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Décolonisation de l’Histoire et modalités de l’écriture

1.2 Du texte à l’histoire, au discours sur l’Histoire .1 Texte et écriture

1.2.5 Décolonisation de l’Histoire et modalités de l’écriture

Durant toute la période coloniale, le choix et l’interprétation des faits historiques par les européens réduisait à néant la possibilité d’une pénétration scientifique des évènements du passé et du présent. Les européens avaient l’exclusivité et l’initiative de l’écriture et du savoir sur des populations colonisées, ils sont seuls détenteurs des archives et de l’Histoire à la fois.

Ainsi, l’Histoire peut perdre parfois son objectivité pour se mettre au service d’une cause politique. Les manipulations, les omissions motivées, les falsifications vont transformer la réalité historique. Mais ne généralisons pas. Certains historiens européens ont gardé l’objectivité qui sied à leur mission et les africains à ont reconnu le mérite de ces écrivains intègres de l’Histoire et salué les résultats de leurs recherches dans nombre occasions.

Par « décolonisation » on entend prise en charge de la responsabilité énonciative dans l’écriture de l’Histoire par les historiens africains qui, soucieux de s’exprimer et de dire eux-mêmes leur passé se sont constitués en associations (association panafricaine ; Mahfoud Kaddache), groupe de réflexion et centre d’écriture d’Histoire.

Pour ce faire, l’historiographie peut avoir à sa disposition deux moyens complémentaires ; analyser de manière différente des faits déjà exprimés ou introduire des évènements qui n’avaient jamais été exposés jusqu’alors.

Il s’agit donc d’un contre-discours dont les modalités sont inscrites en réponse à un discours colonisateur. Nous pouvons à ce propos faire référence aux documents (3) et (4) pour voir d’abord comment des textes

37 poste coloniaux (respectivement 1988, 1981) analysent autrement des données statistiques qui relèvent des archives.

D’abord, la langue de l’Autre 37est un indice de base à cette notion de contre-discours et l’on ne peut que s’attendre à un contenu qui vient à l’appui pour démontrer ses mécanismes mis en valeur essentiellement par un lexique et des figures que nous pouvons considérer d’emprunt.

En fonction du sujet traité dans les deux textes ; population européenne et musulmane de l’Algérie coloniale, l’analyse des données chiffrées ne devrait pas excéder le cadre scientifique. Or, l’expression au début du texte (3), « …peuplement européen minoritaire à la mentalité de vainqueur », nous indique un jugement conforté par une autre expression dans la même phrase « …privilégié par… et la supériorité de ses moyens… ».

Il s’agit bien d’une référence à une situation d’inégalité ou de comparaison dans l’absence de l’élément central de cette équivalence ; algérien musulman. Mis en valeur par son abstraction, cet élément de référence (par rapport à), reste en suspens pour conclure le texte dans la dernière phrase « …supériorité de la civilisation française sur la civilisation musulmane et l’infériorité des indigènes par rapport aux citoyens français ».

Sur le plan typographique, nous pouvons relever des deux textes les expressions encadrées par des guillemets ; « indigènes », « mère du banditisme ».

Concernant l’emploi du terme « indigène », Yvonne Turin38 considère qu’ «… il appartient au vocabulaire de l’époque et qu’une

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. Titre qui sera développé ultérieurement, Chap. II.

38 traduction en mots du 20ème siècle aboutirait à un texte défiguré par les anachronismes et les contre-sens historiques ».

Dans le dictionnaire Hachette encyclopédique, éd 2001, il est souligné que le mot indigène est souvent employé avec une intention péjorative ou raciste. Ce terme se trouve réemployé dans le document (13) en tant que complément d’un nom qui ajoute un sème au lexème ; … à « titre d’indigène », suivi d’un énoncé à fonction métalinguistique ; « C'est-à-dire en étranger, sur une terre étrangère, pour une cause étrangère ».

Eu égard à son cotexte, la périphrase « mère du banditisme » est co-occurrente au terme « misère » qu’elle succède directement pour le définir par la fonction métalinguistique39 ajoutant ainsi un sème au lexème.

Quand un mot est employé de façon opaque, la typologie mentionne cet emploi. Cette typologie peut aussi expliciter que c’est une formule qui n’appartient pas au narrateur et grâce aux guillemets, tout lecteur comprend que le mot n’est pas employé pour ce qu’il signifie en tant que terme autonymique.

Il est de même pour « devineresse » dans le document (2) et « passer en revue », « l’homme au sac », camps « noirs » dans le document (9). Si le mot se représente lui-même selon la théorie de Jean Searle40, la mention d’un lexème vient s’opposer à l’usage pour fixer un sème dans un contexte particulier forgeant un mot-type.

39 Claude Germain, Raymond Leblanc, Introduction à la linguistique générale, la sémantique, éd. Les presses de l’université de Montréal, Montréal(Québec), 1981, Chap.III ; la sémantique du mot, p. 41 – 45.

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39 Par conséquent, il se dessine clairement que le discours dans les deux textes (3) et (4), entre autres, s’inscrit toujours comme un contre-discours en réponse à un besoin langagier manifeste, engendré par une situation de communication qui voit son objet (référent) prendre position d’interlocuteur, mettant en référence le discours antérieur du locuteur.

Le document (17) illustre parfaitement cette situation de prise en charge, de réponse et de remise en question en fonction d’un discours antérieur considéré comme un tiers-parlant. « Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourrait entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux »

Le terme forgé de l’association de deux lexèmes, « politique » et « ailleurs », montre l’assurance du locuteur dans le processus du contre-discours.