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E.1. Défenses antérieures à l'infection _____________________________________ 27

I.E.1.α. Evitement des parasites

Une infection n’aura jamais lieu si le parasite ne rencontre jamais d’hôte. Une diminution de la probabilité de rencontre du parasite est donc une défense efficace contre les infections.

i. Evitement spatial et temporel

Chez certains hôtes, on peut observer des modifications comportementales lorsque un parasite est présent dans le milieu. Chez l’épinoche, la présence du parasite Argulus

canadensis dans le milieu provoque un évitement des bas-fonds et de la végétation par les poissons alors que ces milieux représentent des cachettes efficaces contre les prédateurs (Poulin et Fitzgerald, 1989). La fourmi Solenopsis richteri restreint son activité de prédation à des périodes de la journée où ses parasitoïdes (Pseudacteon

phoridae) sont le moins actifs (Folgarait et Gilbert, 1999).

ii. Modification de la consommation de nourriture et du régime alimentaire Certains organismes sont capables de modifier leur régime alimentaire en fonction de la présence de parasites dans leur nourriture habituelle. Des études ont démontré que

Hôte Parasite

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Figure 7. Cycle de vie typique d’un parasite. Dans ce schéma le parasite trouve un hôte (1) soit par

recherche active ou par rencontre fortuite. Une fois l’hôte en contact avec le parasite, ce dernier doit pénétrer dans l’hôte (2) pour pouvoir l’exploiter et ainsi se reproduire (3). On considèrera ici que l’étape (3) implique à la fois reproduction clonale et sexuée. Enfin, le stade de transmission du parasite s’évade de son hôte (4) et recommencer le cycle.

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certains moutons évitent de se nourrir dans les hautes herbes, pourtant plus nutritives, lorsqu'un parasite y est présent (Hutchings et al., 2001). Chez certains clones de Daphnia

dentifera, la présence de parasites dans le milieu corrèle négativement avec son taux de prélèvement de nourriture (filtration) dans le milieu (Civitello et al., 2013). Chez le nématode Caenorhabditis elegans, la consommation de Bacillus thuringiensis toxiques, mesurée par la fréquence de préhension de nourriture, est réduite par rapport à la consommation de souches non toxiques (Schulte et al., 2012). Ce phénomène est accuentué après la une expérience de co-évolution entre ces deux organismes.

iii. Comportements sociaux

Les espèces sociales ont adopté des comportements visant à limiter la transmission des parasites au reste de la colonie. Les abeilles se débarrassent des larves mortes pour prévenir les infections bactériennes de la ruche (Rothenbuhler, 1964). De même, les "déchets" de certains insectes sociaux sont stockés à distance du nid (Weiss, 2006).

I.E.1.β. Réponses anticipées à l'infection

Certaines défenses physiologiques peuvent être déclenchées avant même un contact direct entre l'hôte et le parasite. Les femelles drosophiles sont capables de détecter spécifiquement la présence de guêpes parasitoïdes dans leur environnement. Elles vont alors pondre leurs œufs préférentiellement dans une source de nourriture riche en alcool qui assure une meilleure protection des larves contre ce type de parasite (Kacsoh et al., 2013). Toujours chez les arthropodes, plus particulièrement chez certains lépidoptères, une augmentation de la réponse ProPhenolOxydase (PPO) est observée lorsque l'on augmente la densité d'hôtes en présence de parasites, et ce avant que l'infection n'ait lieu (Wilson et al., 2003).

I.E.1.γ. Barrières physiques à l'infection

Une fois la rencontre entre l'hôte et le parasite effectuée, le parasite doit s'installer sur ou dans son hôte. Pour ce faire, il doit se frayer un chemin vers l'intérieur de l'organisme. De nombreux organismes possèdent des barrières physiques empêchant la pénétration des parasites. La plupart du temps, ces barrières ne sont pas seulement dédiées à la résistance aux parasites mais elles constituent une étape limitant l'infection. Les Nématodes et les Arthropodes possèdent une cuticule qui les protège contre l'infection de multiples parasites en empêchant une interaction directe avec les cellules de l'hôte. Chez l'Homme, la peau est une protection non-négligeable contre les parasites. La sécrétion de mucus, en général au niveau des points d'entrée de l'organisme, permet aussi de réduire la possibilité de pénétration de corps étrangers dans l'hôte.

Pré-infection Post-infection

Réduction de

l’exposition Anticipation Barrières

Défenses

physiologiques Tolérance

Figure 8. Diversité des mécanismes de défense de l’hôte face à un parasite. Les défenses

antérieures à l’infection incluent une réduction de l’exposition au parasite par l’hôte (changements comportementaux, modifications du régime alimentaire), une anticipation de l’infection (surexpression de gènes de l’immunité, modification des conditions physico-chimiques du milieu) et la présence de barrières (peau, cuticule, mucus). Les réponses postérieures à l’infection incluent les défenses physiologiques (système immunitaire) et la réduction des effets nocifs de l’infection (tolérance).

Parasite

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installation est réversible et dépend de la capacité du parasite à faire face aux défenses de l'hôte postérieures à l'infection.

I.E.2. Défenses postérieures à l'infection

I.E.2.α. Réponse immunitaire ou défense physiologique

La réponse immunitaire est le type de défense antiparasitaire le plus étudié et par conséquent le plus documenté, plus particulièrement chez les vertébrés (souris, homme). Cette réponse est en général induite par la détection d'un corps étranger en surface où à l'intérieur de l'hôte. Les nombreux et diverses mécanismes de cette défense seront abordés plus loin dans ce manuscrit. Le système immunitaire, tout comme les autres systèmes biologiques (respiratoire, digestif, nerveux, reproducteur...) d'un organisme, implique la coordination de nombreux éléments de reconnaissance et de signalisation. Pour qu'une réponse immunitaire ait lieu, le système immunitaire doit dans un premier temps être capable de distinguer le soi du non-soi et ensuite d'induire une réponse appropriée à l'infection rencontrée. Certaines réponses ont un large éventail d'action et peuvent cibler différents types de parasite tandis que d'autres sont spécifiques de parasites particuliers. Tous les organismes vivants possèdent un système immunitaire, le plus rudimentaire soit-il. Ces réponses immunitaires sont le résultat d'une longue coévolution entre les parasites et leurs hôtes.

I.E.2.β. Tolérance

La sélection s'exerçant sur l'hôte se mesure principalement par la capacité de l'hôte à survivre et à se reproduire en présence du parasite. Une alternative à l'élimination du parasite est la diminution de l'effet du parasite sur l'hôte: la tolérance. Deux paramètres sont nécessaires pour mesurer la tolérance d'un hôte: la virulence de l'infection qui rend directement compte de l’effet du parasite sur l’hôte et la charge parasitaire qui sert à pondérer cet effet. Pour deux infections parasitaires distinctes, si la charge parasitaire est identique pour les deux infections l’hôte le moins affecté montre alors une meilleure tolérance (Kause et Ødegård, 2012). Par exemple, chez l’Homme, les individus possédant les allèles responsables de l’alpha-thalassémie meurent moins fréquemment lors d’une infection par la malaria. Cependant, il est maintenant clair que les individus hétérozygotes ou homozygotes pour ces allèles portent une charge parasitaire similaire aux individus non-atteints par l’alpha-thalassémie, suggérant une augmentation de la tolérance au parasite (Wambua et al., 2006). Les bases génétiques de la tolérance n'ont pour le moment pas été clairement identifiées. Certaines souris mutantes présentent une nette diminution de fitness comparativement aux individus non mutés mais avec une

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charge parasitaire similaire (Råberg et al., 2007). Une des grandes interrogations concernant la tolérance est de savoir si elle correspond à un état stable (une évolution vers la tolérance de la part de l'hôte) ou si elle résulte du fait que le parasite, grâce à son potentiel adaptatif élevé, réussit à contourner en permanence les défenses de son hôte, tant et si bien que la charge parasitaire reste constante au cours du temps.

I. Conclusion

Un parasite est un organisme symbiotique total ou partiel qui vit aux dépens d'un autre organisme, l'hôte. Un parasite peut exercer une très forte pression de sélection sur son hôte, qui, en retour exerce une très forte pression de sélection sur le parasite.

On estime que la moitié des espèces identifiées jusqu'à ce jour ont adopté un mode de vie parasitaire. Ce mode de vie est apparu de nombreuses fois indépendamment dans plusieurs groupes. Cependant, aucun parasite n'est capable d'infecter tout type d'hôte et il existe une spécificité très claire de certains parasites pour des hôtes particuliers. Cette spécificité est dépendante d'une compatibilité physiologique (infection physiologiquement possible?) entre le parasite et l'hôte mais aussi d'une compatibilité écologique (le parasite a-t-il accès à cet hôte?).

Le succès d'une infection dépend à la fois des capacités du parasite à trouver un hôte, à pénétrer à l'intérieur et à l'exploiter mais aussi à la capacité de l'hôte à se défendre.

Dans ce chapitre, nous n'avons qu'effleuré la diversité des défenses mises en place par les hôtes durant leur coévolution avec les parasites. Dans le chapitre suivant, nous nous attarderons sur la diversité rencontrée au niveau d'une étape cruciale de l'infection: la réponse immunitaire.

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II. Diversité et évolution des défenses