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1.1 Politiques publiques liées aux personnes handicapées vieillissantes

1.1.3 Définition complexe de la personne âgée dépendante

Une personne âgée est, communément, une personne dont l'âge est avancé et qui présente les attributs physiologiques et sociaux de la vieillesse tels que la société se les représente. En particulier, le passage que représente le départ en retraite marque symboliquement cette entrée dans la catégorie sociale dite du troisième âge.

La définition d'une personne âgée dépend du contexte. Le vieillissement est un processus progressif, et une personne ne devient pas âgée du jour au lendemain.

7 Circulaire DGCS/SD3B/CNSA/2013/381 du 22 novembre 2013 relative à la mise en œuvre d’une procédure de prise en compte des situations individuelles critiques de personnes handicapées enfants et adultes.

8 PIVETEAU. D, 2014, « Zéro sans solutions. Le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches ».

9 ENNUYER. B, 2002, Les malentendus de la dépendance, Dunod, Paris.

Serge GUERIN10, pour sa part, insiste sur le fait que l'âge est un construit social qui évolue en fonction des normes que se donne la société. Il propose quatre types de seniors : les Seniors Traditionnels, les Seniors Fragilisés (par la dépendance physique, mentale ou économique), les Nouveaux Seniors qui portent la modernité et refusent la norme du vieillir, et enfin les Personnes de Grand Age mais qui cherchent à rester des acteurs de leur vie.

L'entrée dans la vieillesse ne se réfère à aucun âge particulier mais à un état d'incapacité fonctionnelle éprouvé subjectivement ou objectivement selon les dires des personnes âgées elles-mêmes. L'expression personne âgée, tout comme le mot senior, est une circonlocution destinée à éviter l'utilisation directe des mots vieux, vieillard et vieillesse, perçus négativement. Le sociologue Serge GUERIN montre que les mots sont le signe d'un refus de la société dans son ensemble à voir le vieillissement comme une donnée dynamique permettant de faire levier pour des transformations.

On considérait en Europe, dans les années soixante, comme personnes âgées l'ensemble des retraités. Depuis cette époque, la retraite ne signifie plus exactement la même chose et il a bien fallu distinguer la cessation d'activité de la vieillesse. Depuis les années quatre-vingt, deux catégories sont réunies sous le vocable de personnes âgées : les retraités, à qui on accole parfois l'adjectif « jeunes » pour bien les différencier des autres, et les personnes de grand âge parfois qualifiées de « dépendantes ». En France le terme dépendance est d'abord utilisé par les gériatres pour qualifier les personnes qui ont besoin de quelqu'un pour accomplir certains actes de la vie quotidienne du fait de l'altération de leurs fonctions vitales.

Le rapport LAROQUE11 publié en 1962 est resté l’acte fondateur visant à intégrer pleinement dans les politiques publiques les personnes âgées et l’allongement de l’espérance de vie. Les dispositions prises au cours des décennies suivantes telles que relever le montant des retraites, mettre en place et développer le maintien à domicile des personnes âgées, prendre en charge la dépendance, moderniser et fixer des normes pour les maisons de retraites, instaurer la formation professionnelle, prendre des mesures de fin de carrière pour les métiers pénibles …, ont été largement inspirées par les analyses et les préconisations du rapport LAROQUE. « L’accent doit être mis en priorité sur la nécessité d’intégrer les personnes âgées dans la société, en leur fournissant les moyens de continuer, le plus longtemps possible, à mener une vie indépendante par la construction de logements adaptés, par la généralisation de l’aide-ménagère à domicile, par la création de services sociaux de toute nature qui leur sont nécessaire, par

10 GUERIN.S, 2007, "L'invention des seniors" Hachette Pluriel.

11 LAROQUE P, 1962, Politique de la vieillesse, Paris, La Documentation Française.

l’organisation de leur occupation et de leurs loisirs » (Rapport LAROQUE, 1962) : Cité par ALVAREZ. S. (2014)12.

L’intégration de la vieillesse dans la société peinera malgré tout à se réaliser. Il faudra attendre le VIe plan de 1971-1975 pour voir émerger des actions sanitaires et sociales favorables au maintien à domicile, plan préparé à la suite du rapport de l’intergroupe

« Personnes âgées », présidé par Nicole QUESTIAUX. Un double objectif est clairement affiché : répondre aux besoins actuels d’une population d’un âge donné, agir sur les actifs d’aujourd’hui pour leur préparer une meilleure vieillesse demain. Il faut favoriser les politiques de maintien à domicile pour préserver au maximum l’indépendance et l’intégration sociale des personnes âgées. C’est à cette époque également que se structure le secteur social et médico-social avec la loi fondatrice du 30 juin 1975 d’orientation sur les personnes handicapées et relative aux institutions sociales et médico-sociales.

Le VIIe plan de 1976-1981 contient 25 programmes d’action prioritaire, dont le 15ième prévoit d’aller plus loin concernant le maintien à domicile des personnes âgées en permettant le développement de l’autonomie des personnes âgées et leur participation sociale. De nombreux services sont mis en place pour ce faire. Il en va ainsi de l’information pour la préparation à la retraite, de la prévention alimentaire avec le recours à des diététiciens ou des services de portage de repas à domicile, du développement d’activités d’animation sportives et culturelles au travers des clubs des anciens.

« Depuis le début des années 1980, dans les pays occidentaux, la notion de dépendance est au cœur de l’action sociale à l’endroit des personnes âgées. (...) L’approche la plus fréquente consiste à évaluer les incapacités des personnes concernées à partir de grilles de mesure, à apprécier l’aide nécessaire et à en déterminer le coût, méthode gestionnaire qui stigmatise et marginalise ceux qui en sont l’objet » (Bernadette PUIJALON13, 2003).

En 1979, le député Maurice ARRECKX14 rend un rapport sur « L’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes ». Parmi les propositions, figuraient l’amélioration des revenus par la mise en place d’une prestation financière mais aussi l’amélioration de la protection juridique, l’adaptation de l’hébergement collectif devant la montée de la dépendance, l’humanisation de la prise en charge des personnes fortement dépendantes et la nécessaire coordination des actions médicale, sociale et médico-sociale.

12 ALVAREZ, S., 2014, Prévention et vieillissement : l’expérience individuelle face à la norme contemporaine du “bien vieillir”. Thèse NR Sociologie, Université de Grenoble, p 74

13 PUIJALON B, GAGNON. E, SAILLANT. F et al., 2003, De la dépendance et de l’accompagnement. Soins à domicile et liens sociaux », L’Homme, 167-168 | 330-331.

14 ARRECKX M, 1979, l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes, Paris, Assemblée nationale.

Deux autres lois sont également importantes concernant l’affirmation des droits liés à la perte d’autonomie. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, dite loi 2002-2, encadre davantage les pratiques et renforce les droits des usagers. Ainsi l’usager est placé au centre des préoccupations des ESSMS. Elle impose ainsi un certain nombre d’obligations visant à garantir ses droits, que cela soit en lien avec la mise en place d’outils internes (livret d’accueil, charte des droits et libertés…) ou de systèmes de contrôle externe (autorisation de création et de transformation, principe d’une évaluation continue, interne et externe…). La loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » s’intéresse aussi aux droits des personnes âgées en situation de perte d’autonomie. Les réformes engagées visent à rapprocher les enjeux liés à la perte d’autonomie des personnes âgées de ceux liés aux situations de handicap. Tout désavantage social associé à une incapacité mérite un traitement similaire quel que soit l’âge des personnes.

Enfin, la loi du 28 décembre 201515 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, est le dernier grand acte en matière de politiques vieillesse. « L'adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la Nation ». Cette loi, dans son article 1er renoue avec les ambitions du rapport LAROQUE et rompt avec une approche de la dépendance centrée sur le « tout médical ».

L’évolution des politiques en matière de dépendance et de handicap va aujourd’hui dans le même sens. L’inclusion et l’adaptation de la société à ces populations sont des axes prioritaires. Cette brève incursion dans ces deux champs du handicap et de la dépendance montre qu’au-delà des termes, c’est une représentation sociale de ces problématiques qui est en jeu, d’où les difficultés à établir des passerelles entre les deux secteurs. Après avoir clarifié les raisons de l’apparition de la problématique des personnes handicapées âgées, je me propose d’explorer, dans le chapitre suivant, ses principales dimensions et voir les réponses apportées pour chacune d’entre elles depuis ces dernières années.

15 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.