 18 ans l’âge minimum du mariage. Ce faisant, on protège les garçons et les filles du mariage à un moment où ils ne sont ni physiquement, mentalement ou émotionnellement prêts. Des mesures de protection appropriées doivent ensuite être mises en place pour veiller à prévenir l’utilisation d’une autorisation parentale, d’une autorisation judiciaire ou de toute autre exception pour contourner la loi et contraindre les filles au mariage.

Dans l’ensemble les actions doivent viser à : - examiner les lois nationales sur le mariage et l’égalité des genres (les lois concernant les violences basées sur le genre, la propriété, les successions, la dot, le divorce, etc.) afin d’en faire ressortir les lacunes, les incohérences et les sanctions inappropriées qui exposent les filles aux risques et aux conséquences du mariage d’enfants - relever les contradictions et les incohérences entre le droit national et le droit coutumier, traditionnel ou religieux et s’assurer du respect des normes internationales et régionales en matière de droits humains.

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