• Aucun résultat trouvé

B. La capacité de réplication du virus d’Orsay varie entre souches sauvages de C. elegans

Les souches standards de laboratoire N2 (C. elegans) et AF16 (C. briggsae) ne sont pas sensibles aux virus d’Orsay et de Santeuil, respectivement (Félix et al., 2011), suggérant une variation intraspécifique de la capacité du virus à se répliquer. L’infection de 97 isolats naturels représentant la diversité mondiale connue de C. elegans confirme cette variation (Ashe, Bélicard, Le Pen, Sarkies et al., 2013; Figure 1 - figure supplement 1A). Le patron de variation apparemment continu suggère l’implication de plusieurs variations génétiques dans la capacité à empêcher la réplication du virus. L’analyse pangénomique sur ce caractère nous a révélé une seule région candidate de 6 Mb au centre du chromosome IV (Ashe, Bélicard, Le Pen, Sarkies et al., 2013; Figure 1A). La garnde taille de la région est directement liée au fait que les parties centrales des chromosomes ont un fort déséquilibre de liaison dans les populations naturelles de C. elegans. Une cartographie plus fine de la région par des croisements de laboratoire a révélé la présence d’un polymorphisme du gène drh-1 - une délétion de 159 pb, nommée niDf250 - perturbant le fonctionnement de la protéine DRH-1 (Ashe, Bélicard, Le Pen,

A n im a u x p o si ti fs e n Im m u n o F lu o re se n ce

Figure 33. Suivie de l’infection du virus d’Orsay à partir d’infections effectuées au stade L1. Les

animaux infectés sont déficients pour l’ARN interférence (mutant rde-1). Image issue de Franz et al. (2014).

B

A

C

Figure 34 Détection du RNA1 du virus d’Orsay (rouge) par FISH dans des mutants rde-1. A: En absence de virus. B-E: Infectés par le virus d’Orsay. Les noyaux (n) sont marqués par

DAPI (bleu). La barre d’échelle représente 20 µm. Images issues de Franz et al. (2014).

D

183

Sarkies et al., 2013; Figure 1 et figure supplement 2). Une délétion non-sens dans le gène drh-1 dans le fond génétique N2, résistant, rend la réplication du virus possible à un niveau similaire à celui mesuré dans JU1580. Ces résultats suggèrent qu'un seul locus pourrait être impliqué dans la différence phénotypique entre N2 et JU1580 (voir aussi l'expérience en supplement 2B). La continuité de sensibilité observée dans les 97 souches naturelles peut s'expliquer de différentes façons, non exclusives:

- Erreur de mesure: Cette continuité peut être expliquée en partie par des erreurs de mesure, en particulier liées à la technique de RT-PCR utilisée pour mesurer la charge virale. On note d'amples variations entre réplicats, qu'ils soient dans des infections indépendantes (Ashe, Bélicard, Le Pen, Sarkies et al., 2013; Figure 1 - figure supplement 1A) ou pour la même infection.

- Variation biologique: Une partie de la variation observée entre réplicats semble directement imputable à la variation de la propagation du virus d’Orsay entre les réplicats d'infection. En effet, si l’on compare les trois réplicats d’infection réalisés pour chaque souche, on constate qu’il n’est pas rare d’observer un réplicat rapportant une charge virale très basse, voir nulle, alors que les deux autres rapportent une charge virale élevée, et ce indépendamment du lot d’infections (Ashe, Bélicard, Le Pen, Sarkies et al., 2013; Figure 1 - figure supplement 1A). Ceci est probablement dû à la variation biologique du processus d’infection elle-même. Une infection peut échouer dans une souche sensible tandis qu’il est parfois possible de détecter l’infection d’une souche capable d’une réponse antivirale. C’est par exemple le cas pour la souche N2 dans laquelle on peut certaines fois détecter la présence de virus par RT-PCR (Félix et al., 2011). Même pour les socuhes les plus sensibles, le virus d’Orsay n'infecte généralement que 50% de la population une semaine après l’infection (Félix et al., 2011). Le taux de transmission de ce virus est donc assez faible et il n’est pas surprenant d’observer l'absence d'amorçage de sa propagation ou sa disparition de certaines populations.

Participation d'autres loci: Enfin, il apparaît que plusieurs loci participent à la sensibilité au virus d'Orsay dans les populations naturelles et que nous n’ayons détecté dans cette étude que celui responsable de la différence de sensibilité entre JU1580 et N2 (parents des lignées recombinantes utilisées pour restreindre la région d’intérêt) (voir section IID). Nous avons ici supposé que le nombre d’individus infectés a atteint un plateau sept jours (trois générations de nématodes) après l’infection de quatre larves L4. Ceci est un choix arbitraire car jusqu'à présent, aucune expérience n’a vérifié cette assomption. Une meilleure compréhension de la dynamique de l’infection de la population serait nécessaire pour confirmer ce choix. Néanmoins, une invalidation de celui-ci ne remettrait

184

pas en cause l’étude effectuée puisque les études d’associations pangénomiques permettent d’étudier le caractère de son choix, pourvu qu’il varie. Le suivi d’une infection de L1 a cependant démontré qu’au bout de 12 heures après l’infection, environ 60% des individus sont infectés (Figure 33), pourcentage qui est similaire à celui retrouvé une semaine après infection. Cette expérience n’est effectuée que sur une seule génération et la quantité de virus déposée n’est pas totalement maîtrisée mais cela nous donne une indication sur la vitesse du processus d’infection dans une population. Ainsi, une mesure de la charge virale au bout d'une semaine ne permet pas d'étudier un seul aspect de l'infection mais d'envisager la capacité générale du virus à infecter et à se maintenir dans la population. Cette mesure prend donc en compte à la fois la capacité du virus à infecter les individus, sa capacité à se multiplier et sa capacité à se transmettre dans la population.

Nous utilisons dorénavant au laboratoire le FISH afin de détecter la présence de virus dans les populations de Caenorhabditis infectés (Figure 34). En plus d’être moins onéreuse que la mesure de la charge virale par RT-qPCR, elle permet également d’évaluer la prévalence de l’infection dans une population ainsi que d’avoir une meilleure idée de la quantité de cellules intestinales infectées. Ces deux derniers phénotypes peuvent avoir leur importance dans la compréhension du phénomène d’infection. Par exemple, la seule utilisation de la RT-qPCR ne permet pas de savoir si la charge virale observée est due au fait que le virus se réplique faiblement dans tous les individus ou s’il se réplique fortement dans un faible nombre d’individus. Grâce à cette technique, nous comptons en apprendre plus sur la dynamique de l’infection et notamment sur la capacité de transmission du virus en fonction du génotype de l’hôte.