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Décohérence : lien entre représentation en kets et matrice densité

5.1.2 Mesure des constantes de relaxation

Dans la section précédente, nous avons considéré un système à deux niveaux parfait dont ni l’énergie, ni la phase ne relaxent via des couplages avec l’environnement de la boîte quantique. Ces couplages, en détruisant la cohérence de l’état préparé, sont néfastes au calcul quantique qui tire précisément son efficacité de la manipulation de superposi-tions cohérentes. Un calcul quantique ne sera donc fiable que si l’ensemble du processus préparation-manipulation-lecture se fait dans un intervalle de temps plus petit que le temps caractéristique de relaxation de la phase T2. Il découle de la remarque précédente que la réponse d’un système à deux niveaux soumis à deux impulsions (préparation et manipulation) dépend du délai δ qui s’écoule entre les deux impulsions. En effet, deux régimes sont à distinguer : un pour lequel le laps de temps entre les étapes de préparation et de manipulation est inférieur au temps de cohérence, δ < T2 et l’autre pour lequel cet intervalle de temps est plus grand que le temps de cohérence, δ > T2. Dans le premier cas, la seconde impulsion manipule un état cohérent qui peut dans certaines conditions donner lieu à des interférences. Dans le second, l’état manipulé est totalement incohé-rent : c’est un mélange statistique classique qui ne peut absolument pas donner naissance à un phénomène d’interférence avec la lumière incidente. L’objet de ce chapitre est de montrer que l’étude de la transition du régime pour lequel l’interaction lumière-matière est cohérente vers le régime où elle est incohérente, par le biais d’expériences de contrôle cohérent, permet de remonter au temps caractéristique de relaxation de la phase T2 et de l’énergie T1.

Cette approche est différente de celle présentée dans la section 5.1.1, décrivant la manipulation d’un qubit afin de réaliser un calcul quantique. En effet, dans ce dernier cas, l’état sur lequel agit la porte logique doit être connu puisque c’est l’état initial contrôlé par l’expérimentateur. Ici, l’état manipulé n’est pas forcément le même que l’état initial, à cause des éventuels processus de relaxation agissant dans l’intervalle de temps séparant les deux impulsions. Le principe d’une telle expérience est de retrouver l’état dans lequel se trouve le système juste avant son interaction avec la seconde impulsion, connaissant l’état final et les caractéristiques de l’impulsion (intensité, différence de phase φ entre les deux impulsions, detuning ∆).

5.2 Décohérence : lien entre représentation en kets et

matrice densité

De manière à mieux appréhender les mécanismes de décohérence intervenant dans un système à deux niveaux unique, il peut être utile d’en donner une description probabiliste

en terme de kets plutôt qu’une description statistique en terme de matrice densité. Nous allons montrer sur un exemple, directement généralisable, que cette interprétation donne le résultat connu dans le formalisme de la matrice densité.

Considérons le cas d’un mécanisme de décohérence pure, c’est-à-dire une interaction entre le système et son environnement qui ne change pas l’énergie du système mais modifie de manière instantanée la phase relative φ de la fonction d’onde. Nous reviendrons en détails sur les processus de déphasage pur dans la section 5.6.2. Le raisonnement est le suivant : dans un premier temps, nous faisons une expérience de pensée pour suivre l’évolution d’un évènement unique. Ce processus unique ne constituant pas une mesure, il faut, dans un second temps, moyenner sur une infinité d’évènements pour trouver l’état du système au sens statistique de la matrice densité.

Soit, à t = 0, le système initialement préparé dans l’état suivant : |ψ0(t = 0)i = √1

2(|0i − i |1i) (5.1) Ensuite à un instant ti, de l’ordre du temps de cohérence T2, le système interagit virtuellement avec des phonons ou des porteurs, provoquant un changement instantanée de phase relative de l’état initial |ψ0(ti)i, celle-ci passant de la valeur initiale φ0 = π

2 à une valeur aléatoire φ1. En effet, dans l’écriture (5.1), la phase relative est l’argument du facteur devant l’état de base |1i, i.e. arg(−i) = −π/2. Aussitôt après cette interaction, la fonction d’onde a brutalement changé et s’écrit, jusqu’au processus d’interaction suivant :

1(ti)i = √1

2 |0i + e1 e−iω0ti

|1i

(5.2) La phase φnn’est modifiée que pendant les processus d’interactions, elle est donc constante sur les intervalles de temps séparant deux interactions successives. L’indice n dans |ψn(t)i et φn désigne le nombre de processus de déphasage que le système rencontre depuis la préparation initiale de l’état.

Ensuite, pour trouver la matrice densité ρ(t) du système à l’instant t, il nous reste à moyenner sur une infinité d’évènements. Tout d’abord, réécrivons l’état initial du système dans la base {|1i, |0i} sous forme d’opérateur densité :

ρ(0) = |ψ0(0)ihψ0(0)| =    1 2 −2i i 2 1 2    (5.3)

Pour calculer l’état du système au temps t, il faut connaître la probabilité d’apparition d’un processus d’interaction en fonction du temps t écoulé depuis la précédente interaction. D’après la définition du temps de cohérence T2, cette probabilité vaut : 1−e−t/T2. De plus, nous supposons que, lors d’un processus de déphasage pur, chaque valeur de la phase φn

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comprise entre 0 et 2π est équiprobable. Ces hypothèses permettent de donner l’expression mathématique de l’opérateur densité au temps t, suivante :

ρ(t) = e−t/T20(t)ihψ0(t)| + 1 − e−t/T2 Z 01 2π |ψ1(t)ihψ1(t)| (5.4) La formule (5.4) montre que, aux temps courts devant T2, la probabilité d’être toujours dans l’état initial est proche de 1 tandis que, aux temps longs, tout état est équiprobable. Dans ce dernier cas, la moyenne sur tous les kets détruit la cohérence du système.

Le calcul de l’intégrale intervenant dans l’expression (5.4) donne en utilisant (5.2),

Z 01 2π |ψ1(t)ihψ1(t)| = Z 01 2π 1

2 |0ih0| + |1ih1| + e−iω0ti

e1

|1ih0| + e0ti

e−iφ1

|0ih1| (5.5) Comme R01 eiφ1 = 0, il reste :

Z 0

1

2π|ψ1(t)ihψ1(t)| = 12|0ih0| + 12|1ih1| (5.6) Si bien que, d’après l’équation (5.4) :

ρ(t) = e−t/T2

0(t)ihψ0(t)| + 1 − e

t/T2

2 (|0ih0| + |1ih1|) (5.7) Sous forme matricielle, cet état devient :

ρ(t) = e−t/T2    1 2 −2ie−iω0t i 2e iω0t 1 2   + 1 − e−t/T2    1 2 0 0 1 2    =    1 2 −2ie−iω0t e−t/T2 i 2e iω0t e−t/T2 1 2    (5.8)

Nous remarquons que la décohérence peut s’interpréter comme un changement instan-tané de phase φ. Ce saut brutal est d’autant plus probable que le temps augmente, mais lorsqu’il se produit, toute valeur de phase comprise entre 0 et 2π est équiprobable. La perte de cohérence apparaît plus clairement quand les résultats de plusieurs expériences individuelles sont moyennés, ce qui se produit quand une mesure est effectuée. La distri-bution aléatoire de la phase aux temps longs brouille "en moyenne" la cohérence de l’état préparé initialement.

5.3 Interaction du système à 2 niveaux avec 2