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Alors que l’histoire et l’actualité nous montrent que le champ professionnel et social de la naissance est en perpétuelle évolution, la maïeutique est en pleine réflexion sur son identité. Elle est un objet flou qui n’est pas facile à définir. Elle se donne pour objet d’étude divers aspects de la naissance avec des focalisations sur la manière dont elle est regardée. Elle semble présenter des définitions variées selon que l’on en parle de façon restreinte ou de façon plus large, selon qu’elle est abordée par les représentations sociales, par les autres disciplines ou par les sages-femmes elles-mêmes, avec des points qui concernent la santé des femmes mais aussi, comme le montre le rapide retour anthropo-socio-historique fait précédemment, le pouvoir et un certain enjeu social, qui a plus à voir avec des enjeux de société complexes qu’avec son propre fondement.

La revue Les Dossiers de l’obstétrique a consacré en mai 2013 un dossier à « la maïeutique » et s’est interrogée : « mais d’ailleurs… Qu’est-ce que la maïeutique ? (…) Ce terme accompagne notre profession de ses racines antiques au XXIème siècle. Obscure terminologie de philosophe pour certains, banale dénomination de cursus universitaire pour d’autres, qu’en est-il réellement ? » (Le Dû, 2013, p. 15). Le dossier propose une vision de la maïeutique à travers différents points de vue : celui des professionnels sages-femmes, celui des étudiants, ainsi qu’une vision plus philosophique, et tente de la définir : « la sage-femme a précédé la science. Alors si la médecine est une science d’exercice, la maïeutique est une science fondamentale. La sage-femme est philosophe car, si elle accouche les corps, elle s’adresse aussi aux âmes lorsque la femme enfante » (Le Goedec, 2013, p. 23). Alors que le terme maïeutique vient du grec maieutikê, qui signifie en médecine : « l’art de faire accoucher », la maïeutique actuelle ne semble pas pouvoir être considérée comme un art, notion très abstraite, comme la maïeutique de Socrate, qui est « l’art d’accoucher les esprits ». La maïeutique pourrait-elle désigner l’exercice professionnel de la sage-femme tel qu’il est défini à l’Article L4151-1 du Code de la Santé Publique : « l’exercice de la profession de sage-femme comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l’accouchement, ainsi qu’à la surveillance et à la pratique de l’accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l’enfant, sous réserve des dispositions des articles L. 4151-2 à L. 4151-4 et suivant les modalités fixées par le code de déontologie de la profession, mentionné à l’article L. 4127-1.

L’examen postnatal peut être pratiqué par une sage-femme si la grossesse a été normale et si l’accouchement a été eutocique.

L’exercice de la profession de sage-femme peut comporter également la réalisation de consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention, sous réserve que la sage-femme adresse la femme à un médecin en cas de situation pathologique » ?

La maïeutique, restée longtemps confidentielle dans le secret et l’intimité des femmes, considérée comme une activité secondaire, car essentiellement féminine, a compris la nécessité de se définir, de formaliser sa place au sein du système de santé. « La sage-femme a comme mission d’assurer une approche globale des soins en périnatalité, un humanisme et un rôle en santé publique » (Collectif des Associations et Syndicats de Sages-femmes, 2010).

La périnatalité, qui touche au social, au sociétal et au médical, est le cœur de métier de la sage-femme. Profession médicale à compétences définies, la profession de sage-femme a évolué très rapidement. Si elle a des compétences spécifiques, elle partage des compétences sur des activités ciblées avec d’autres professions de santé : les médecins, les kinésithérapeutes, les infirmières, les puéricultrices et les pharmaciens. Elle souhaite affirmer son champ d’action et revendiquer sa légitimité. Cependant, elle se rend compte qu’il est maintenant difficile de se faire une place au milieu des disciplines médicales et paramédicales qui se sont déjà instituées. Le référentiel « Métiers et compétences sage-femme » (Collectif des Associations et Syndicats de Sages-femmes, 2010, p. 3) note d’ailleurs que son élaboration et sa diffusion sont « un défi pour une profession comme celle des sages-femmes, dont le statut, les compétences sont souvent encore méconnus, voire par certains de leurs aspects, inconnus. ». Il devrait favoriser « la reconnaissance sociale pour les pairs et la collectivité : la lumière mise sur les compétences de la sage-femme est une étape de légitimation du rôle de la sage-femme dans le champ de la santé en France ».

Ainsi, les sages-femmes devaient se trouver une identité qui leur permette de nommer leur corpus de savoirs propres et de rendre visible leur profession méconnue (Nguyen, 2013, p. 17). L’Association des Sages-Femmes Enseignantes Françaises (ASFEF), aujourd’hui Conférence Nationale des Enseignants en Maïeutique (CNEMa), a déposé en 2009 ce terme maïeutique à l’occasion des travaux concernant l’intégration des écoles de sages-femmes à l’université et des études dans le cursus LMD, en même temps que la mise en place de la Première Année Commune aux Études de Santé (PACES). À l’université, les études de sage-femme ont été identifiées en « filière maïeutique », au sein des quatre filières de santé que

sont la médecine, l’odontologie, la pharmacie et la maïeutique, entrainant l’émergence du terme « Écoles de maïeutique » pour les structures de formation.

La maïeutique semble s’inscrire dans la définition de la santé proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à savoir « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé). Cette définition montre bien que la notion de santé ne s’adresse pas à la seule discipline de la médecine car être tout à fait exempt de maladie ne signifie pas forcément être en bonne santé. La maïeutique s’occupe de femmes en bonne santé et s’inscrit dans un rôle important en matière d’éducation à la santé. Elle s’intéresse à la femme, au couple, à la femme enceinte et à son futur enfant et implique une approche globale des patientes : suivi gynécologique de prévention, suivi médical des grossesses normales, accompagnement incluant la relation humaine, écoute professionnelle vigilante apte à favoriser les échanges dans ce que la femme a de plus intime et dépistage des situations à risque.

Les professionnels de la maïeutique s’attachent à préserver, à favoriser cet « état de complet bien-être physique, mental et social ». L’Association Européenne des Sages-femmes (EMA) a déclaré lors de sa réunion à Maastricht les 29 et 30 novembre 2013 : « les sages-femmes […] contribuent à l’amélioration de la santé des sages-femmes et de leurs familles et permettent d’assurer la normalité du processus de la naissance. » (Benoit Truong Canh & Hubert, 2014).

Une série spéciale du Lancet, hebdomadaire de référence en matière de recherche médicale internationale, a été consacrée à la maïeutique en 2014 (The Lancet, 2014). Il est question de développer le sens attribué à la maïeutique. Les auteurs de cette série se sont basés sur des définitions internationales et sur une analyse de la pratique de sage-femme, pour identifier des éléments susceptibles de caractériser la maïeutique. Il est proposé une définition de la maïeutique qui pourrait être :

« les soins spécialisés, basés sur la connaissance et attentionnés pour les femmes enceintes, les nouveau- nés et leurs familles pendant la période précédant et durant la grossesse, l’accouchement, les suites des couches et les premières semaines de vie. Cette pratique consiste essentiellement à optimiser les processus physiologiques, biologiques, psychologiques, sociaux et culturels de la reproduction et de la petite enfance, mais également à prévenir et à prendre en charge rapidement les complications, à consulter et orienter les femmes vers d’autres services, à respecter la situation et les points de vue individuels des

femmes, et à travailler en partenariat avec elles pour renforcer leurs capacités à prendre soin d’elles-mêmes et de leurs familles » (The Lancet, 2014, p. 3).

Il est aussi suggéré que la maïeutique pourrait bénéficier d'une exploration plus détaillée afin de définir le concept, aussi bien dans le contexte de la pratique clinique, éducative, cadre et de recherche. L’exercice de la maïeutique est synonyme de métier technique et humain à la fois, au carrefour de la gynécologie, de l’obstétrique, de la pédiatrie, de la psychologie, des sciences humaines et sociales. La maïeutique comprend à la fois une partie scientifique et une pratique. Les sages-femmes ont un rôle de dépistage et de prévention essentiel, avec une approche globale du couple et plus largement de l’entité familiale, un suivi médical de la physiologie et un passage de relais au médecin lors du dépistage de toutes situations pathologiques. La maïeutique des sages-femmes peut donc être affiliée à un métier de la santé puisque la logique démontre qu’elle en a les caractéristiques.

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