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A) Les modèles psychosociaux du comportement

III. Les théories de changement par étapes

3.1. Le modèle transthéorique

3.1.3. Applications dans le cadre de la santé et de l’éco-mobilité

Le modèle transthéorique a été appliqué au fait d’arrêter de fumer. Ainsi, Velicer et Prochaska (1999) ont élaboré et tester l’efficacité d’un système expert adaptant ses recommandations en fonction de l’étape de changement dans laquelle se trouve l’individu. Sur quatre études, ils ont observé que 22% à 26% des participants s’arrêtaient de fumer au bout de six mois grâce à leur système. Cet effet se maintenait dix-mois après. Anatchkova, Velicer et Prochaska (2005, 2006) ont également vérifié l’efficacité d’interventions taillées sur mesure en fonction de l’étape de changement des participants. Sun, Prochaska, Velicer et Laforge (2007) ont observé que les individus n’utilisaient pas les mêmes procédés de changement en fonction de l’étape dans laquelle ils se trouvaient. Le modèle a également été appliqué avec succès à l’exercice physique (Sarkin, Johnson, Prochaska & Prochaska, 2001).

Dans le cadre de l’éco-mobilité, le projet MAX (2006-2009) organisé par l’EPOMM (European Platform on Mobility Management) a également eu recours au modèle transthéorique. Tout d’abord, un outil diagnostic permettant de situer les individus par rapport à une étape du modèle a été élaboré et validé à travers sept pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Ecosse, France, Grèce, Slovénie, Suisse).

Cet outil, particulièrement simple à utiliser, est composé de six propositions décrivant une situation de mobilité. Le répondant doit choisir parmi les six propositions celle qui correspond le mieux à sa situation. Chaque proposition renvoie à une étape de changement du modèle transthéorique. Les propositions sont présentées ci-après (notre traduction).

52 1 « J’utilise la voiture pour la plupart de mes déplacements. Je suis satisfait de mon utilisation de la voiture et ne vois aucune raison de le réduire. »

2 « J’utilise la voiture pour la plupart de mes déplacements. J’aimerais réduire mon

utilisation de la voiture mais je ne peux pas le faire en ce moment. »

Les deux premières propositions correspondent à la phase de précontemplation. L’individu ne prévoit pas d’utiliser un mode alternatif à la voiture, parce qu’il est satisfait de sa situation, ou parce qu’il est captif de l’automobile et ne peut pas faire autrement.

3 « J’utilise la voiture pour la plupart de mes déplacements. J’aimerais réduire mon utilisation de la voiture mais je ne sais pas comment le faire en ce moment. »

Cette proposition renvoie à la phase de contemplation. L’individu a conscience des problèmes liés à la voiture et voudrait changer. Cependant, il ignore comment faire et n’a rien planifié. 4 « J’utilise la voiture pour la plupart de mes déplacements mais j’ai l’intention de réduire mon utilisation de la voiture. Je sais quels déplacements je vais remplacer et quel mode de transport alternatif je vais utiliser mais je n’ai pas mis mes idées en pratique. »

Cette proposition correspond à la phase de préparation. L’individu a conscience des problèmes liés à la voiture, il a l’intention de changer et a pris des initiatives en programmant comment il va réduire son utilisation de la voiture mais n’est pas encore passé aux actes.

5 « Étant conscient(e) des nombreux problèmes associés à l’utilisation de la voiture, j’essaye d’utiliser des modes alternatifs à la voiture autant que possible. Je compte maintenir voire réduire mon utilisation de la voiture, déjà faible, dans les mois suivants. »

Cette proposition renvoie à la phase d’action : l’individu a déjà adopté des comportements de mobilité plus écologiques que la voiture et a l’intention de maintenir son effort.

6 « Étant donné que je ne possède pas / n’ai pas accès à une voiture, réduire mon utilisation de la voiture n’est pas un problème pour moi en ce moment. »

Cette proposition correspond à la phase de maintenance : l’éco-mobilité est déjà une habitude pour l’individu, soit par choix, soit parce qu’il n’a pas accès à une voiture.

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Après avoir vérifié la validité de l’outil précédent, les équipes du projet MAX Sem1

ont réalisé deux études de terrain dans lesquelles elles ont testé l’efficacité d’interventions taillées sur mesure en fonction de l’étape dans laquelle se trouvaient les participants. La première étude s’est déroulée à Munich avec le concours du réseau de transport en commun municipal. Dans un premier temps, les participants recevaient un courrier avec une carte postale à renvoyer qui permettait de situer un participant par rapport aux étapes de changement. Les participants étaient ensuite recontactés par téléphone. Dans l’intervention MAX Sem, le message délivré dépendait de l’étape de changement du participant. Globalement, les résultats montrent que les participants changent d’étape entre les premières mesures (carte postale) et des mesures effectuées dix-huit semaines après.

La seconde étude a été menée à Hammersmith et avait pour but de tester l’efficacité d’une intervention MAX Sem. Les personnes interrogées devaient d’abord indiquer dans quelle étape de changement elles se situaient et ensuite noter le mode alternatif à la voiture qui leur semblait le plus adapté à leur situation. Les participants recevaient ensuite une brochure adaptée à leur profil, en fonction de l’étape et du mode alternatif choisis. Par exemple, si un individu se trouvait dans la phase de contemplation et avait indiqué que le vélo était le mode alternatif qu’il choisirait s’il devait changer, alors il recevait une brochure l’incitant à réévaluer ses capacités de mobilité et mettant en avant le vélo. Les résultats ont montré un effet positif de l’intervention MAX Sem sur le passage d’une étape à une autre. Les participants ayant reçu des brochures taillées sur mesure sont plus nombreux à passer de la contemplation à la préparation ou à l’action (entre 43% et 46%) que ceux ayant reçu une intervention standard (31%) ou aucune intervention (12%). Par contre, les participants qui se situaient dans la phase de précontemplation changent peu. Girandola (2003, p. 269) note que les personnes dans cette phase sont particulièrement résistantes au changement car elles sont particulièrement engagées dans leur comportement.

Globalement, le modèle transthéorique fournit une approche opérationnelle permettant de classer rapidement les individus par rapport à une étape de changement, grâce à un outil simple, présenté précédemment. Cette classification sert ensuite à adapter les procédées utilisés (communication, engagement) en fonction des individus pour les aider à passer d’une étape à une autre. Toutefois, cette simplicité apparente est à relativiser.

1 Le projet MAX Sem (Self regulation Model) a été développé par l’université de Giessen sous la direction de S. Bamberg et supporté par les partenaires ILS (Institut für Landes und Stadtentwicklungsforschung).

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Prochaska et al. (1992) ont observé que le changement de comportement ne suit pas

une progression linéaire, toujours d’une étape à la suivante, mais est un processus plus ou moins cyclique en fonction des individus (Sullivan, 1998). Dans cette conception, l’individu peut faire des écarts de comportements ponctuels ou des rechutes, revenir à une étape de changement précédente. Cependant, même si l’individu revient en arrière, il ne perd pas toute trace des progrès effectués et le passage d’une étape à l’autre sera donc plus rapide. Cette nouvelle approche s’avère plus pertinente car elle tient compte des difficultés rencontrées par un individu lorsqu’il essaye de changer de comportement. Sur ce point, le modèle Rubicon (Gollwitzer, 1990, Heckhausen, 1991) apporte une distinction intéressante entre les processus motivationnels, conscients et liés à l’intention, et les processus de volition, dépendants de la volonté de l’individu et des obstacles qu’il rencontre.

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