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Chapitre 2 Cadre conceptuel

2.3 Les définitions de la carte conceptuelle

Il est assez évident dans les écrits scientifiques et pédagogiques qu’il n’existe pas une définition, mais plusieurs définitions de la carte conceptuelle. Ces écrits se distinguent par rapport à leur conception générale de ce qu’est une carte conceptuelle, mais aussi par rapport à la définition de ses composantes et des principes de construction de celle-ci. Et qui plus est, dans plusieurs travaux de recherche, il n’est pas rare de constater un écart entre la définition qui est prise sur le plan théorique et celle qui est véritablement mise en application. Cela se produit lorsque les chercheurs adoptent un sens précis de la carte conceptuelle ou lorsqu’ils font référence à une définition particulière, par exemple à celle de Novak, mais qu’eux-mêmes ne respectent pas entièrement les principes énoncés ou sous-entendus.

Les définitions de la carte conceptuelle peuvent être situées sur un continuum, des plus ouvertes aux plus strictes. À un extrême, il y a ces chercheurs qui utilisent les termes « carte conceptuelle » ou « cartographie conceptuelle » de manière très libre. Pour eux, les nœuds peuvent renfermer n’importe quel type d’information (des mots, des phrases, des paragraphes et des images) et il n’y a pas nécessairement de contrainte sur la formation des arcs, c’est-à-dire sur la formation des objets qui reflètent les relations entre les nœuds (voir la Figure 2). Les arcs peuvent être représentés par des traits unidirectionnels ou bidirectionnels, accompagnés de mots de liaison ou non.

En général, ces définitions, dites ouvertes, ne permettent pas de cerner les types de connaissances qui sont représentés au moyen de ces schémas ni de différencier la carte conceptuelle d’autres variantes d’organisateurs graphiques2, comme la carte mentale (Buzan et Buzan, 1995), la carte de connaissances (Bahr et Dansereau, 2001; Bahr et Dansereau, 2005;

2 Des définitions plus complètes de ces variantes sont offertes dans Cañas et coll. (2003) et dans Morin et Paquette

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Chmielewski et Dansereau, 1998; Chung, Baker et Cheak, 2002; Chung, O'Neil et Herl, 1999), le réseau sémantique (Fisher, 1990; Jonassen, 2006) et la carte cognitive (Eden, 1988, 1992).

À l’autre opposée sur le continuum des définitions de la carte conceptuelle se situe la définition suggérée par Novak, parfois appelée l’approche « novakienne » qui, elle, est beaucoup plus restrictive. En plus de définir ce qui doit être contenu dans les nœuds et les arcs, cette approche dicte un mode d’organisation des connaissances et précise le rôle de l’individu (le « cartographe ») dans la construction de sa carte. Selon Novak et Gowin (1984), une carte conceptuelle est un réseau de nœuds et d’arcs qui sert essentiellement à « représenter les relations signifiantes entre des concepts sous la forme de propositions (p. 15) ». Un nœud est une figure géométrique dans laquelle est inscrit un terme, généralement un nom ou un groupe nominal, qui désigne un concept. L’arc est formé d’un trait muni d’une tête de flèche et sur lequel est apposée une expression, généralement un verbe, qui précise la relation entre deux concepts. Les concepts et les relations s’assemblent ainsi en énoncés de sens nommés des propositions. Une proposition comprend généralement deux concepts et une relation, mais elle comporte parfois plus d’éléments. La Figure 2 illustre une carte conceptuelle réduite au sujet de la notion de « concept ».

Figure 2. Exemple d’une carte conceptuelle au sujet de la notion de « concept »

Représentation mentale Catégories d’idées ou d’éléments Étiquette est de désigné par Figure géométrique symbolisé par Concept

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La définition de Novak de la cartographie conceptuelle ne se limite toutefois pas aux caractéristiques formulées ci-dessus. Elle repose aussi sur un bon nombre de principes concernant l’élaboration de ces schémas de connaissances. Cañas et coll. (2003) résument bien ces principes :

1. Le « cartographe » doit énoncer lui-même les mots ou les expressions de liaison entre les concepts ;

2. La carte conceptuelle doit être élaborée autour d’une question spécifique (en anglais, focus question) ;

3. Les nœuds doivent être des mots ou de courtes expressions désignant des concepts ;

4. L’organisation des concepts doit être semi-hiérarchique ;

5. La carte devrait être composée d’exemples et de relations transversales ; 6. La carte devrait généralement comporter entre 15 et 25 concepts.

Les fondements de ces principes sont multiples. Ils s’appuient à la fois sur quelques notions théoriques, comme les principes de la psychologie constructiviste (conditions 1 et 2), les principes de la théorie d’Ausubel (conditions 3 et 4) ou les mécanismes d’apprentissage qui y sont associés (conditions 5), et à la fois sur des considérations d’ordre pédagogique résultant des nombreuses années d’expérimentation de la cartographie conceptuelle auprès d’élèves et d’étudiants de tout horizon.

Ces considérations étant plus d’ordre pratique, il n’est donc pas sans grande surprise de constater qu’elles sont souvent adaptées pour s’harmoniser avec le contexte et les conditions de réalisation de la tâche d’apprentissage ou d’évaluation (voir la recension des écrits, dans la seconde partie de ce chapitre). À cet égard, même si plusieurs chercheurs ou pédagogues font référence aux écrits de Novak dans leurs travaux, ils n’emploient pas toujours sa définition telle quelle.

Dans le but d’éviter les malentendus, certains chercheurs préfèrent donc utiliser des termes distincts pour nommer les nombreuses variantes et adaptations de cette dernière. Dans une recension des écrits, Cañas et coll. (2003) emploient les termes « réseau sémantique » et «

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cartes de connaissances » pour désigner deux variantes de cartes non hiérarchiques : la première est construite librement alors que la deuxième est produite à partir d’une liste préétablie de concepts et d’expressions de liaison. Dans sa thèse, Vikaros (2017) aime mieux l’expression « graphe sémantique » pour désigner ce que Cañas et coll. (2003) nomment une carte de connaissances. L’emploi de termes distincts pour désigner chaque variante d’organisateurs graphiques des connaissances est selon toute vraisemblance un problème en constante évolution et, après tout, les expressions proposées ci-dessus sont généralement méconnues et rarement employées.

La présente recherche adopte donc une définition de la carte conceptuelle un peu plus souple que celle de Novak, mais qui demeure cohérente avec celles qui se retrouvent dans plusieurs travaux de recherche (Cañas et coll., 2003; Jonassen, 2000; Jonassen, 2006; Ruiz- Primo, Schultz, et coll., 2001; Ruiz-Primo et Shavelson, 1996; Ruiz-Primo, Shavelson, et coll., 2001). Dans cette recherche, une carte conceptuelle est simplement un schéma bidimensionnel composé de nœuds et d’arcs qui représentent respectivement des concepts et les relations entre ceux-ci. Les relations sont symbolisées par des traits munis d’une flèche et sont accompagnées de mots de liaison pour désigner le sens de la relation.

Et au contraire de l’approche de Novak, pour les raisons évoquées ci-dessus, il apparaît profitable de séparer la définition de la carte conceptuelle des modalités de production d’une carte conceptuelle. Fondamentalement, il n’y a pas lieu d’imposer un mode d’organisation du contenu de la carte, car cette organisation est largement tributaire du domaine des connaissances et des modalités de production de la carte conceptuelle. La prochaine section approfondira la définition des principales composantes d’une carte conceptuelle, le concept et la proposition, ainsi que celle de quelques autres composantes secondaires. Le troisième chapitre présentera diverses modalités de production de ces schémas de connaissances dans le contexte de l’évaluation des apprentissages.

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2.4 Les deux principales composantes d’une carte conceptuelle :