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CHIMIOKINE CCL3

1. Définition de la neuroinflammation dans la MA

La neuroinflammation est définie comme étant l’activation du système immunitaire inné cérébral en réponse à des lésions du tissu cérébral ou à la présence d’éléments détectés comme pathogène. La réponse inflammatoire observée dans la MA est complexe (Heneka et al. 2015) et se caractérise dans un premier temps par une activation des cellules gliales en réponse aux lésions pathologiques. Par ailleurs, les taux des médiateurs inflammatoires (interleukines, cytokines, chimiokines) présents au niveau des cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer se retrouvent être plus abondants par rapport à des individus de même âge (Blum-Degen et al. 1995; Tarkowski et al. 1999; Xia & Hyman 1999). En effet, en réponse à la présence de composants pathologiques, la microglie et les astrocytes libèrent un ensemble de molécules inflammatoires telles des protéines du complément, des cytokines (IL1β (Interleukine 1β), TNFα (Tumor necrosis factor α) , IL6 (Interleukine 6)), des chimiokines (MCP-1, CCL3, CCL5), des espèces réactives de l’oxygène ou des prostaglandines (PGE2) qui auront pour but d’entretenir cette neuroinflammation mais peuvent également avoir des conséquences néfastes et favoriser la mort neuronale (Akiyama et al. 2000; Cartier et al. 2005; Glass et al. 2010; Heneka et al. 2015). De manière générale, cette neuroinflammation est également accompagnée d’une infiltration lymphocytaire avec ou sans dommage de la barrière hémato-encéphalique (Itagaki et al. 1988; Rogers et al. 1988; Togo et al. 2002) dans le but d’augmenter l’élimination des agrégats pathologiques par phagocytose.

48 2. Interaction réciproque entre la neuroinflammation, Aβ et Tau

a) A l’origine de la neuroinflammation

De par la localisation extracellulaire des plaques séniles, la neuroinflammation chronique de la MA peut être définie comme une conséquence de la pathologie amyloïde. Au niveau des tissus post-mortem des patients atteints de la MA, les cellules gliales activées, la microglie et les astrocytes, sont retrouvées à proximité des plaques séniles montrant une relation intime entre l’activation gliale et la pathologie amyloïde (Rogers et al. 1988; Akiyama et al. 1996; Sofroniew & Vinters 2010). Cependant, la microglie et les astrocytes activés sont également retrouvés à proximité de la DNF observée sur le tissu cérébral de patients Alzheimer (Sheng et al. 1997; Zilka et al. 2012). De plus, l’analyse de différents modèles de tauopathies révèle la présence d’une neuroinflammation, montrant ainsi que la pathologie Tau, peut-être, elle aussi, élément déclencheur d’une neuroinflammation (Bellucci et al. 2004; Bellucci et al. 2011; Yoshiyama et al. 2007; Garwood et al. 2010; Belarbi et al. 2011; Laurent et al. 2011).

D’un point de vue mécanistique, les peptides amyloïdes et les protéines Tau pathologiques apparaissent capables d’induire l’activation des cellules microgliales et astrogliales (Glass et al. 2010). Ces cellules expriment à leur surface des récepteurs capables de lier le peptide amyloïde.

Le premier d’entre eux est le récepteur Toll-like de type 4 (TLR4) (Landreth & Reed-Geaghan 2009). Dans un premier temps, une étude histologique a montré une colocalisation entre les TLR4 et les plaques amyloïdes dans le cortex entorhinal de patients atteints de MA (Walter et al. 2007). Ensuite, différentes études mettent en avant le rôle important de ces récepteurs dans la régulation de la pathologie amyloïde. En effet, les souris APP/PS1, connues pour développer la pathologie amyloïde, développent une neuroinflammation qui peut participer à l’élimination des plaques séniles. La mutation ou la suppression génétique des TLR4 dans ce modèle induit non seulement une diminution de la neuroinflammation (Jin et al. 2008) mais également une augmentation du nombre de plaques amyloïdes (Tahara et al. 2006). De plus, des expériences in vitro réalisées à partir de cultures de cellules microgliales ont permis de mettre en évidence l’implication des TLR4 directement dans le processus de phagocytose de l’Aβ par la microglie (Tahara et al. 2006).

49 Les seconds récepteurs majeurs impliqués dans l’activation microglial par l’Aβ sont les récepteurs des produits terminaux de glycation (RAGEs : Receptor for advanced glycation end products) (Yan et al. 1996). Des travaux montrent que l’inhibition de l’activation des RAGE par l’Aβ induit une réduction de la production de marqueurs inflammatoires en réponse à l’activation microgliale (Ramasamy et al. 2009) et que ce récepteur joue un rôle important dans la clairance de l’Aβ (Bu 2009).

Bien qu’une relation de proximité soit établie entre les cellules gliales et la pathologie Tau, les mécanismes par lesquels la pathologie Tau intraneuronale promeut la neuroinflammation restent inconnus. De manière surprenante, l’analyse de différents modèles de tauopathie (P301S et THY-Tau22) montre que la neuroinflammation, comme les altérations mnésiques précèdent le développement de la DNF, sous-tendant une implication des processus neuroinflammatoires dans l’apparition et la progression de la pathologie Tau (Yoshiyama et al. 2007; Dumont et al. 2011; Laurent et al. 2011).

Par ailleurs, les neurones eux-mêmes participent à l’induction de la neuroinflammation. En effet, les neurones, en condition basale, libèrent de la fractalkine (CX3CL1) qui maintient la microglie dans un état quiescent, en agissant sur son récepteur microglial CX3CR1 (Lyons et al. 2009). Une réduction des taux de fractalkine a été retrouvée dans le cortex d’un modèle murin amyloïde, ce qui pourrait contribuer à l’activation microgliale de ce modèle (Duan et al. 2008).

b) Le cercle vicieux de la neuroinflammation

Les relations entre la neuroinflammation et le développement des lésions neuropathologiques associées à la MA sont réciproques (Figure 21). Comme nous avons pu le voir dans le chapitre précédent, les lésions histopathologiques de la MA sont en interaction avec les cellules gliales et permettent ainsi leur activation et le déclenchement du processus neuroinflammatoire. En retour, les cellules gliales activées, notamment la microglie, vont participer à la clairance des plaques séniles par phagocytose (Frackowiak et al. 1992; Frautschy et al. 1998).

Cependant les effets bénéfiques de la neuroinflammation sur les lésions de la MA ne sont que transitoires (Mizuno 2012). En effet, les cytokines libérées par les cellules gliales activées vont agir en feed-back sur ces cellules et réprimer l’activité de phagocytose

50 (Koenigsknecht-Talboo & Landreth 2005). Ainsi, les cellules gliales activées peuvent exercer un rôle délétère sur les lésions neuropathologiques de la MA.

Figure 21 : Le cercle vicieux et le rôle controversé de la neuroinflammation

Bien que la neuroinflammation induite par les lésions histopathologiques de la MA participe à la clairance amyloïde, elle entretient également le développement de la pathologie amyloïde et Tau et entraine l’apparition de déficits synaptiques et mnésiques.

Concernant la pathologie amyloïde, Nadler et ses collaborateurs ont montré que les astrocytes activés peuvent surexprimer des composants de la γ-sécrétase et donc entrainer une augmentation de la production des fragments amyloïdes (Nadler et al. 2008). Par ailleurs, les cytokines proinflammatoires, telles que l’IL1β et le TNFα, peuvent moduler directement la production du peptide amyloïde en augmentant l’activité de la γ-sécrétase (Liaoi et al. 2004) et les niveaux d’expression de la β-sécrétase (Yamamoto et al. 2007).

Concernant la pathologie Tau, des injections de lipopolysaccharide (LPS), connues pour induire une inflammation, entraine une augmentation de la pathologie Tau dans un modèle

51 murin mimant les deux pathologies de la MA (Kitazawa et al. 2005; Sy et al. 2011). De même, certains marqueurs inflammatoires tels que l’IL1β peuvent activer les kinases p38 MAPK et GSK3β et provoquer une hyperphosphorylation de la protéine Tau (Sheng et al. 2000; Li et al. 2003; Ghosh et al. 2013). A l’inverse, l’inactivation de l’IL1β permet une restauration des capacités mnésiques et une diminution de la pathologie Tau (Kitazawa et al. 2011).

Néanmoins, les effets d’une suractivation microgliale, par une absence d’expression du récepteur à la fractalkine, auront des effets différents sur un modèle de tauopathie ou de pathologie amyloïde. En effet, les souris hTau (modèle de tauopathie) KO pour le récepteur CX3CR1 développent plus précocement et plus intensément la pathologie Tau en association avec des troubles mnésiques (Bhaskar et al. 2010; Maphis et al. 2015) alors que ce même KO CX3CR1 croisé à des souris APP (modèle de pathologie amyloïde) entraine une diminution de la charge amyloïde (Lee et al. 2010). Ceci illustre bien l’ambiguïté des effets de l’activation microgliale sur les lésions pathologiques de la MA. Dans l’ensemble, ces données indiquent qu’il existe une relation étroite et mutuelle entre les processus neuroinflammatoires et les composantes lésionnelles de la MA.