• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : MÉTHOLOGIE ET MÉTHODES

3.7 Défis et limites de la recherche

Cette étude comporte plusieurs défis et limitations. Je présente ces derniers préalablement aux résultats afin que le lecteur soit informé et prenne en considération l’impact de ces défis sur les résultats. Parmi les défis et limitations sont inclus les difficultés de recrutement de participants et le malaise de certains participants de discuter du sujet sensible des considérations éthiques. De plus, l’interprétation de l’expérience d’individus ayant un profil culturel différent du mien, le défi de constamment porter réflexion sur l’influence de ma propre personne et de mes expériences antérieures sur les résultats de l’étude doivent également être soulignés.

Premièrement, j’ai éprouvé des difficultés à recruter un nombre comparable de participants dans les quatre programmes. En dépit de mes efforts pour parvenir à un recrutement plus équilibré, j’ai terminé l’étude avec un seul participant de l’un des quatre programmes. J’ai discuté avec Dr Franshy Dorcimil et avec le seul participant à mon étude provenant de cette organisation des potentielles explications à ce faible taux de participant de ce programme de formation. Les contraintes temporelles et organisationnelles des formateurs de cette organisation peuvent expliquer mon défi de

recruter ses participants. Aussi, la nature éthique de la recherche peut avoir limité la participation des formateurs de tous les organismes incluant cette organisation formatrice, ceux-ci pouvant être moins intéressés ou moins à l’aise avec ce sujet.

Un second défi à cette étude est lié au contexte où les organismes de formation en réadaptation et les formateurs constituent un petit réseau d’individus dans lequel j’ai aussi été impliquée, par le passé et le présent, en tant que formatrice. Au cours des entrevues, les participants décrivaient des situations impliquant d’autres individus, que je connaissais personnellement. En conséquence, certains formateurs peuvent s’être sentis moins à l’aise de discuter de considérations éthiques, car le sujet est potentiellement sensible. Pour répondre partiellement à cette préoccupation, j’ai travaillé conjointement avec les membres de mon comité de supervision afin de rassurer les participants que l’équipe de recherche s’efforcerait d’assurer la confidentialité. De plus, j’ai invité les participants à décrire des situations qui illustraient des valeurs et des aspects positifs qu’ils jugeaient importants ou de discuter de généralités lorsqu’ils éprouvaient un inconfort à révéler des situations ou des individus spécifiques. Par exemple, je leur demandais de me décrire comment ils voyaient la mise en place de programme de formation optimal pour l’Haïti, ou de quelle façon ils aimeraient qu’évoluent les programmes de formation de TRs dans 10 ans, plutôt que de discuter de leurs préoccupations.

En troisième lieu, le défi d’interpréter l’expérience d’individus ayant un profil culturel différent du mien a caractérisé le déroulement de cette étude. En effet, l’étude a exploré

les perspectives des expatriés nord-américains et européens, ainsi que des formateurs haïtiens locaux. En outre, ces participants provenaient de cultures variées et possédaient divers niveaux d’expérience professionnelle. Bien que cette diversité ait amené une perspective plus large sur les considérations éthiques et sur la façon dont elles ont été vécues, elle a également ajouté au défi d’interprétation de l’expérience de participants au profil culturel divers, y compris de nombreux participants haïtiens.

Afin de surpasser ce défi, l’implication active de plusieurs membres de mon comité de supervision, dont Dr Fransky Dorcimil, d’origine haïtienne, a permis de mieux comprendre et situer les caractéristiques culturelles et contextuelles des participants. Par exemple, j’ai observé que quelques participants haïtiens décrivaient avec retenu des situations de conflits de valeurs avec des collègues ou avec leur organisation formatrice. Discuter avec Dr Dorcimil (en m’assurant de maintenir la confidentialité des participants et des situations dévoilées) m’a permis d’explorer ma perception des situations avec un haïtien et mieux comprendre les valeurs mises en tension pour les participants haïtiens.

Puisque l’éthique est un concept dont la signification peut différer d’une personne à l’autre, j’ai aussi interrogé en début des entrevues les participants sur leur définition et leur compréhension du concept de considérations éthiques. J’ai leur ai présenté le sujet de la recherche à l’aide d’exemples de situations amenées par les participants où des conflits de valeurs pouvaient exister. Ainsi, un individu pouvait amener l’exemple de son incertitude à comment intervenir auprès de collègues formateurs lorsqu’ il se questionnait sur la pertinence du contenu que ces derniers enseignaient. Je reprenais l’exemple pour

confirmer qu’il s’agissait du sujet de discussion. Additionnellement, j’amenais des exemples de considérations discutées dans l’article de Jeffrey Bigelow (2010). Je précisais finalement au participant mon intention de discuter des situations inconfortables ou de questionnements au sujet de la meilleure ce qu’il fallait faire demandait réflexion ou ne leur apparaissaient pas « évidente » lors de leur expérience.

Le dernier défi que je souhaite souligner est celui concernant la constante réflexion sur l’influence de mes expériences antérieures et les techniques utilisées afin de démontrer la crédibilité et la dépendabilité des résultats. Par le passé, je fus formatrice au sein d’un programme de formation en techniques de réadaptation en Haïti et je fus chef de projet et formatrice en physiothérapie pour Handicap International en Côte-d’Ivoire et au Pakistan. Ces expériences antérieures ont contribué à une meilleure compréhension du contexte de l’étude et ont augmenté la crédibilité (parallèle à la validité interne) des connaissances construites. Cependant, ces expériences ont aussi influencé le processus de recherche. Par exemple, j’ai initialement anticipé que les participants discuteraient de plusieurs questionnements éthiques et partageraient de nombreuses situations où ils se décriraient ambivalents face au meilleur choix à faire. Au cours des premières entrevues, j’ai rapidement réalisé que les formateurs étaient confiants du bien-fondé de plusieurs de leur décision lors de situations comportant des considérations éthiques. Bien qu’ils pouvaient discuter de difficultés et questionnements éthiques, ils ne témoignaient pas l’expérience personnelle de nombreux dilemmes et défis éthiques. Réalisant que mon anticipation initiale n’était pas supportée par les données récoltées, j’ai dû modifier ma question de recherche.

Tel que reflété par l’exemple ci-dessus, j’ai dû réfléchir continuellement à la façon dont mes propres expériences et mes antécédents pouvaient influencer l’analyse des données. J’ai rédigé un journal de réflexion tout au cours de la recherche et documenté mes pensées lors de l’analyse des données. En outre, des réunions régulières ont eu lieu avec les autres membres de mon comité de supervision et mon directeur de mémoire afin de discuter des thèmes émergents et d’assurer la crédibilité et la « dépendabilité » (« credibility as an analog to internal validity […] dependability as an analog to reliability ») des résultats (Lincoln et Guba, 1986, p.76-77). Cependant, je ne conçois

pas que ce défi de réfléchir continuellement sur l’influence de mon expérience et de ma personne soit une limitation à la recherche. Mon passé et mes connaissances ont plutôt constitué une force me permettant de bien comprendre le contexte. En effet, la méthodologie de l’interprétation descriptive admet la nature construite et contextuelle de l’expérience humaine qui « allows for shared realities » (Thorne et al., 1997). Ainsi, les connaissances amenées par les résultats de l’étude ont été interprétées à la lumière de mon expérience. Il est cependant demeuré un défi de mettre en retrait mes propres anticipations face à l’expérience vécue par les formateurs. J’ai dû utiliser des moyens afin de réfléchir constamment à l’influence de ma personne sur l’interprétation des résultats. La tenue d’un journal de route, de nombreuses discussions avec les membres de mon comité de supervision et mon directeur de mémoire ont été les deux moyens utilisés au cours de cette recherche. J’ai de plus utilisé plusieurs citations lors de la présentation des résultats afin d’assurer au lecteur de ce mémoire une plus grande conformabilité (« conformability as an analog for objectivity » [Lincoln et Guba, 1986, p.76-77]).