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Partie 1 - INTRODUCTION

IV. La défensine AhPDF1

Le zinc est un oligoélément nécessaire à la croissance de la plante mais il devient toxique lorsqu’il est présent en excès dans le sol, c’est pourquoi les plantes ont besoin de contrôler les concentrations de zinc interne, ce processus est appelé homéostasie du zinc. Il existe néanmoins des plantes qui résistent aux métaux et sont capables de pousser sur des sols pollués. Certaines d’entre elles supportent des quantités élevées de métaux en les transportant du sol vers les parties aériennes de la plante. Ces plantes sont appelées des plantes hyper-accumulatrices et sont cultivées pour détoxifier les sols pollués (phytoremédiation) (Zhao and McGrath, 2009).

INTRODUCTION L’équipe d’adaptation des plantes aux métaux de Pierre Berthomieu à Montpellier a réalisé un criblage fonctionnel des librairies d’ADNc d’Arabidopsis halleri dans la levure

Saccharomyces cerevisiae afin de trouver les gènes conférant la tolérance au zinc à la levure. Elle

a ainsi mis en évidence que la protéine AhPDF1 est impliquée dans la tolérance au zinc chez

Arabidopsis halleri. Des travaux en 2005 montraient qu’un stress aux métaux lourds induit une

accumulation de jasmonate dans Arabidopsis thaliana et Phseolus coccineus (Maksymiec et al., 2005). La voie de signalisation utilisée par la plante lors de ce stress abiotique est la voie JA, la même que celle utilisée pour lutter contre les nécrotrophes et les insectes (Figure 15). Quelques mois après la publication de Mirouze et al., des travaux montraient la différence d’expression des gènes de l’homéostasie du zinc lors d’une carence et d’un excès de zinc chez Arabidopsis

thaliana et Thlaspi caerulescens, une plante hyperaccumulatrice de métaux (Mortel et al., 2006).

IV. 1) Criblage des ADNc

Afin de caractériser les mécanismes moléculaires de la tolérance au zinc de la plante

Arabidopsis halleri, un criblage des ADNc conférant la tolérance au zinc à la plante a été effectué

dans la levure Saccharomyces cerevisiae. Le criblage a été réalisé sur un milieu minimum contenant 15mM de sulfate de zinc (ZnSO4) qui à cette concentration, inhibe la croissance de la levure sauvage. Le criblage a révélé que quatre gènes codants pour des défensines (AhPDFs) chez Arabidopsis halleri induisent une tolérance au zinc chez la levure. Ensuite, la défensine AhPDF1 sous le contrôle du promoteur 35S, a été exprimée dans la plante Arabidopsis thaliana qui initialement ne possède pas la tolérance au zinc. La plante Arabidopsis thaliana transgénique devient alors plus tolérante au zinc que le phénotype sauvage. AhPDF1 est donc capable de conférer la tolérance au zinc à la levure, mais aussi à la plante.

Parmi les levures transfectées, neuf mutants indépendants ont été sélectionnés, leur ADNc a été alors séquencé. Les neuf ADNc étaient très similaires (87 % d’identité), ils permettent de coder quatre protéines différentes de 80 résidus. Les comparaisons de séquences ont montré que ces ADNc codaient pour des défensines de plantes. Ces protéines ont un fort degré d’identité (de 71 à 96 %) avec les défensines d’Arabidopsis thaliana ou les défensines RsAFP du radis Raphanus sativus (Figure 19). La famille des défensines d’Arabidopsis thaliana est divisée en deux sous-familles nommées AtPDF1 et AtPDF2 (Thomma et al., 2002). D’après les relations phylogénétiques entre les défensines, les quatre ADNc clonés d’Arabidopsis halleri appartiennent à la sous-famille AtPDF1. Elles sont nommées AhPDF1.1, AhPDF1.2, AhPDF1.3 et AhPDF1.4 (Mirouze et al., 2006). Quelques mois après la publication de Mirouze et al., des travaux montraient que la défensine PDF1.2 est constitutivement surexprimée chez Thlaspi

caerulescens, plante hyperaccumulatrice de zinc, par rapport à Arabidopsis thaliana (Mortel et

al., 2006).

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Figure 19 – Arbre phylogénétique des ADNc de défensines AhPDF1 et AtPDF1 (extraite de

Mirouze et al., 2006)

IV. 2) Mise en évidence de la tolérance au zinc

La croissance des levures exprimant les défensines d’Arabidopsis halleri a été réalisée sur un milieu minimum et sur un milieu contenant 30 mM de ZnSO4 (Figure 20) (Mirouze et al., 2006). L’expression de l’une des quatre défensines permet à la levure de se développer sur un milieu riche en zinc.

Figure 20 – Tolérance au zinc de la levure S. cerevisiae exprimant les protéines AhPDF1.1,

AhPDF1.2, AhPDF1.3 et AhPDF1 .4 (extraite de Mirouze et al., 2006)

Comme Arabidopsis halleri est résistante au zinc mais également au cadmium, l’hypothèse de la résistance au cadmium donnée par les défensines a aussi été testée. Les levures exprimant les défensines ont été placées sur un milieu riche en cadmium (Figure 21).

Le phénotype de tolérance au zinc est plus important pour les levures exprimant la défensine AhPDF1.1 et AhPDF1.2 que celles exprimant AhPDF1.3 ou AhPDF1.4.

AtPDF1

AtPDF2

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Figure 21 – Tolérance au cadmium de la levure S. cerevisiae exprimant les protéines AhPDF1.1,

AhPDF1.2, AhPDF1.3 et AhPDF1 .4 (extraite de Mirouze et al., 2006)

Pour vérifier si la tolérance au zinc observée dans la levure S. cerevisiae est spécifiquement due à la défensine d’Arabidopsis halleri, des levures ont été transfectées avec l’ADNc AtPDF1.2c d’Arabidopsis thaliana et testées sur le milieu riche en zinc (Figure 22).

Figure 22 – Tolérance au zinc de la levure S. cerevisiae exprimant la protéine AtPDF1.2c (extraite

de Mirouze et al., 2006)

Les niveaux d’expression des défensines AhPDF1 d’Arabidopsis halleri et AtPDF1.2c d’Arabidopsis thaliana ont été comparés chez la plante à l’aide d’un test ELISA compétitif utilisant le sérum RsAFP2. Les plantes poussent d’abord sur un milieu hydroponique (substrat neutre et inerte de type sable ou billes d'argile, irrigué d'un courant de solution apportant les sels minéraux et les nutriments essentiels à la plante) pendant 8 semaines sans zinc, puis est ensuite ajouté 1 mM de ZnSO4 dans le milieu de culture pendant une semaine. La protéine AhPDF1 est largement plus exprimée que la protéine AtPDF1.2c, dans les conditions normales et AhPDF1 est plus fortement surexprimée en présence qu’en absence de zinc (Figure 23).

Les défensines AhPDF1 ne confèrent aucune tolérance au cadmium chez la levure.

La défensine AtPDF1.2c confère également une tolérance au zinc chez la levure.

INTRODUCTION

Figure 23 – Niveaux de protéines dans les racines de Arabidopsis halleri en absence et en

présence de zinc et de Arabidopsis thaliana (extrait de Mirouze et al., 2006)

Arabidopsis thaliana et une lignée transgénique d’Arabidopsis thaliana exprimant la

défensine AhPDF1 ont été plantées sur différents milieux avec une concentration croissante de zinc. On observe des différences importantes entre le phénotype sauvage et la lignée transgénique sur les milieux contenant 400 ou 500 µM de ZnSO4. La plante Arabidopsis thaliana transgénique exprimant AhPDF1 est plus grande et plus verte que le phénotype sauvage. Sur les milieux à hautes concentrations en zinc, les deux plantes montrent des symptômes d’empoisonnement. La lignée transgénique est donc plus tolérante au zinc que le phénotype sauvage. A. thaliana A. thaliana exprimant AhPDF1 [ZnSO4]

Figure 24 – Plante Arabidopsis thaliana de phénotype sauvage et exprimant la protéine AhPDF1

poussant sur un milieu riche en zinc et photographiées au bout de 16 jours (extraite de Mirouze et al., 2006)

La capacité des défensines à conférer une tolérance au zinc est confirmée par cette expérience (Figure 24), la plante Arabidopsis thaliana surexprimant la défensine AhPDF1 possède une tolérance au zinc que n’a pas le phénotype sauvage.

La surexpression de la défensine AhPDF1 confère une tolérance au zinc chez la plante

Arabidopsis thaliana.

C’est donc le niveau d’expression des défensines qui compte, et pas la séquence de la défensine.

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