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4. Résultats

5.1. Décomposition et minéralisation des cultures de couverture

Au cours de l’expérience de décomposition en sac de résidus, il y a eu une diminution de la biomasse dans le temps, et ce peu importe l’espèce ou la partie étudiée. La vitesse de décomposition a été élevée durant les 20 premiers jours. La perte rapide de biomasse suite à l’enfouissement dans le sol est commune à toutes les matières organiques en décomposition. Cela peut s’expliquer par une activité intense des microorganismes due à l’ajout de nouvelle matière organique dans le sol. Effet, Abdallahi et N’Dayegamiye (2000) ont fait le même constat pendant les 20 premiers jours lors de leur étude sur l’effet de l’incorporation de CC sur la nutrition azotée du blé.Les espèces de CC utilisées étaient le trèfle rouge, le millet japonais (Sorghum sudanensis L.), le sarrasin (Fagapyrum esculentum L.), le colza et la moutarde blanche (Brassica campestris Moench L.). Dans leur expérience, ils ont démontré l’incidence positive de certaines CC sur la biomasse microbienne du sol. Kirchner et al. (1993) ont aussi démontré lors d’une expérience sur l’incorporation d’engrais vert de trèfle pourpre (Oxalis triangularis L.) l’augmentation de la population microbienne du sol. Cette activité de la biomasse microbienne serait certainement à l’origine de la diminution rapide de la biomasse initiale des CC en décomposition.

Ces résultats concernant la décomposition de la biomasse dans le temps sont aussi conformes avec les résultats de Halde et Entz (2016) qui ont étudié l’effet des espèces de CC et du taux d’application du paillis de CC sur la décomposition de ces paillis à la surface du sol. Cette étude regroupait des plantes appartenant à diverses familles, à savoir des composées, des linacées, des crucifères et des légumineuses. Dans l’expérience, ils ont fait recours aux sacs de résidus pour étudier la vitesse de décomposition des CC. Les sacs de résidus étaient placés à la surface du sol. Durant toute la période de placement (250 jours), ils ont constaté une diminution rapide de la biomasse pendant les 30 premiers jours. Cette diminution de la biomasse est constatée chez toutes les espèces en décomposition. Après les 90 jours de placement de notre expérience, la partie aérienne était plus décomposée que les racines pour le pois et la vesce. Ceci est donc une confirmation partielle des troisième et quatrième hypothèses.

Dans notre étude où les sacs ont été enfouis dans le sol, la décomposition rapide dans les 20 premiers jours est accélérée par le contact entre le sol et les CC en décomposition. Lors de cette décomposition,

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les matières organiques se dégradent en composés sous forme minérale, une fois qu’ils sont en contact avec le sol, grâce à la production d’énergie venant de l’utilisation de C par les microorganismes. Ces éléments minéraux libérés serviront à nourrir les cultures subséquentes, contribuant ainsi à leur rendement (Albrecht, 2007). Ce phénomène appelé minéralisation est influencé par de nombreux facteurs, dont la température et l’accessibilité des tissus dégradables aux microorganismes (Albrecht, 2007; Havstad et al., 2010). Dans notre étude, l’enfouissement a eu lieu en août 2017, une période où le sol possède une température relativement élévée. Cependant, toutes les espèces et les parties enfouies ont bénéficié de la même façon de cette température favorisant leur décomposition.

D’autres facteurs comme les composantes de la matière organiques ainsi que les caractéristiques de celles-ci peuvent accélérer ou ralentir la dégradation (N’Dayegamiye, 1991). Cette différence de composition pourrait aussi expliquer la rapidité de la décomposition d’une partie par rapport à une autre des espèces incorporées. Dans notre étude, le trèfle rouge s’est décomposé plus vite que les deux autres espèces (vesce commune et pois fourrager). Cela peut être dû au fait qu’il était le plus immature au moment de l’enfouissement (Bruulsema et Christie, 1987). En effet, le trèfle rouge était au stade floraison lors de l’enfouissement, alors que les deux autres espèces de CC avaient déjà atteint le stade de fructification.

Généralement, toutes les légumineuses sont considérées comme des plantes ayant des rapports C:N faibles. Les valeurs de rapport C:N considérées trop élevées favorisent l’immobilisation de l’N du sol (Aulakh et al., 1991; Trinsoutrot et al., 2000), tandis que les rapports C:N plus bas favorisent la minéralisation et rendent l’N du sol disponible aux cultures suivantes (Kuo et al., 1996; Jahanzad et al., 2016). Le rapport C:N favorable à la bonne minéralisation des CC se situe entre 25 et 27 (Kuo et Jellum, 2000 cité par Vaillancourt, 2016). En plus d’un rapport C:N inférieur, des études ont montré que les concentrations en N et en C aussi jouent un rôle important dans la minéralisation (Janzen et al., 1990). Dans notre étude, le trèfle rouge obtient les concentrations les plus élevées en N et en C. Ceci pourrait avantager sa décomposition par rapport aux autres espèces.

Malgré l’existence de plusieurs études montrant qu’un rapport C:N faible était synonyme de décomposition rapide, dans notre cas les parties aériennes ont eu des rapports C:N supérieurs à ceux des parties racinaires. Pourtant, les parties aériennes se sont décomposées plus vite que les parties

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racinaires, quoique ceci a été observé seulement pour deux espèces (pois fourrager et vesce commune) et seulement aux 20e et 30e jours. Néanmoins, des recherches ont apporté que les rapports

C:N de 25-35 étaient plus favorables à l’activité des microorganismes (Biddlestone et al., 1994). Étant donné que nos rapports C:N aériens varient entre 22 et 39, ceci pourrait tout de même expliquer la décomposition facile de la partie aérienne. Ces informations confirment en partie notre deuxième hypothèse. À l’opposé cette étude, Soon et Asrhad (2002) ont conclu que la décomposition de racines n’était pas sous le contrôle du rapport C:N, et cette conclusion appuie les résultats de recherche de Rasse et al. (2005) et Moore et al. (1999) qui ont démontré que le rapport lignine:N influence la décomposition des résidus végétaux. Les racines contiennent des composantes plus récalcitrantes et difficiles à minéraliser (telle que la lignine) que les parties aériennes. Dans notre étude, la concentration en lignine n’a pas été analysée.

Nos résultats sur la comparaison des rapports C:N des parties aériennes et souterraines sont similaires à ceux d’autres chercheurs. Soon et Asrhad (2002) ont étudié la décomposition et la minéralisation des résidus de blé, de canola (Brassica napus L.) et du pois fourrager. Nous pensons que cette similitude dans les résultats peut s’expliquer par la méthodologie utilisée dans les deux études. En effet, ils ont utilisé des sacs de résidus en nylon (1,0-1,5 mm de maille). L’expérience s’est déroulée en plein champ et les sacs contenant les résidus de paille étaient placés sur le sol tandis que ceux qui contenaient les résidus de racines étaient enterrés à 15 cm dans le sol. Talgre et al. (2017) ont eux aussi eu des résultats similaires aux nôtres et les méthodologies utilisées étaient presque identiques. Les espèces qu’ils ont utilisées étaient le trèfle rouge, le lotier corniculé (Lotus corniculatus L.), la luzerne (Medicago sativa L.),le lupin des jardins (Lupinus polyphyllus L.) et le mélilot blanc (Melilotus albus L.). Toutes ces plantes étaient de la famille des légumineuses aussi. Dans leur étude, le rapport C:N le plus élevé et le plus bas étaient obtenus par les parties aériennes et souterraines, respectivement, du mélilot blanc. Ces résultats sont partagés avec Talgre et al. (2014) lors d’une expérience antérieure sur la libération du phosphore et du potassium durant la décomposition de biomasses aériennes et souterraines de CC.

Chaves et al. (2004) ont travaillé sur la minéralisation de l’N des résidus de racines (fines et larges), de tiges et de feuilles de CC en relation avec leur composition biochimique. Les cultures utilisées lors de ladite étude étaient le chou rouge (Brassica oleracera convar. Capitata var. Rubra L.), le chou blanc

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(Brassica oleracera convar. Capitata var. Alba L.), les choux de Bruxelles (Brassica oleracera var. Gemmifera L.), le chou de Savoie (Brassica oleracera convar. capitata var. Sabauda L.), le poireau (Allium porrum L.), le ray-grass (Lolium perenne L.) et la moutarde blanche. Ils ont utilisé des tubes (diamètre = 4,63 cm; hauteur de remplissage = 12 cm; densité apparente = 1,4 g cm-3) comme

méthodologie pour l’incubation des résidus en laboratoire. L’expérience a duré 120 jours. Dans leurs résultats, pour le ray-grass et la moutarde blanche, les rapports C:N des parties racinaires étaient supérieurs à ceux des parties aériennes. Ces résultats sont donc contradictoires aux nôtres. Vu que dans notre étude la partie aérienne s’est vite décomposée malgré un rapport C:N élevé, cette contradiction peut s’expliquer d’une part par le stade phénologique avancé des CC utilisées au moment de l’enfouissement dans notre étude et d’autre part par la composition chimique des cultures utilisées dans chacune des expériences. En plus de ces causes, les conditions d’expérimentation comme la température peuvent aussi avoir des impacts sur les résultats (Albrecht, 2007). Lorsque la température est élevée, la décomposition est rapide tandis que la décomposition est lente lorsqu’elle est trop basse. Dans notre expérience, la température moyenne mensuelle a varié de 10o C à 25o C entre les mois

d’août et de novembre 2017, alors que celle de l’étude de Chaves et al. (2004) était de 21o C. Cela

peut donc expliquer que la température influence beaucoup la cinétique de la décomposition. Cependant, Caricasole et al. (2018) ont étudié la biodégradation à partir de résidus de récolte de maïs, de soya et de vesce velue. Ils ont démontré que la nature du C et de l’N était important pour déterminer la vitesse de décomposition. De même, Kuo et al. (1996) en travaillant sur l’influence de la culture de couverture hivernale sur la minéralisation de l’N, les tests de nitrates dans le sol et les rendements de maïs ont eu des résultats contradictoires concernant le rapport C:N. Dans leur étude, ils ont utilisé des résidus de paille et de racines venant du seigle, du raygrass annuel (Lolium multiflorum var. Billion L.), du pois d’hiver autrichien (Lathyrus hirsutus L.), de la vesce velue et du canola. Cette différence pourrait être due à leurs conditions d’expérimentation, notamment l’incubation (en tubes) en milieu contrôlé (soit 35o C dans ce cas).

Nos résultats concernant la corrélation confirment ceux d’Osanai et al. (2012) qui n’ont trouvé aucune corrélation entre la minéralisation d’N et le rapport C:N. Par contre, Kumar et Goh (2000) ont trouvé une corrélation négative entre le rapport C:N aérien et la minéralisation d’N (r = -0,75, P < 0,05), cité par Talgre et al. (2017).

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