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COMMENT LE CCL3 PEUT-IL IMPACTER SUR LA FONCTION SYNAPTIQUE ETMNESIQUE ?

Les effets délétères du CCL3 sur le fonctionnement synaptique et mnésique semblent être dépendants de l’activité des récepteurs CCR5, sans exclure un effet potentiel dépendant des récepteurs CCR1. En effet, les effets du CCL3 sur la transmission synaptique basale mais aussi sur la LTP sont abolis en présence de BX513, antagoniste des récepteurs CCR1 et CCR5 ; et de Maraviroc, antagoniste sélectif des récepteurs CCR5. Nous avons également remarqué que l’application des antagonistes seuls n’entraine aucune modification de la plasticité. Bien que nous ne pouvons pas exclure que les niveaux endogènes de CCL3 présents, ou sécrétés, dans les tranches d’hippocampe ne soient trop bas, nos observations suggèrent que l’activité tonique de ces récepteurs ne soit pas impliquée dans les phénomènes de plasticité synaptique comme il peut être le cas pour l’IL1β (Coogan et al. 1999; Avital et al. 2003). Nos résultats viennent renforcer les données déjà publiées sur le rôle du CCR5 dans la neuromodulation. En effet, ce récepteur est impliqué dans la perception de la douleur au niveau des sites inflammatoires, et est également capable de moduler la libération de glutamate dans le néocortex humain (Szabo et al. 2002; Musante et al. 2008) lui offrant ainsi la fonction de la neuromodulation. De plus, au niveau de l’hippocampe, les deux chimiokines capables d’activer le CCR5, le CCL3 et le CCL5, sont connues pour inhiber la fréquence des courants post-synaptiques glutamatergiques spontanés via une régulation de la signalisation calcique (Meucci et al. 1998). Ainsi, nos travaux mettent en évidence un nouveau rôle au couple ligand/récepteur CCL3/CCR5 dans la fonction synaptique de l’hippocampe.

De plus, les atteintes mnésiques induites par le CCL3, observées dans cette étude, semblent également être dépendantes du récepteur CCR5. Ainsi, l’activation du CCR5 apporte un effet délétère sur la fonction mnésique. Nos résultats comportementaux sont en accord avec les travaux de Passos qui montrent une atténuation des altérations mnésiques induites par l’Aβ, dans un modèle murin dépourvu de ces récepteurs CCR5 (Passos et al. 2009). Ils soulèvent également le fait que les différents troubles cognitifs associés à diverses conditions pathologiques telles que l’épilepsie ou la maladie d’Alzheimer, pourraient être dus à des altérations synaptiques induites par une élévation des taux de CCL3 (Xia & Hyman 1999; Guzik-Kornacka et al. 2011; Johnson et al. 2011; Liu et al. 2014). Les animaux

90 déficients pour le CCR5 présentent des altérations mnésiques en lien avec une activation astrocytaire et les dépôts amyloïdes (Lee et al. 2009). Cependant, d’autres études montrent que l’absence de ce récepteur prévient des déficits mnésiques induits par l’Aβ ou la protéine gp120, bien que la simple délétion des récepteurs CCR5 soit sans effet sur les processus cognitifs (Passos et al. 2009; Maung et al. 2014). En lien avec ces données, nous avons pu constater que le blocage pharmacologique des récepteurs CCR5, par le Maraviroc, améliore les altérations de la plasticité synaptique et de la mémoire induites par le CCL3, mais est sans effet lorsqu’il est administré seul. Ainsi, l’activité tonique des CCR5 ne semble pas nécessaire à la fonction mnésique dans des conditions non pathologiques.

Prises ensembles, nos données mettent en avant, pour la première fois, l’idée que l’activation anormale des récepteurs CCR5, en condition pathologique, associée à une surexpression de CCL3, est sujette à altérer les processus synaptiques qui conduisent à une perte mnésique.

Néanmoins, les mécanismes cellulaires et moléculaires associés aux effets délétères de l’activation des CCR5 par le CCL3 au sujet du fonctionnement synaptique hippocampique et la mémoire restent inconnus. L’activité synaptique basale est connue pour être dépendante de l’activité et du trafic des récepteurs AMPA, processus régulés par les niveaux de phosphorylation des sous-unités des récepteurs AMPA (cf. chap1.D.3) (Citri & Malenka 2008). Le test de l’évitement passif est également associé à une augmentation in vivo de l’activité synaptique hippocampique et de la LTP. A ce sujet, une performance mnésique dans ce test est corrélée à une augmentation du nombre de récepteur AMPA à la membrane au niveau des CA1 (Whitlock et al. 2006; Mitsushima et al. 2011).

Dans notre cas, il est possible que les altérations synaptiques et mnésiques induites par le CCL3 soient en lien avec une régulation de l’activité ou du trafic des récepteurs AMPA à la membrane post-synaptique, comme il l’a été montré pour le CXCL8. Cette chimiokine, d’une part induit des altérations de LTP (Xiong et al. 2003) et d’autre part est également capable d’induire in vitro des modifications des niveaux de phosphorylation des récepteurs AMPA (Catalano et al. 2008) entrainant des modifications des propriétés fonctionnelles de ces récepteurs synaptiques (Lax et al. 2002).

91 Par ailleurs, les récepteurs CCR5 sont non seulement exprimés au niveau neuronal, mais aussi au niveau des cellules gliales (Galasso et al. 1998; Mennicken et al. 2002; J. H. Xu et al. 2009; Zhu et al. 2012). L’implication des cellules gliales, notamment des astrocytes, vis-à-vis des activités synaptiques et mnésiques est bien documentée (Perea & Araque 2010; De Pittà et al. 2015; Fields et al. 2013). Par conséquent, nous ne pouvons pas exclure une quelconque implication des cellules gliales dans les effets délétères du CCL3 sur le fonctionnement hippocampique. En effet, le CCL3 en se fixant à ses récepteurs CCR5 astrocytaires pourrait induire une modification de la fonction de ces cellules gliales, telles qu’une modification de la recapture de neurotransmetteurs ou la libération de gliotransmetteurs et ainsi attribuer, aux astrocytes, un rôle dans les altérations synaptiques et mnésiques observées. Des études complémentaires seront nécessaires afin de préciser les mécanismes d’action du CCL3, par l’activation des CCR5, vis-à-vis de la fonction synaptique et mnésique.

En résumé de cette partie, nous avons pu montrer dans un premier temps que le CCL3 est capable d’induire, non seulement, des altérations de la transmission synaptique basale, mais aussi, de la LTP, de façon indépendante des récepteurs NMDA. Dans un second temps, l’analyse de la fonction mnésique d’animaux injectés de manière sub-chronique pendant 7 jours avec du CCL3, a révélé que cette chimiokine entraine des atteintes de la mémoire spatiale à court terme et de la mémoire conditionnée à long terme. Enfin, nous avons pu mettre en évidence que ces actions délétères du CCL3 vis-à-vis du fonctionnement hippocampique sont dépendants des récepteurs CCR5.

En conclusion, notre étude apporte une nouvelle fonction de neuromodulateur de l’activité hippocampique au CCL3, apportant ainsi de nouvelles perspectives sur le rôle potentiel de cette chimiokine dans les pathologies associées à des troubles cognitifs. La régulation de cette fonction toxique du CCL3 vis-à-vis du fonctionnement synaptique pourrait devenir une cible thérapeutique.

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PARTIE 2 :

L’INSULINORESISTANCE