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A) Les modèles psychosociaux du comportement

I. Les modèles sociocognitifs

1.4. Les habitudes

1.4.2. Définition de Verplanken et Aarts

Verplanken et Aarts (1999, p.104) définissent les habitudes comme des « séquences

apprises d’actions qui sont devenues des réponses automatiques à des indices spécifiques, et qui sont fonctionnels pour atteindre certains buts ou états ». Pour être considérée comme telle, une habitude doit répondre à trois critères : la fonctionnalité, l’automaticité et la stabilité contextuelle.

En premier lieu, une habitude a une valeur fonctionnelle et porte nécessairement sur comportement dirigé vers un but. Cela exclut tous les actes réflexes (e.g. se ronger les ongles), les compulsions, les routines mais aussi les comportements désagréables. En effet, les auteurs notent qu’un individu peut s’habituer volontairement à produire un comportement que si celui-ci est agréable.

Ensuite, un comportement est habituel s’il est devenu automatique. Cestac (2009) note que le déclenchement d’un comportement habituel est intentionnel mais que sa réalisation se fait de manière automatique (Aarts & Dijksterhuis, 2000). Plus un individu est habitué à effectuer un comportement, plus celui-ci se fait de manière automatique, c’est-à-dire que l’individu n’a pas besoin de contrôler consciemment ce qu’il est en train de faire. Par exemple, un individu qui doit se rendre de son domicile à son lieu de travail doit d’abord choisir de déclencher le comportement “se rendre au travail” en prenant un mode de transport. Si son habitude est faible, il hésitera sur l’heure de départ et sur le mode à utiliser. Si son habitude est forte, il saura à quelle heure il doit partir et prendra son mode de transport habituel sans avoir besoin de réfléchir. Cependant, les habitudes déjà formées ne sont pas totalement figées et inconscientes. Puisqu’elles portent sur des comportements dirigés vers un but, elles sont contrôlables et modifiables.

Troisièmement, un comportement ne peut devenir habituel que s’il se produit dans un contexte stable (Verplanken, Walker, Davis & Jurasek, 2008). Une habitude est une réponse automatique à des clés contextuelles. De fait, si ces clés disparaissent parce que le contexte change, la réponse automatique ne peut plus se déclencher.

34 Ouelette et Wood (1998) notent qu’une habitude ne peut porter que sur un comportement à forte opportunité, c’est-à-dire que l’individu peut effectuer fréquemment. Dans le cas de comportement à faible opportunité, le comportement passé est un indicateur plus pertinent pour comprendre le comportement futur que l’habitude. Par exemple, l’achat d’une voiture est un comportement à faible opportunité car un individu ne réalise ce genre d’investissement que très rarement. Dans ce cas, le comportement passé nous renseignera plus sur les choix de l’individu que son habitude. Cestac (2009) observe à ce propos qu’une habitude influence directement un comportement (à forte opportunité) par des processus automatiques (Verplanken & Aarts, 1999) alors que le comportement passé peut agir sur le comportement futur par le biais de processus raisonnés et conscients (Oulette & Wood, 1998).

1.4.3. Applications dans le cadre de l’éco-mobilité

Un certain nombre d’études portant sur les habitudes prennent la mobilité comme exemple de comportement habituel (Aarts, Verplanken & van Kinppenberg, 1997 Verplanken, Aarts & van Kinppenberg, 1997 ; Aarts & Dijksterhuis, 2000 ; Gardner, 2009). La plupart des individus se déplace chaque jour pour des raisons diverses : aller au travail, aller faire les courses, aller chercher les enfants à la sortie de l’école. Les comportements de mobilité sont fréquents, ou à forte opportunité, sont dirigés vers un but, puisqu’un individu ne se déplace pas sans raison, et se produisent dans un contexte relativement stable. Ils correspondent à la notion d’habitude développée par Verplanken et Aarts (1999).

Comme Triandis (1980), Gardner (2009) a observé à travers une enquête sur les déplacements quotidiens que l’habitude modérait l’effet de l’intention sur les comportements modaux. Plus un individu rapportait une habitude forte, moins l’intention était prédictive du comportement. Si l’habitude était faible, l’intention était prédictive. En d’autres termes, un individu peu habitué “choisit” délibérément son comportement. Le processus est raisonné. A l’inverse, si un individu a l’habitude d’utiliser un mode de transport, le “choix” en faveur de ce mode est automatique et n’a pas besoin d’un contrôle cognitif conscient.

Aarts, Verplanken et van Knippenberg (1997) mesuraient l’habitude d’étudiants hollandais utilisant le vélo pour se rendre à l’université puis leur demandaient d’imaginer comment ils pourraient réaliser certains trajets en leur donnant des informations. Leurs résultats ont montré que les participants les plus habitués utilisaient moins d’informations que les autres pour imaginer leurs déplacements. Avec une méthode similaire, Verplanken, Aarts

35 et van Knippenberg (1997) ont observé le même pattern : plus la force de l’habitude augmente, plus la recherche d’informations avant de prendre une décision diminue. Cependant, ils ont également noté que le fait de prévenir les participants qu’ils devraient ensuite justifier leur choix les amenait à chercher plus d’informations.

Aarts et Dijksterhuis (2000) ont interrogé des étudiants sur leurs habitudes de transport puis leur demandaient de dire quel mode ils utiliseraient pour une liste de trajets fictifs. Les auteurs manipulaient l’inhibition de la réponse habituelle et la charge cognitive. Pour l’inhibition, une partie des participants avait le droit d’indiquer le mode de transport utilisé habituellement alors que l’autre partie avait pour consigne de ne pas donner le mode habituel mais plutôt de proposer un mode alternatif, pour la réponse habituelle. Concernant la charge cognitive, une partie des participants réalisait seulement la tâche principale (associer un mode de transport à chaque trajet) pendant que l’autre devait faire une tâche parasite en même temps (additionner des chiffres).

Les résultats ont montré qu’il était difficile pour les participants d’inhiber la réponse habituelle, et cela encore plus lorsqu’ils étaient en condition de charge cognitive élevée. Pour les auteurs, « le fait que les participants ont des difficultés à supprimer le mode de transport habituel dans la condition de charge cognitive forte, c’est-à-dire lorsque l’attention est absorbée par une tâche secondaire, corrobore avec l’idée selon laquelle les habitudes des réponses automatisées » (Aarts & Dijksterhuis, 2000, p. 80). Par ailleurs, ils ont précisé que les habitudes sont représentées mentalement. Ce dernier point est particulièrement important.

Nous avons vu que les habitudes sont des réponses automatiques à des clés contextuelles, qui ne peuvent se produire que dans certaines situations. Cette caractéristique pourrait nous laisser penser que les habitudes sont donc des réactions comportementales plutôt que des cognitions, ce qui les opposerait clairement aux autres facteurs tels que l’intention ou l’attitude. Pourtant, les expériences précédentes montrent que l’évocation de la situation, l’activation de sa représentation mentale, suffit à provoquer la réponse automatique. Par conséquent, bien qu’elles ne puissent être formées qu’à la suite de comportements répétés, les habitudes sont de nature cognitive et influencent les traitements de l’information qu’effectue un individu. Ce qui oppose l’intention à l’habitude ne vient donc pas de leur nature cognitive ou comportementale mais de leur caractère délibéré ou automatique.

36 Cependant, une question importante reste à poser : est-il possible de modifier les habitudes ? Plusieurs chercheurs ont effectué des recherches sur la question et l’une des pistes les plus efficaces consiste à changer de contexte (Bamberg, 2006 ; Verplanken, Walker, Davis & Jurasek, 2008; Fujii, Gärling & Kitamura, 2001).

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