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Définition et calcul d’un K t local

PARTIE I : Génération de surface par usinage : influence sur le comportement

5. Modélisation de l’effet de la rugosité sur le comportement en fatigue

5.2. Définition et calcul d’un K t local

5.2.1. Choix d’un calcul par éléments finis

Dans la plupart des approches présentées précédemment [Arola 1999] [Arola 2002] [Andrews 2000], le coefficient de concentration de contraintes est calculé à partir de paramètres géométriques de surface moyennés. L’idée développée dans cette étude est au contraire d’estimer Kt directement à partir de la topographie complète de surface sans utiliser

ces paramètres de rugosité. Kt est estimé par une analyse éléments finis de la topographie de

surface mesurée et ainsi supposé conduire à un état de contrainte qui est plus représentatif de ce que subit réellement l’échantillon. Cette manière de caractériser la topographie de surface d’un point de vue mécanique sans utiliser les paramètres géométriques de rugosité a donné lieu à un dépôt de brevet [Chieragatti 2006].

Une approche similaire a été proposée en parallèle par As et al. [As 2005]. Après une mesure de topographie de surface par un microscope interférométrique à lumière blanche et une interpolation de type Bézier des données obtenues, les auteurs établissent un modèle éléments finis 2D dont la densité de maillage est contrôlée en rendant la taille d’éléments dépendante de la courbure de la surface. La taille de maille en fond d’entaille est ainsi très fine (0.1µm), garantissant la convergence du calcul. Ils montrent ainsi que les sites expérimentaux d’amorçage en fatigue d’éprouvettes d’alliage d’aluminium 6082 ne correspondent pas aux endroits où les Kt de surface sont maximum mais aux zones où les

contraintes axiales sont maximales à une distance d’environ 10µm de la surface [As 2008]. Ces résultats devraient sans aucun doute être confrontés aux méthodes de types distance critique. Néanmoins, cette approche ne pose pas correctement une définition de l’échelle de modélisation. Une taille de maille de 0.1µm permet de décrire très finement la géométrie et assure la convergence numérique mais n’est pas cohérente avec les hypothèses de la mécanique des milieux continus, d’isotropie et d’homogénéité utilisées dans la méthode des éléments finis car l’échelle des gradients obtenus est inférieure à la taille d’un grain.

La méthode présentée dans la suite est la synthèse des travaux de Suraratchai [Suraratchaï 2006] complétés par Limido [Limido 2008].

5.2.2. Définition de la surface « utile » : longueur critique et filtre

Comme illustré précédemment dans la description des travaux de As et al. [As 2005] [As 2008], la détermination par éléments finis d’un coefficient de concentration de contraintes local (Kt) associé à la texture de surface nécessite de définir une échelle de modélisation. En

le maillage doit être extrêmement raffiné en pointe d’aspérité. Cela engendre deux problèmes : d’une part, des rugosités, même peu profondes (par exemple de l’ordre du nanomètre), mènent, si elles sont aigües, à des (Kt) très élevés, voire infinis, peu significatifs ;

d’autre part, la question de la validité des hypothèses d’homogénéité et d’isotropie dans ce cas, reste posée. En outre, d’un point de vue physique, même sans évoquer les problèmes expérimentaux liés à l’échelle de mesures des surfaces, il est légitime de se demander s’il est nécessaire de représenter la surface avec la plus grande précision possible pour caractériser l’effet des concentrations de contraintes dues à la rugosité sur la durée de vie en fatigue. Autrement dit, est-ce que toutes les aspérités de la surface affectent la sollicitation de fatigue ou au contraire, peut-on considérer que certaines aspérités, que l’on pourrait qualifier de secondaires, comme par exemple celles se trouvant sur la surface d’autres aspérités plus importantes, n’ont qu’un effet négligeable en termes de fatigue ?

Le choix que nous avons effectué, est donc, contrairement à As et al., de supposer que seule une partie des aspérités de surface participent effectivement à une modification conséquente de l’état de contrainte local pouvant avoir une influence sur la durée de vie en fatigue. L’idée est donc de définir une surface « utile » au calcul de (Kt) en s’appuyant sur

une échelle d’étude permettant un filtrage robuste des données de la surface. Afin de fixer cette échelle d’étude, la longueur critique, telle que définie par El Haddad [El Haddad 1980] (eq. 12) a été utilisée.

Cette hypothèse est supportée par les observations faites sur le comportement en fatigue d’éprouvettes entaillées comme illustrées dans les travaux de Taylor et Wang [Taylor 2000] : pour une entaille de longueur fixée il existe en effet un rayon critique de fond d’entaille au dessous duquel la limite de fatigue n’est plus affectée et reste identique (Figure 7). Et ce rayon critique est égal à la longueur critique a0 définie par l’équation (12). Ainsi, une

« petite » entaille ne peut concurrencer une « grande » entaille en terme d’effet sur la limite de fatigue, même avec un rayon de fond d’entaille plus petit puisque il existe une saturation de l’effet du rayon en dessous d’une valeur critique.

60 70 80 90 100 110 120 130 0,01 0,1 1 10

Rayon de fond d'entaille (mm)

L im it e d e f a ti g u e ( M P a ) a0

Figure 7 : Résultats expérimentaux de l’influence du rayon de fond d’entaille sur la limite de fatigue d’un acier [Taylor 2000]

On peut donc considérer que seules les longueurs d’onde supérieures à la longueur caractéristique a0 contenues dans la texture (au sens géométrique) d’une surface sont utiles

calcul de Kt et une partie inutile au calcul de Kt peut ensuite s’effectuer en utilisant le

principe de séparation des profils classiquement utilisé pour la détermination des profils de rugosité en utilisant par exemple la norme [ISO 4288 1996].

Le principe est d’utiliser un filtre gaussien qui a les propriétés de ne pas produire de distorsion et de ne pas créer de déphasage. La fonction de pondération de ce filtre est définie par l’équation (14). Elle est fonction de la longueur de coupure (Lc).

2 2 ln 2 ln 1 ) (             − = π π

π

Lc x e Lc x s (14) s : fonction de pondération x : abscisse du profil Lc : longueur de coupure

Dans notre cas, la longueur de coupure de ce filtre est choisie égale à la longueur critique a0dontla valeur pour l’alliage étudié est calculée dans le Tableau 5.

∆Kth (MPa√m) ∆σ0 (MPa) a0 (µm)

3,1 250 50

Tableau 5 : Longueur critique AA 7010-T7451 (R=0,1)

Figure 8 : Exemple de séparation de profils de surface pour le calcul de Kt [Limido 2008]

Un exemple d’utilisation de cette méthode est donné en Figure 8 [Limido 2008]. Le profil brut (en rouge) a été obtenu par mesure (rugosimètre Mahr) d’une surface réalisée par étau

limeur. L’application de la méthode de séparation permet d’obtenir, à partir du profil P, le profil filtré (en vert). Nous pouvons observer que le profil filtré est moins perturbé que le profil brut : les minuscules aspérités ont été éliminées et les rayons en fond de vallées sont moins aigus ce qui autorise à penser que les informations nécessaires à l’évaluation de la modification de la limite de fatigue seront conservées tout en facilitant la modélisation par éléments finis. La différence entre profil brut et profil filtré (en bleu) permet d’illustrer l’information qui n’est pas prise en compte dans notre définition de Kt.

5.2.3. Calcul du Kt local par éléments finis

Le profil filtré ainsi obtenu est ensuite utilisé pour générer la géométrie du modèle éléments finis. Un calcul 2D (hypothèse de déformation plane) linéaire élastique est réalisé en imposant une charge uniforme. Les éléments finis utilisés sont des triangles à interpolation quadratique. La convergence est soit assurée par remaillage adaptatif basé sur un critère a posteriori en énergie [Limido 2008] soit vérifiée a posteriori [Suraratchaï 2006] pour une taille de maille de 20 à 30µm. De manière classique, le coefficient de concentration de contrainte local Kt est déterminé en effectuant le rapport entre la contrainte maximale et la

contrainte nominale. Du fait de la régularité des stries d’usinage, cette valeur de Kt est

généralement trouvée en différentes vallées de la surface mesurée. Le principe de détermination de Kt est illustré Figure 9.

Figure 9 : Principe de détermination du coefficient de concentration de contrainte local Kt nom t K

σ

σ

max = 60µm S T Modèle EF 2D (17.5mm long) Charge uniforme imposée nom

σ

max

σ

Filtrage L

5.3. Prédiction de durée de vie en fatigue